Avec 56 milliards de dollars à fin 2013, le continent continue d'être dans les bonnes grâces des investisseurs étrangers. Ce chiffre est en progression de près de 9% par rapport à 2012. Les économies subsahariennes soutiennent ces améliorations, en comparaison avec l'Afrique du Nord. L'Afrique continue d'attirer les investissements étrangers. Selon les toutes dernières mises à jour de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), portant sur les IDE dans le monde et rendue publiques en début de semaine dernière, le continent a encore réalisé une bonne percée parmi les destinations d'investissement les plus prisées actuellement. Les IDE destinés au continent ont en effet progressé de 6,8% en 2013 par rapport à une année auparavant, atteignant quelque 56 milliards de dollars. Le continent figure ainsi parmi les meilleures progressions de l'année, dans la catégorie des économies émergentes. Dans le détail, c'est surtout la région subsaharienne qui marque de bonnes améliorations en termes de volume d'investissement accueilli, avec 42 milliards de dollars investis en 2013 contre 30 milliards en 2012. Cela correspond de fait à une variation positive de 10% d'une année à l'autre. Ces performances ne sont pas homogènes. Si nous nous penchons davantage sur les données pays, il se trouve en effet qu'une bonne partie de ces investissements ont été destinés à quelques économies d'Afrique australe, en l'occurrence l'Afrique du Sud et le Mozambique. Ces deux pays détiennent des records dans la région avec, respectivement, quelque 10 milliards de dollars et 7 milliards de dollars investis en 2013. Les industries extractives sont évidemment en tête de liste des secteurs les plus investis. Le Mozambique, par exemple, exporte désormais du charbon depuis 2011, une ressource énergétique de base dont la demande mondiale, provenant notamment des économies émergentes, connaît une croissance exponentielle. En 2012, le pays affichait un taux de croissance de 7,5% de son PIB, principalement impulsé par la progression des flux d'IDE dans plusieurs secteurs de son économie. En Afrique du Sud, la tension sociale latente dans le secteur minier n'a, apparemment, pas refroidi les ardeurs des investisseurs étrangers. En revanche, au Nigeria, les IDE n'ont pas dépassé la barre des 6 milliards de dollars en 2013. Dans ce pays, comme dans bien d'autres de la région subsaharienne, le secteur des infrastructures, de la manufacture, des BTP et du transport a mobilisé une bonne partie des investissements. Le tribut des incertitudes Si la région subsaharienne s'en tire globalement bien en matière d'attractivité des IDE, c'est aussi parce qu'elle profite encore d'une réorientation des flux à son profit, suite à l'avènement du «Printemps arabe» et aux instabilités prévalant encore dans certaines économies d'Afrique du Nord. Cette région continue de payer un lourd tribut, dans ce contexte d'incertitudes. «Les tensions politiques et sociales persistantes continuent de limiter les flux d'IDE vers les économies nord-africaines», indique-t-on dans le rapport de la CNUCED. Il y a toutefois une exception qui confirme cette tendance régionale. Le Maroc est en effet le seul pays de la région a avoir marqué de réelles progressions en termes d'IDE reçus, avec une variation annuelle de 24%. Cela correspond à un montant global de 3,5 milliards de dollars investis à fin 2013. «Toutefois, nous percevons des signes qui montrent que les investisseurs sont prêts à revenir vers cette région, avec de nombreuses opérations d'investissements étrangers menées en Egypte», expliquent les experts de la CNUCED. Les pays de la région doivent encore gérer leur redémarrage économique et regagner la confiance des investisseurs, aussi bien étrangers que locaux. Flux intra-africains Si le continent parvient tant bien que mal à attirer des fonds de l'étranger, il lui est encore très difficile de promouvoir une circulation plus fluide des investissements à l'intérieur même du continent. Sur ce dossier, rien n'est encore acquis. «Africa investing in Africa» (l'Afrique investit en Afrique) n'est encore