Quand un patient souffrant d'une grave infection pulmonaire arrive à l'hôpital, suffoqué et tremblant sur une civière, il ne s'attend nullement à ce que le médecin se précipite pour l'enjoindre de « résister ». Il sort son barda médical, le repêche et lui prescrit un remède efficace pour lui épargner le pire. Or, le secteur touristique marocain, lui aussi, asphyxié, quasiment aux soins palliatifs à cause de la Covid-19 et ses variants à n'en plus finir, est appelé à la « résistance » par Mme la ministre du tourisme, Fatim-Zahra Ammor. Sait-elle, au moins, que face à un mourant, soit on tente le tout pour le tout pour l'arracher à une mort imminente, soit on prie pour lui quand il n'y a plus d'espoir ? Mais résister ? A quoi ? A qui ? Jusqu'à quand ? Finis les deux premiers mois de l'entre-soi post-victoire électorale et d'initiation, la ministre du tourisme a donc décidé d'ouvrir les portes de son bureau aux journalistes. Deux grandes rédactions francophones, en l'occurrence Telquel et Medias24 (que nous citerons seul dans ce papier), ont mis en ligne, hier à la même heure ou presque, deux entretiens avec elle. Sujets abordés ? La crise actuelle du secteur touristique. Naturellement ! Sur plusieurs questions (qui fâchent), comme celle des aides promises aux professionnels du secteur ou celle des « faillites » qui l'attendent, la ministre ressassa le même ordre : résister. Au point d'orgue de l'entretien, consciente peut-être de la redondance, elle a appelé les opérateurs privés à « Tenir bon ». Un oukase auquel elle ajoute deux mots : relancer et réinventer ! Ceci s'appelle, a-t-elle dit, la stratégique des 3R. Mais comment donc ces professionnels vont-ils, d'abord, résister, pour qu'ils puissent, ensuite, se relancer et se réinventer ? Le sésame se trouve, selon Mme Ammor, dans l'indemnité forfaitaire de la CNSS, à laquelle nous ajoutons, accessoirement, le V de « Végéter » ! Car oui, les employés du secteur, les prolos à vrai dire, qui sont en arrêt de travail ou en travail intermittent depuis des mois, survivent aujourd'hui en végétant. Une partie a carrément changé de métier, une autre multiplie les petites besognes en attendant la délivrance et, une autre enfin, pense immigrer ou l'a déjà fait. Plus loin, la ministre a déterré un chiffre que l'on croyait mort et enterré : celui des 20 millions de touristes par an. « Je ne veux pas revenir aux 13 millions d'arrivées touristiques réalisées en 2019, car mon intention est plutôt d'atteindre 20 millions de touristes ». Lahcen Haddad, Mohammed Sajid et Nadia Fattah Alaoui, sont tous passés par là, et avaient sûrement la même intention, mais ils n'y sont jamais parvenus. La petite histoire a montré que l'intention est une chose, mais la réalité en est une autre, diraient-ils eux-mêmes aujourd'hui ! Ce serpent de mer de 20 millions de touristes par an, que l'on croyait noyé à jamais avec la pandémie, refait donc surface avec la ministre fraîchement installée. Pour elle, c'est un chiffre atteignable « à moyen terme ». Encore faut-il qu'elle soit encore là pour nous l'annoncer en Jeanne d'Arc du tourisme. Pour l'instant, nous continuerons d'espérer !