IDE. Entre 2000 et 2010, les flux nets de capitaux privés à destination du continent africain ont été multipliés par sept pour atteindre 21,7 milliards de dollars. Favorisée par la crise économique mondiale et l'émergence de nouveaux relais de croissance sur le continent, l'Afrique tire son épingle du jeu des IDE. Ces flux proviennent aussi de plus en plus d'une économie africaine à une autre. Cette tendance intra-africaine est faible, mais montre de gros potentiels. Le défi du climat des affaires reste important. A u départ est un chiffre: 7. C'est le nombre de fois que se sont multipliés, en l'espace d'une décennie, les flux nets de capitaux privés à destination du continent africain (FMI, 2008). Ces flux sont passés d'une moyenne de 3,4 milliards de dollars en 2000-2002 à 21,7 milliards de dollars en 2010, selon les chiffres du FMI, «les entrées progressant plus vite que les sorties» et cela n'est que la continuité d'une tendance déjà perceptible quelques années plus tôt. «Les flux d'investissements et de capitaux intra-africains ont lieu dans un contexte marqué par des flux mondiaux à destination de l'Afrique qui, selon toutes les sources –organisations internationales, gouvernements et établissements de recherche privés – ont augmenté rapidement depuis les années 90», relève-t-on dans un rapport de la Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies. C'est certain, le continent est en train de vivre son âge d'or des investissements avec des réalités structurelles parfois exceptionnelles dans cette partie du monde. Les sources privées dominent Ainsi, dans le total de ces flux provenant de l'étranger, ceux issus du secteur privé ont vu leur niveau se multiplier par cinq entre 2000 et 2007 pour rattraper les apports d'aide publique au développement en 2006. Cependant, comme le relève un rapport de l'UNECA, les diverses sources ne concordent pas sur l'ampleur de l'augmentation des diverses composantes, sauf que, durant cette période, l'importance des flux générateurs de dettes (capitaux bancaires et autres capitaux privés) ont reculé au profit des portefeuilles d'actions et de participations, ainsi que des flux d'IDE. Il faut savoir pourtant toutefois que, selon les estimations du FMI, «les flux bancaires et autres flux privés restent une composante appréciable du compte financier net». En chiffres, le rapport de l'UNECA relève qu'au cours des 10 dernières années, en Afrique subsaharienne, près de la moitié des entrées d'IDE est allée au Nigéria (29,4%) et à l'Afrique du Sud (18,2%). Les deux géants subsahariens profitent ainsi de leurs importants avantages géostratégiques. Toutefois, «le gros des entrées d'investissements en portefeuilles est allé à l'Afrique du Sud (87,6%), où le marché des capitaux est très développé», selon les économistes onusiens. L'Afrique du Nord arrive derrière avec une bonne portion de ces IDE. Cette région tend même à supplanter le reste du continent dans la séduction des fonds étrangers. Chez leurs collègues du FMI, en 2008, la cartographie des meilleures attractivités en investissements, adopte les mêmes traits : les destinations anglophones dominent. «Le Ghana, le Kenya, l'Ouganda, la Tanzanie et la Zambie, qui ont également enregistré des progrès impressionnants dans les réformes des secteurs économique et financier, ont connu un accroissement substantiel de l'investissement», relève le rapport. Par ailleurs, une autre enquête menée par l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), avait déjà donné des détails sur la structure des investisseurs qui croient au potentiel du continent. Selon les experts de l'organisme, les importantes entrées d'IDE sur le continent sont dominées par les entreprises multinationales, avec des liens historiques (Royaume-Uni et France) ou géographiques (Afrique du Sud), tandis que les petites entreprises étrangères concernent des économies en développement (Chine, Inde et Liban). Cette nature des acteurs des IDE reçus par le continent, n'a aujourd'hui guère évolué. Cependant, l'enthousiasme continental pour les IDE n'est pas parfaitement généralisé au continent. Il faut savoir en effet que le FMI a révélé, en 2010, qu'un tiers des pays africains n'ont toutefois pas tiré parti de la montée en flèche des flux de capitaux privés. Cela est une conséquence directe des inégalités de développement et d'avancement des différentes politiques d'amélioration des climats d'affaires dans les économies du continent. Certaines régions ont perdu en attractivité face à la montée en visibilité d'autres. L'Afrique du Nord, en particulier le Maroc, est une parfaite illustration de ce saut qualitatif. Intra-africain Cet aspect des flux de capitaux et d'investissements vers le continent est difficile à circonscrire. Cela, pour la seule et simple raison que rares sont les pays africains à établir systématiquement des statistiques précises sur les mouvements de capitaux en provenance d'autres marchés émetteurs du continent. La seule référence indépendante disponible à ce sujet, a été livrée par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) en 