qu'un vague concept de ces dernières années, encore loin des réalités du terrain. Il est d'ailleurs quasi impossible, selon la CNUCED, de tomber sur des statistiques fiables sur les investissements intra-africains. En 2009 déjà, l'organisme faisait remarquer dans un de ses rapports que la part de «l'IDE intra-africain n'a pas beaucoup progressé, mais elle fluctue largement». Ces flux d'investissements intra-africains étaient ainsi estimés à quelque 2 milliards de dollars sur la période allant de 2002 à 2004. Selon la même source, ce chiffre aurait chuté à 1,6 milliard de dollars durant les années 2005-2007 – «ne représentant que de minuscules parts des entrées totales d'IDE en Afrique», selon les experts de la CNUCED – avant d'entamer une rapide reprise. Par ailleurs, en répartition sectorielle, nous constatons là aussi que les IDE intra-africains portent globalement sur les mêmes secteurs d'activité visés par les IDE classiques. Il s'agit principalement de quatre grands secteurs: les industries extractives et pétrole, les finances, les services aux entreprises ainsi que le transport, entreposage et communications. «Le manque d'investissement dans d'autres secteurs pourrait en partie s'expliquer par l'exigüité des marchés nationaux et le manque d'attachement ferme des pouvoirs publics aux accords d'intégration», expliquent les analystes de l'organisme onusien. Fusions et acquisitions Par type d'opérations financées par les investissements intra-africains, la CNUCED fait remarquer qu'une bonne partie de ces investissements sont destinés à financer des opérations de fusions ou acquisitions, plutôt que des investissements dans des nouveaux projets. La part du continent dans les ventes totales de fusions et d'acquisitions en Afrique se situe ainsi entre 20% et 60%. Dans le total des investissements portant sur des projets nouveaux, la part est beaucoup plus faible dans tous les secteurs. «Cela indique que les investissements dans des projets nouveaux – qui constituent toujours un moyen typique d'investir en Afrique – sont essentiellement financés par l'IDE en provenance de l'extérieur du continent», indiquent les économistes de la CNUCED. Cette situation montre aussi que les flux d'investissements intra-africains semblent davantage «attrayants» pour les pays qui privatisent leurs entreprises publiques ou qui ont besoin d'accroître la production exportable des entreprises existantes. «L'investissement intra-africain représente un engagement à long terme et peut aussi être rapidement et facilement assimilé, comme c'est le cas de pays ayant des conditions institutionnelles et structurelles similaires», selon les experts de la CNUCED. Déséquilibres Comme pour les IDE, l'Afrique a également ses propres champions en termes d'investissements transfrontaliers, et, là aussi, la répartition des destinations d'investissement reste peu équilibrée. Deux grands groupes de pays se dégagent. Le premier est constitué en quasi-totalité par des Etats membres de la SADC. Il s'agit plus précisément du Botswana, de Madagascar, du Mozambique ainsi de la Namibie. L'Afrique du Sud est le premier investisseur vers ces pays. Les entreprises du géant économique africain et membre des BRICS ont en effet de plus en plus tendance à s'internationaliser dans le voisinage immédiat sud-africain, ce qui explique la domination de ce pays dans sa région naturelle. Ces investissements vont pour une bonne partie vers les secteurs minier, financier, ainsi que les infrastructures. Par ailleurs, dans le sens inverse des investissements, la CNUCED montre que «l'Afrique du Sud reçoit des investissements étrangers négligeables en provenance de ses voisins». Quant au deuxième groupe des principaux pays investisseurs et receveurs d'IDE intra-africains, il est formé par les Îles Maurice, par exemple, qui a apporté environ 15% et 23% (respectivement) de l'investissement étranger total à Madagascar et au Mozambique en 2004-2006. Le Kenya est également un grand investisseur en Ouganda (10% des IDE totaux, en 2000-2002), idem pour l'Egypte, à destination de l'Algérie, (19% du total des IDE).