Le Mali et l'Algérie, deux pays voisins et partenaires historiques, traversent une période de fortes turbulences dans leurs relations bilatérales. La cause principale de cette crise est le rôle controversé de l'Algérie dans le processus de paix au Mali, qui suscite la méfiance et le ressentiment de Bamako. Cette situation, si elle perdure, pourrait avoir des répercussions négatives sur la stabilité du Sahel, déjà fragilisé par la menace terroriste. Selon Ahmedou Ould Abdallah, ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères, le Mali est partagé entre son histoire et sa géographie. D'un côté, il y a le poids de l'histoire, qui rapproche le Mali du Maroc. Les deux pays ont des liens culturels et économiques étroits, et les Maliens ont toujours été favorables à la marocanité du Sahara. D'un autre côté, il y a le poids de la géographie, qui rapproche le Mali de l'Algérie. Les deux pays partagent une frontière commune, et l'Algérie est un partenaire important du Mali dans la lutte contre le terrorisme. Tout a commencé en 2019, lorsque l'Algérie a pris l'initiative de relancer le dialogue entre les parties signataires de l'accord de paix de 2015, issu du processus d'Alger. Ce faisant, depuis quelques temps, l'Algérie s'est arrogée le rôle de médiateur exclusif, sans associer le Mali ni les autres acteurs régionaux et internationaux. L'Algérie a ainsi convoqué à plusieurs reprises les représentants des groupes armés du nord du Mali, dont certains sont liés aux mouvements djihadistes, dans le cadre du Cadre stratégique permanent (CSP), une instance créée par Alger pour assurer le suivi de l'accord de paix. Cette démarche a été perçue par le Mali comme une ingérence inacceptable dans ses affaires intérieures, d'autant plus que la situation sécuritaire dans le nord du Mali s'est dégradée ces derniers mois, avec la multiplication des attaques terroristes et des affrontements intercommunautaires. Le Mali a également reproché à l'Algérie d'avoir invité le Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA), un groupe allié du gouvernement de transition malien, sans le consulter au préalable. Le Mali a considéré cette invitation comme une tentative de division de ses forces. La crise diplomatique a atteint son paroxysme lorsque l'imam Mahmoud Dicko, une figure influente de l'opposition malienne et un opposant farouche au régime actuel, s'est rendu en Algérie pour rencontrer le président Abdelmadjid Tebboune. Cette visite, qui n'a pas été annoncée officiellement, a été interprétée par le Mali comme un geste hostile de la part de l'Algérie, qui chercherait à soutenir les forces contestataires au Mali. En réaction, le Mali et l'Algérie ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs pour des consultations, une mesure qui traduit la gravité de la crise. La crise diplomatique entre le Mali et l'Algérie intervient dans un contexte de transition politique au Mali, suite au coup d'Etat du 18 août 2020 qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta. Le gouvernement de transition, dirigé par le colonel Assimi Goïta, s'est engagé à organiser des élections générales en février 2022, mais il fait face à de nombreux défis, notamment sécurité et l'ingérence étrangère qui a beaucoup impacté le pays, Bamako s'est vu d'abord obligé de travailler davantage sur la réforme constitutionnelle, le dialogue national inclusif, la réconciliation nationale et la lutte contre le terrorisme. La crise diplomatique entre le Mali et l'Algérie a également des implications régionales, car elle affecte la coopération entre les deux pays dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. L'Algérie, qui partage une frontière de plus de 1 300 kilomètres avec le Mali, est un acteur clé dans la stabilisation de la région, où opèrent des groupes djihadistes comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et l'Etat islamique au Grand Sahara (EIGS). L'Algérie a participé à la création du G5 Sahel, un cadre de coordination entre le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie, pour faire face à la menace terroriste. L'Algérie a également apporté son soutien à la force multinationale mixte (FMM), qui regroupe les pays du bassin du lac Tchad, pour lutter contre le groupe Boko Haram. Toutefois, la crise diplomatique entre le Mali et l'Algérie pourrait remettre en cause cette coopération, et ouvrir la voie à d'autres acteurs régionaux, notamment le Maroc, qui entretient des relations étroites avec le Mali. Le Maroc, qui a joué un rôle important dans la médiation entre les parties maliennes lors de la crise de 2012, a réaffirmé son soutien au Mali dans sa transition politique et sa lutte contre le terrorisme. Le Maroc a également renforcé ses liens économiques et culturels avec le Mali, qui a toujours soutenu la marocanité du Sahara. Le Mali pourrait ainsi reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara, ce qui constituerait un revers diplomatique pour l'Algérie, qui soutient le Front Polisario. La crise diplomatique entre le Mali et l'Algérie est donc loin d'être anodine, car elle met en jeu des intérêts stratégiques pour les deux pays et pour la région du Sahel.