Pénuries de matières premières, disruptions de production, hausse des prix d'énergie, frais élevés de transport ... les chaînes de distribution mondiales ne cessent de subir des perturbations, mettant en péril la continuité de l'approvisionnement des marchés. Dans un monde VUCA, les logisticiens marocains ont pu faire preuve d'adaptabilité et de résilience. Voici ce qui fait du Maroc une plateforme logistique attrayante pour les acteurs internationaux. Au cours de deux crises consécutives, les opérateurs logistiques marocains ont dû s'adapter pour assurer l'approvisionnement du marché national en produits stratégiques et protéger les exportations du pays. Réunis mardi 14 juin 2022 à Casablanca au Salon international du transport et de la logistique pour l'Afrique et la Méditerranée (Logismed), des acteurs internationaux de la logistique ont mis en exergue les atouts du Maroc, qui font de lui un véritable modèle en termes de résilience et lui offrent des avantages « en matière d'approvisionnement et de logistique ainsi qu'au niveau des prix de transport », comme le souligne le Directeur chargé de la chaîne d'approvisionnement globale et de planification à Alstom Group, Benedict Lannoye. Une volonté politique et un soutien public Depuis le début de la pandémie, le gouvernement marocain, orienté par la vision Royale proactive et stratégique, a lancé des programmes multisectoriels et multiniveaux pour protéger l'économie nationale, accompagner les opérateurs économiques nationaux et soutenir les classes de la société les plus vulnérables. Les mesures étatiques n'ont pas uniquement permis une gestion exemplaire de la crise sanitaires, mais ont permis de protéger l'économie et ont facilité sa relance en un temps record. → Lire aussi : 9e Logismed : repenser la logistique dans un monde VUCA Ainsi, comme le souligne la Banque Mondiale dans son bulletin d'information économique intitulé « Confrontation avec la réalité : prévisions de croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord en période d'incertitude », le Maroc « offre un exemple de réponse politique efficace » en matière de gestion des impacts de la crise. S'agissant plus précisément de la gestion des disruptions et perturbations logistiques et de transport survenu à cause de la pandémie, la politique gouvernementale a permis d'assurer la vitalité des « Supply Chains » marocaines et la continuité de l'approvisionnement des marchés en produits de première nécessité et stratégiques, et d'éviter des ruptures qui auraient pu impacter aussi bien les citoyens que les activités des entreprises nationales. « Dès la première semaine du confinement, un comité de suivi quotidien de la situation du marché (disponibilité et prix) a été mis en place afin de s'assurer de la disponibilité des produits agricoles et alimentaires et du maintien des prix de saison dans toutes les régions du Royaume », note l'Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), dans son rapport publié en 2020 « Covid-19: Mesures rapides et ambitieuses prises par le Royaume du Maroc », mettant la lumière sur les efforts marocains en matière d'« accompagnement concernant la logistique, la livraison des produits ainsi que la communication ». Par ailleurs, le Maroc a commencé, en pleine pandémie, à exporter les dispositifs de protection contre le virus, notamment les masques qui ont connu une pénurie à l'échelle mondiale. L'Etat marocain a également pu mettre à la disposition des citoyens, et ce dès que les vaccins furent disponibles, les doses nécessaires pour immuniser la population. Une opération qui a nécessité la mobilisation de grands moyens logistiques pour l'acheminement, le stockage et la préservation des doses de vaccins procurées. → Lire aussi : Nécessité de « fluidifier » la logistique pour encourager l'export au Maroc La crise pandémique a été succédée par une crise géopolitique. Le conflit Ukraine-Russie a déclenché une vague inflationniste, portant les prix, notamment ceux des produits énergétiques à des niveaux records. Et là encore, les mesures étatiques ont fait preuve de réactivité. A travers un programme de soutien du transport, le gouvernement a accompagné les transporteurs nationaux pour pérenniser l'approvisionnement des marchés et stabiliser les prix des produits. Une infrastructure en continuel développement Les projets de développement et de renforcement des infrastructures ne cessent depuis des années de se multiplier et les grands chantiers sont lancés dans toutes les régions du Royaume. Comme le fait constater le PDG de LRPI Remanufacturing et Directeur de Supply Chain Europe, Jean-Michel Guarneri, dans une interview accordée à Maroc Diplomatique à l'occasion de l'ouverture du Salon « Logismed », au Maroc, il existe un « engagement des institutions marocaines pour développer la logistique du pays et des infrastructures pour se doter des moyens de logistique d'excellence ». L'infrastructure marocaine offre ainsi d'importants avantages en matière de la « logistique