Le Maroc a réalisé un parcours distingué pour devenir un hub économique entre le continent africain et les autres parties du monde, en capitalisant sur sa position géographique stratégique comme trait d'union entre l'Afrique et l'Europe, son ancrage africain historique, sa stabilité politique, ainsi que son savoir-faire dans un nombre de secteurs économiques clés. En se positionnant comme le premier investisseur africain en Afrique de l'Ouest et le deuxième au niveau du continent, le Maroc est économiquement présent dans plusieurs secteurs stratégiques en Afrique. En effet, l'offre d'investissements marocains en Afrique cible divers secteurs tels que les télécommunications, avec la présence de Maroc Telecom dans un ensemble de pays (Mauritanie, Burkina Faso, Gabon, Mali) ; le secteur bancaire qui accapare plus de la moitié des investissements marocains en Afrique, avec la forte présence du trio Attijariwafa bank, Bank Of Africa et la Banque centrale populaire (BCP) ; le secteur des holdings, avec Al Mada, présent en Afrique subsaharienne à travers Managem, qui opère dans le secteur des mines et de l'hydrométallurgie, et la compagnie Optorg, spécialisée dans la distribution de matériels ; le secteur des services, marqué par la présence de l'ONEE, qui opère dans l'électrification et l'affermage de l'eau potable dans des pays comme le Sénégal et le Cameroun, sans oublier la présence du Groupe OCP, à travers OCP Africa, basé dans 16 pays du continent et comptant 12 filiales qui œuvrent pour la sécurité alimentaire en Afrique Ainsi, les entreprises marocaines apportent un savoir-faire dans les secteurs économiques clés du continent africain tout en créant des conditions de base nécessaires à l'amorce d'un véritable développement socio-économique en Afrique, qui ne pourrait avoir lieu sans accès aux services financiers et de télécommunication de base, à l'électricité et à l'eau potable et sans sécurité alimentaire. Cette dynamique de liens économiques et financiers entre le Maroc et les autres pays africains témoigne de la volonté du Maroc de rééquilibrer ses relations avec les pays du Sud, en s'érigeant comme véritable hub économique qui œuvre pour le développement de l'Afrique et son ouverture économique sur le reste du monde. Les Investissements directs étrangers (IDE) marocains à destination de l'Afrique, qui représentent 47% du total des IDE marocains, sont passés de 907 millions de dirhams en 2007 à 5,4 milliards de dirhams en 2019 (DEPF). La répartition géographique de ces investissements fait ressortir la Côte d'Ivoire comme la première destination avec une part de 13% du total des IDE marocains vers l'Afrique, suivie du Tchad (12%), du Sénégal (9%), de Madagascar (7%), du Cameroun (4%), et de l'Ile Maurice (3%). → Lire aussi : Investissements marocains à l'étranger : Cap sur le renforcement de la coopération Sud-Sud Investissements étrangers au Maroc : les secteurs clés En 2020, la pandémie a entraîné des problèmes sanitaires et économiques en cascade partout dans le monde, particulièrement en Afrique, affectant considérablement les flux des IDE dans certains pays. Bien que la plupart des pays et régions du continent aient été touchés, les flux des investissements étrangers ont été particulièrement affectés dans les économies dépendantes des ressources naturelles (Cnuced, 2021). Concernant le Maroc, les flux des IDE à destination du Royaume en 2020 sont restés presque au même niveau de 2019, soit à 1,8 milliard de dollars, contre une moyenne de 2,5 milliards de dollars entre 2015 et 2020.. Le profil des IDE du Maroc est relativement diversifié, avec une présence établie de quelques grandes multinationales dans les industries manufacturières, notamment l'automobile (Renault, Stellantis ...), l'aéronautique (Boeing, Safran ...), le textile (avec la mise en place de six écosystèmes dans le cadre du Plan d'Accélération Industrielle), ainsi que des entrées régulières dans le secteur de l'extraction du phosphate (tel que la récente introduction de l'entreprise américaine Kosh qui s'apprête à racheter 50% de Jorf Fertilizers Company auprès du groupe OCP). Etant donné que l'économie marocaine affiche un profil de plus en plus diversifié, on pourrait s'attendre à une certaine acyclicité entre le flux des IDE entrant lors d'une année donnée, et la performance de l'économie marocaine l'année précédente par exemple. Chiffres à l'appui, le flux d'IDE entrants au Maroc en 2019 était de l'ordre de 0,7% du PIB, tandis qu'il a atteint 1,1% du PIB en 2020, année où l'économie mondiale a connu un véritable choc paralysant à cause de la crise sanitaire. En 2021, le flux d'IDE entrant au Maroc est estimé à 1,4% du PIB (FMI), et les projections du Fonds monétaire international (FMI) pour l'économie marocaine indiquent que le flux d'IDE entrant représentera 1,4% du PIB en moyenne pour les cinq prochaines années. Ceci laisse présager que les décisions des entreprises internationales de s'installer au Maroc sont guidées par des considérations à caractère plutôt structurel, en lien avec la nature de ces investissements qui sont généralement caractérisés par une forte intensité capitalistique. Perspectives pour les IDE au Maroc, dans un contexte à la fois de relance La crise de la COVID-19 a relancé le débat sur les possibles relocalisations des firmes multinationales, en tant que mouvement inverse de celui de la délocalisation, longtemps défendu par les prôneurs de la mondialisation. La crise économique résultante du choc de la pandémie a mis en exergue l'importance du sourcing de proximité en industries manufacturières, pour se prémunir partiellement contre le risque de perturbation des chaînes de valeur mondiales, en cas de choc économique. En effet, la forte dépendance des multinationales de fournisseurs géographiquement éloignés, fait en sorte que leurs niveaux de production restent tributaires de la capacité de ces fournisseurs à honorer leurs engagements, et la crise actuelle des semi-conducteurs qui a fortement frappé le secteur automobile mondial est un exemple. Toutefois, l'appel à une relocalisation des entreprises délocalisées était d'actualité bien avant l'avènement de la crise de la COVID-19, en raison de certaines tendances qui influencent les décisions d'implantation des entreprises multinationales, ainsi que la planification de leurs chaînes d'approvisionnement. Il s'agit notamment des tensions géopolitiques, des perturbations commerciales et tarifaires, de la montée du nationalisme et du protectionnisme, de l'attention accrue portée à la sécurité nationale et à la protection de la propriété intellectuelle, de l'innovation en matière de production et d'approvisionnement, de la hausse des coûts dans les principales régions de sous-traitance manufacturières, de la demande de livraisons plus rapides et de l'attention accrue portée au changement climatique et à l'écologisation des chaînes d'approvisionnement. Dans un tel contexte international, le Maroc pourrait s'appuyer sur sa position géographique stratégique, comme étant à la fois un pont entre l'Europe et l'Afrique, et un pays ouvert sur la côte atlantique, pour se présenter comme destination d'une potentielle relocalisation des IDE.n *Economiste dans le Policy Center for the New South