Les députés tunisiens ont voté, dans la nuit de mardi à mercredi, la confiance en faveur des nouveaux ministres proposés dans le cadre du dernier remaniement gouvernemental, lors d'une séance tenue sur fond de dissonances entre les principaux acteurs politiques du pays. Après plus de 15 heures de débat, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP/parlement) a approuvé les onze nouveaux ministres du gouvernement de Hichem Mechichi, qui a souligné, lors de cette séance, que « la stabilité politique dans le pays est le garant d'une sortie de crise ». « Tant que la stabilité politique n'est pas garantie et que les institutions constitutionnelles ne se conforment pas aux attributions de l'Etat et à ses règles de fonctionnement, on ne pourra pas sortir de la crise », a insisté M. Mechichi. Selon lui, l'Etat « souffre d'une crise structurelle » qui a pris de l'ampleur ces dernières années de manière entravant la volonté d'une vraie réforme responsable et « ouvrant la voie à un discours populiste ». Un discours, a-t-il dit, dont ceux qui le tiennent tentent de « vendre de faux espoirs, de marquer des points politiques et de susciter des querelles inutiles résolues par la Constitution et n'ayant aucun intérêt pour le peuple et les jeunes ». Ce remaniement ministériel, a-t-il dit, intervient après une « évaluation objective » effectuée conformément aux prérogatives qui lui sont dévolues par la Constitution, précisant avoir opéré ce changement pour « conférer davantage d'efficience » à l'action du gouvernement. « La scène politique a été marquée depuis une dizaine d'années par des surenchères politiciennes de manière creusant le fossé entre l'élite gouvernante et les Tunisiens, et provoquant chez eux un sentiment de marginalisation et de négligence à l'égard de leurs attentes et revendications », a-t-il déploré. Pour leur part, un grand nombre de députés ont déploré « l'échec du gouvernement » dans la gestion de la crise sanitaire et dans le traitement des dossiers relatifs aux secteurs éducatif et social, proposant des solutions pour venir à bout de ces difficultés. Ils ont critiqué l'atermoiement du gouvernement face à la régularisation des grands dossiers relatifs notamment aux secteurs de la santé, l'emploi et l'enseignement. Ils ont indiqué que le gouvernement n'a pas réussi à gérer la crise sanitaire dans le pays et n'est pas parvenu à fournir les vaccins aux citoyens, à l'heure ou le nombre de décès dû au coronavirus connaît une hausse considérable. Ils ont estimé que la participation des mineurs ces derniers jours, aux actes de violence et de pillage, criant leur colère a pour origine l'échec scolaire et le confinement obligatoire pour lutter contre la propagation du coronavirus. Cette séance de vote s'est tenue sur fond de controverses notamment après l'intervention lundi du président tunisien, Kaïs Saïed au cours d'un Conseil de sécurité nationale au cours duquel il a déclaré que le remaniement ministériel n'a pas respecté les dispositions de la Constitution, notamment l'article 92. Cet article prévoit que l'amendement de la structure gouvernementale intervient après délibération du Conseil des ministres. Réagissant à ce constat, le chef du gouvernement a convoqué à l'issue du Conseil de sécurité, en visioconférence, un Conseil ministériel « pour examiner la nouvelle structure du gouvernement, conformément à l'article 92 de la Constitution ». Le président tunisien a également déclaré que les personnes proposées dans le remaniement ministériel, suspectées d'être impliquées dans des affaires de corruption ou de conflit d'intérêt ne pourront pas prêter serment. « Prêter serment n'est pas une formalité, mais plutôt un acte fondamental », avait indiqué M. Saïed, via un communiqué publié sur la page Facebook de la Présidence tunisienne, déplorant l'absence de femmes dans la liste des ministres proposés, capables selon lui, « d'assumer pleinement leurs responsabilités. Dans la rue, des centaines de jeunes et d'activistes de la société civile se sont rassemblés, mardi, à l'avenue Habib Bourguiba, au Bardo, en face du Parlement, alors que se tenait cette séance de vote. Les manifestants ont tenté de rejoindre le siège du Parlement, mais ont été empêchés par les forces de sécurité, déployées en grand nombre aux alentours du Palais du Bardo. Des slogans réclamant le droit à la liberté d'expression ont été scandés lors de cette manifestation organisée à l'appel de quelque 26 organisations et associations de la société civile ainsi que des partis politiques. Dix ans après la chute du président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011 sous l'effet d'un soulèvement populaire, la classe politique en Tunisie, plus fragmentée que jamais depuis les élections législatives de 2019, se déchire alors que l'urgence sociale s'accentue avec la pandémie de coronavirus qui s'ajoute à la hausse des prix, la persistance du chômage et la défaillance croissante des services publics.