de distribution, de la capacité à développer des centres de distribution ainsi que de conseils logistiques de très haut niveau », ajoute le PDG. Selon l'International Trade Administration (l'Administration du commerce international) américaine, le Maroc possède l'un des meilleurs réseaux routiers du continent, indique également l'Administration américaine, notant qu'au cours des 20 dernières années, le gouvernement a construit environ 700 km de routes modernes, reliant la plupart des grandes villes via des autoroutes, alors que le pays vise à renforcer ce réseau routier avec plus de 1 300 km supplémentaires additionnels et plus de 800 km d'autoroutes à l'horizon de 2030, pour un coût prévu de 9,6 milliards de dollars. → Lire aussi : Transport et logistique : Des défis d'une complexité « sans précédent » Le Royaume se déploie également pour développer son réseau ferroviaire qui couvre déjà près de 500 km, avec 120 gares desservant les passagers, dont 15 desservant également le fret. La ligne ferroviaire à grande vitesse Tanger-Casablanca de 225 milles a été inaugurée en 2019, et le Maroc prévoit une extension de 140 milles de la ligne jusqu'à Marrakech, fait aussi savoir l'Administration américaine. Sur le volet de la logistique transfrontalière, le Maroc compte 27 ports commerciaux qui traitent 92,3 millions de tonnes par an en trafic de marchandises. La stratégie portuaire du Maroc pour 2030 prévoit un investissement près de 7,5 milliards de dollars pour moderniser et agrandir les 27 ports le long des côtes atlantique et méditerranéenne du pays, en construisant des extensions et des mises à niveau, note l'Administration américaine. Par ailleurs, le Maroc a développé un écosystème logistique à Tanger Med qui a séduit à la fois les grands opérateurs maritimes et les principaux chargeurs. Avec un record dépassant les 5,7 millions conteneurs EVP traités en 2020, Tanger Med figure comme le meilleur port de la mer Méditerranée, indique la même source. La digitalisation, une transformation en accélération Grâce à une vision futuriste et une stratégie transversale, le Maroc a pu réaliser une grande avancée en matière de digitalisation, et cela « saute aux yeux », selon Jean-Michel Guarneri. Le Maroc a su aller dans un premier temps « à la recherche des best practices américaines et européennes », explique notre interlocuteur, ajoutant que « beaucoup de Marocains sont aujourd'hui revenus de leurs passages au sein de grandes sociétés américaine et européennes et travaillent sur ces nouveaux sujets digitaux ». En outre, la dynamique de digitalisation au Maroc a permis la naissance de nouveaux projets et initiatives innovants, ainsi que l'émergence de tout un écosystème. Comme le fait constater Guarneri, le pays a « semé un certain nombre de startups qui aujourd'hui mènent des projets de grande ampleur à dimension digitale ». Cette transformation digitale a été accélérée par la pandémie, permettant ainsi au pays de maintenir la stabilité de l'approvisionnement des marchés nationaux, la vitalité des exportations, ainsi que la compétitivité des structures logistiques marocaines. → Lire aussi : MD Talks : La digitalisation génère 1 milliard de dirhams, selon Ryad Mezzour Le capital humain, source de savoir-faire et d'innovation « J'ai rencontré une équipe très enthousiaste, dynamique et qui a beaucoup de volonté pour performer », se réjouit Benedict Lannoye, Directeur chargé de la chaîne d'approvisionnement globale et de planification à Alstom Group, décrivant sa visite à l'unité de production mise en place à Fès par son entreprise. Interrogé sur les opportunités qu'offre le Maroc aux opérateurs en logistique internationaux, le Directeur Général a mis en avant les compétences et la créativité des ressources humaines marocaines. « J'ai constaté une créativité et une volonté pour trouver des solutions locales et pour faire avancer les chaînes de production et d'approvisionnement », note aussi Lannoye. Pour sa part, Guarneri n'a pas manqué de mettre l'accent sur « le niveau de professionnalisme des logisticiens marocains ». Dans le domaine du transport, les sociétés marocaines « maîtrisent parfaitement bien leurs sujets, que ce soit le transport international, régional ou continental », ajoute-t-il. Le capital humain reste ainsi l'atout le plus précieux et sur lequel le Maroc mise gros. Aujourd'hui, « vous avez non pas seulement la capacité de transformer votre pays en matière digitale, mais vous avez acquis assez de compétences pour emmener ce savoir-faire en dehors du Maroc. Quand on sait exporter son savoir-faire, c'est exceptionnel », conclut le Directeur de Suply Chain Europe, Jean Michel Guarneri. Aujourd'hui, les opérateurs marocains s'apprêtent à relever un nouveau défi : celui de la décarbonation. Ayant démontré sa résilience, adaptabilité et capacité d'innovation face à la pandémie et de la crise Ukraine-Russie, tout laisse à penser que le pays gérera de la même agilité la transition à une économie sans carbone.