2009 ! Selon des données de l'organisme - vieilles mais tout de même significatives – «la part de l'IDE intra-africain en Afrique n'a pas beaucoup progressé», mais marque de grandes fluctuations au fil des ans. «Les flux d'IDE intra-africains étaient estimés à 2 milliards de dollars par an durant les années 2002-2004, avant de chuter à 1,6 milliard de dollars durant les années 2005-2007, ne représentant que de minuscules parts des entrées totales d'IDE en Afrique», relève-t-on auprès des travaux d'organismes internationaux. Dans le détail, les investissements intra-africains sont ainsi largement concentrés dans quatre secteurs principaux. Il s'agit des industries extractives et pétrolières, du secteur financier, de celui des services aux entreprises, du transport, de l'entreposage, ainsi que des communications. «Le défaut d'investissements dans d'autres secteurs pourrait en partie s'expliquer par l'exiguïté des marchés nationaux et le manque d'attachement ferme des pouvoirs publics aux accords d'intégration commerciale et financière», justifie-t-on auprès de l'UNECA. Sur la carte, cela donne une répartition géographique plutôt déséquilibrée de cette manne. Mauvaise distribution La CNUCED distingue en effet deux grands groupes d'économies africaines à travers leurs parts dans le total des flux d'IDE intra-africains. Le premier groupe, qui rassemble les plus grandes parts, appartiennent toutes aux membres de la Communauté de développement de l'Afrique centrale (SADC, acronyme en anglais). Il s'agit du Botswana, de Madagascar, de la Mozambique et de la Namibie. «La première source d'IDE africain, pour ces pays, est l'Afrique du Sud, où les entreprises tendent à avoir les avantages de la propriété et de l'internalisation par opposition aux entreprises dans ces pays bénéficiaires», révèle le rapport de la CNUCED. De façon générale, les investissements opérés sur ces marchés visent les industries extractives, mais avec un intérêt grandissant pour l'infrastructure et les finances. Cependant, la réciprocité n'est pas vraiment de mise. Les données de la CNUCED indiquent que, dans le sens inverse, l'Afrique du Sud reçoit des investissements étrangers négligeables en provenance de ses voisins. S'agissant du second grand groupe de pays investi par les IDE intra-africains, il est dominé par une poignée de pays qui concentrent le gros du reste des flux. Il s'agit de l'île Maurice, par exemple, qui a apporté 15% et 23% de l'investissement étranger total à Madagascar et au Mozambique, respectivement en 2004 et 2006. Le Kenya a également été le marché émetteur de près de 10% des IDE en Ouganda pendant les exercices budgétaires 2000-2002, comme l'a été l'Egypte en Algérie (19% en 1999-2001). Enfin, les pays qui reçoivent des parts insignifiantes de l'IDE intra-africain comprennent des pays de l'Afrique du Nord et d'autres qui reçoivent souvent l'IDE de l'extérieur de l'Afrique. «L'Afrique du Nord est peu liée par l'IDE à l'Afrique subsaharienne. Bien que la Libye ait réalisé des investissements dans cette région, en particulier dans le secteur bancaire et l'hôtellerie, les montants ne semblent pas assez importants pour modifier la situation nord-sud globale du continent», commentent les experts de l'UNECA. Climat des affaires : le printemps succède à l'hiver Il est évident que l'amélioration de cette dynamique des flux de capitaux et d'investissements, pour les années à venir, sur le continent, sera étroitement corrélée à celle du climat des affaires. Tout se jouera à ce niveau : les meilleures économies à ce sujet seront les plus attractives aux yeux des investisseurs. Cela n'est plus un secret. Toutefois, en partant d'une très faible base, les organismes internationaux s'accordent sur le fait que l'Afrique améliore son cadre réglementaire. Cela relève en tout cas de l'avis des économistes de l'UNECA. «Plusieurs pays, y compris ceux qui se remettent d'un conflit, ont introduit de nouvelles lois, ou réformé les lois existantes, pour améliorer leur climat des affaires». Ce constat est conforté par les résultats d'une étude co-menée par l'OCDE et l'UNECA en 2010, qui indique que 67 réformes réglementaires ont été enregistrées en Afrique subsaharienne dans 29 pays en 2009, s'appuyant sur les 58 réformes enregistrées dans 28 pays, l'année précédente. Le continent bat même un record – très positif. L'Afrique a lancé le troisième plus grand nombre de réformes dans le monde, s'agissant des réglementations économiques en 2005/06 (67% des pays africains ont mené à bien au moins une réforme, contre 35% des économies de l'Asie de l'Est et 25% de celles de l'Asie du Sud). Dans le top-ten des meilleurs réformateurs, l'Egypte sort en leader continental, suivi du Ghana et du Kenya. Ces pays sont d'ailleurs parmi les 10 principaux réformateurs en 2006/07 (rapport Doing Business 2008) et trois autres pays africains figuraient parmi les 10 principaux réformateurs dans le monde en 2008/09, lorsque pour la première fois un pays africain venait en tête de liste. La prise de conscience semble évidente...