Les autorités algériennes devraient mettre fin à leur répression générale des organisations indépendantes de la société civile et veiller à ce qu'elles puissent opérer dans un environnement sûr et propice, ont souligné, mercredi, Amnesty International (AI) et Human Rights Watch (HRW). Les deux ONG ont notamment appelé les autorités algériennes à revenir sur la décision, « manifestement politique », de dissoudre la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), une organisation indépendante active depuis 38 ans, et lui permettre d'opérer librement et légalement. Le tribunal administratif d'Alger a dissous la LADDH le 29 juin 2022 à la suite d'une plainte déposée par le ministère de l'Intérieur, a fait savoir la même source dans un communiqué, précisant que la LADDH, qui n'avait pas connaissance de la procédure judiciaire, y compris de la plainte à son encontre, est « la dernière organisation visée par la campagne menée par les autorités pour neutraliser les organisations indépendantes de la société civile ». « Les autorités algériennes semblent déterminées à mettre fin à toute activité indépendante qui ferait la lumière sur les violations des droits humains dans le pays », a observé Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW, cité dans le communiqué. « Dans ce contexte, ce n'était qu'une question de temps avant qu'elles ne s'en prennent à la plus ancienne et la mieux établie des organisations nationales de défense des droits », a-t-il déploré. Dans sa décision, le tribunal a justifié la dissolution de la Ligue en déclarant qu'elle s'était livrée à des ''activités suspectes'', comme ''aborder dans ses publications la question de l'immigration clandestine'', ''organiser des manifestations'' devant les tribunaux et ''publier des documents et déclarations sur les réseaux sociaux accusant les autorités de réprimer les manifestations''. Très restrictive, la loi sur les associations de 2012 n'est pas conforme aux normes internationales régissant la liberté d'association, ont soutenu AI et HRW, soulignant que ses dispositions sont formulées de manière trop vague pour permettre aux associations de prédire raisonnablement si l'une de leurs activités constitue un crime. En conséquence, « elles menacent l'exercice des droits à la liberté d'expression et d'association », ont ajouté les deux ONG. La LADDH est la plus ancienne organisation indépendante de défense des droits humains en Algérie. Fondée en 1985 et officiellement enregistrée en 1989, elle a continuellement joué un rôle de premier plan dans la défense des droits humains et de la démocratie et, depuis 2019, dans la dénonciation de la répression du mouvement protestataire du Hirak, relève-t-on. Selon AI et HRW, sa dissolution s'inscrit dans le cadre d' »une répression brutale contre les organisations de la société civile », rappelant que les autorités algériennes se sont attaquées à d'autres associations de premier plan. Ainsi, en octobre 2021, un tribunal a dissous le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ), l'accusant d'avoir violé la loi, de semer le chaos et de trouble à l'ordre public. Le RAJ a fait appel de cette décision auprès du Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative du pays. Son verdict a été reporté au 23 février 2023. Caritas, une organisation caritative de l'Eglise catholique, a annoncé sa fermeture le 25 septembre 2022, après que les autorités lui ont reproché de fournir de l'aide et des services médicaux aux migrants, selon la même source. Fondée en 1962, Caritas proposait de nombreux services caritatifs à Alger. Les ONG relèvent également qu'en mai 2022, le wali d'Oran a demandé à un tribunal de dissoudre Santé Sidi Houari (SDH), une association axée sur la réhabilitation du patrimoine culturel de la ville d'Oran, alors que l'association culturelle SOS Bab El-Oued à Alger a suspendu ses activités après que les forces de sécurité ont perquisitionné son bureau et confisqué du matériel en avril 2021.