Dans la rubrique « Questions à un expert », élaborée par le Policy Center for the New South, M. Rida Lyammouri s'est penché sur l'impact de la Covid-19 sur le Sahel constatant que « la pandémie n'a pas d'impact sur les groupes armés, qui continuent à mener des attaques meurtrières contre les forces de sécurité et les civils perçus comme collaborant avec l'Etat ». Centré sur l'Afrique du Nord et le Sahel, M. Rida Lyammouri a une grande expérience dans le soutien aux organisations gouvernementales et non gouvernementales dans les domaines du développement international, de la sécurité, de la lutte contre l'extrémisme violent et du contre-terrorisme. Il a rédigé plus de 200 rapports de recherche approfondis qui permettent de mieux comprendre les défis régionaux et nationaux. Quel est le principal impact de la crise de Covid-19 sur le Sahel ? Jusqu'à présent, il n'a pas été aussi sévère que beaucoup l'avaient anticipé. Le nombre de cas et de décès n'est pas très élevé du fait du confinement décidé très tôt par les gouvernements des différents pays. Faute de ressources, il est fort probable que peu de tests ont été effectués et qu'il pourrait donc y avoir plus de cas que ceux qui ont été déclarés. L'impact de la Covid-19 a été sévère sur les économies locales, comme partout ailleurs, avec la fermeture des frontières, les restrictions de mouvement et d'échanges commerciaux, le tout coïncidant avec le mois du Ramadan. Ces conséquences se manifesteront plus clairement dans les mois à venir, en particulier dans les pays qui dépendent de l'aide humanitaire. La COVID-19 a également obligé certaines organisations d'aide à évacuer leur personnel ou du moins à limiter leurs opérations, ce qui a perturbé les opérations d'aide. Il y a au moins 2 millions de personnes déplacées au Mali, au Niger et au Burkina Faso (y compris le lac Tchad). Que pensez-vous de la couverture médiatique de la Covid-19 en Afrique ? Le message couvre désormais la Covid-19, tout en ignorant les problèmes antérieurs. Certains tentent d'établir un lien entre la violence actuelle et la Covid-19 et spéculent sur le fait que les groupes extrémistes vont multiplier leurs attaques en raison de la pandémie. Cela n'est pas nécessairement vrai et ne repose pas sur des données pertinentes. Ce discours sur la pandémie peut détourner l'attention des problèmes auxquels les pays africains étaient confrontés avant la COVID-19, notamment au Sahel. Des conflits multidimensionnels et des opérations militaires étrangères, nationales et internationales sont en cours pour lutter contre les groupes extrémistes. Ces opérations ne se sont pas arrêtées, les troupes n'ont pas été évacuées en raison de la COVID-19 et les opérations antiterroristes se sont poursuivies. Les Nations unies ont limité les rotations et les opérations mais n'ont pas évacué leurs forces de maintien de la paix. Je n'ai pas constaté d'impact [et je ne m'attends pas à en constater un] de la pandémie sur les groupes armés, qui continuent à mener des attaques meurtrières contre les forces de sécurité et les civils perçus comme collaborant avec l'Etat. Ces groupes opèrent également dans des régions éloignées et peu peuplées. Bien entendu, les groupes extrémistes ont tenté d'utiliser la pandémie dans leur discours, en arguant que c'est un signe de Dieu.