La non-assistance à personne en danger n'est-elle pas un délit sanctionné par la loi ? Qu'en est-il quand les responsables eux-mêmes assistent avec une passivité latente à des atrocités abominables où femmes et enfants, sont désormais en péril dès que le seuil de leur abri est franchi ? Qu'en est-il des journées de lutte contre la violence et des campagnes de sensibilisation contre le viol ? Crier, dénoncer, s'indigner c'est bien -et on ne fait que cela-, mais est-ce suffisant pour limiter les dégâts puisque les éviter relève de la chimère ? Bien sûr que non. Bien sûr que notre lot est de vivre avec la peur au ventre pour nous et pour nos enfants face à des « créatures ignobles », outils de cruauté et de sauvagerie. Tant que les violeurs continuent à rôder autour de nous en toute tranquillité guettant celui ou celle qui se trouvera « au bon moment et au bon endroit », tant que l'impunité perdure, les viols procréeront et les criminels continueront à endosser, crânement, leurs crimes odieux qu'ils brandissent tel un butin dont ils s'enorgueillissent défiant en cela l'Autorité. Cette semaine encore, de plus en plus de scènes répugnantes nous ont mis face à l'abject par des vidéos et des photos qui envahissent la toile et qui nous laissent écœurés, révoltés et enragés. Enragés contre une société qui piétine toutes nos mœurs et nos valeurs morales et humaines. Une société qui prend, de plus en plus, les contours sinueux d'une jungle que la sécurité quitte à grandes enjambées nous mettant face au danger de monstres immondes dont l'impulsion bestiale commande les actes innommables. Violer encore et toujours Ils s'appellent Hanane, Reda ... des victimes comme tant d'autres dirions-nous. A tous les deux, ils portent les visages de toutes les femmes et de tous les enfants. Est-il besoin de rappeler à quel point le viol, notamment de mineurs et de femmes, est devenu un fléau dans notre pays ? Le viol sévit sous nos cieux nous mettant face à notre impuissance, notre dégoût et notre rage que l'injustice accentue donnant libre cours à un mépris sociétal qui risque de tout dévaster sur son chemin. L'horreur est à nos portes et l'impunité ouvre tous les accès aux délits sexuels. Chaque jour, des affaires éclatent, des crimes sont perpétrés, des vidéos circulent. De quoi faire grincer les dents et clamer les pires peines. Le viol, dans notre société, ne relève pas du fait divers mais renvoie à une véritable pathologie sociale. C'est à la fois le crime le moins rapporté et le moins condamné en tant que tel. Or seule une sanction dissuasive freinera l'élan de toute âme pétrie de mal et rendra justice aux victimes, sinon celles-ci prendront en haine une société qu'on ouvre à tous les vents. Aussi les responsables doivent-ils prendre le mors aux dents et taper fort. Une loi citoyenne pour une juste condamnation sociétale et judiciaire des violences sexuelles est nécessaire. Tous devraient prendre le loup par les oreilles et oser des résolutions fermes et drastiques afin de donner l'exemple autrement ils se prendront les pieds dans le tapis. En 2013, le chiffre effrayant de 26.000 enfants violés chaque année au Maroc, soit en moyenne 71 par jour, a été avancé par les ONG. Parmi eux, nombreux sont victimes, comme cela a été souvent répété, de leur entourage proche. Et si le plan d'action national pour l'enfance 2006-2015 a fait de la lutte contre la violence faite aux enfants l'une de ses priorités, il semblerait que, loin d'avoir été endigué, le fléau de la violence sexuelle fait toujours, et de façon de plus en plus inquiétante, cruellement partie des maux les plus révoltants et abjects qui s'abattent sur notre société. Un cadavre dans le placard Les chiffres déclarés de viols ne sont que la partie émergée de l'iceberg en raison de la forte culture du silence qui prévaut sur ce sujet dans la société. Rappelons le cas de Nassima, une affaire qui a éclaté en 2017 mais dont les faits remontent au mois de janvier 2016. Victime d'un viol collectif, la jeune fille s'est donnée la mort dans la région de Marrakech après que la décision a été prise d'innocenter ses bourreaux. En mars 2017, le verdict de la Cour d'appel de Hay Riad à Rabat a été rendu dans l'affaire de Hasnae. Les agresseurs de la jeune femme, morte le 6 novembre de la même année après avoir été violée et torturée, écopent chacun de dix ans de prison ferme. Pour rappel, l'affaire a éclaté fin 2016 dernier à Rabat, lorsque l'Union féministe libre a dénoncé le viol collectif ainsi que le décès d'une jeune fille de 18 ans, Hasnae, retrouvée morte au fond d'un puits, après avoir été violée, au même titre que quinze autres filles, par un groupe de jeunes. En janvier 2017, un veilleur de nuit d'Aïn Sebaa, à Casablanca, a été arrêté pour avoir violé huit jeunes femmes. Cela dit, nombreux sont les faits et scandales sexuels qui ne sont pas médiatisés et qui sont tus. L'impunité engendre l'anarchie Les photos et la vidéo de la jeune femme de Rabat glacent le sang dans les veines et mettent le cœur en pièces. C'est scandaleux ! Comment est-ce possible que des énergumènes sans cœur puissent vivre en liberté après des atrocités perpétrées ? L'insécurité va-t-elle devenir notre nature et notre ombre ? Comment pourrait-on qualifier cette horreur ? Une affaire de mœurs, un viol, une agression .... ? C'est un crime odieux, inqualifiable. Ce qui est grave, c'est l'omniprésence de ces forfaits dont on ne parle pas et que l'on ne se rend compte que le loup était dans la bergerie que trop tard. Que dire quand le viol est scellé par un assassinat d'une cruauté indescriptible ? Répondre à la barbarie par la barbarie n'est pas une solution, certes. Mais le châtiment doit être de taille afin de donner à réfléchir et servir d'exemple. Une sanction dissuasive freinera l'élan de toute âme pétrie de mal. Qu'on se le dise tous : ce que Hanane a subi est un crime contre l'humanité. En plus, ce qui est exaspérant, c'est que dans les cas de viol, le bourreau devient « victime d'un mal psychologique » et on omet le grand tort commis à l'encontre de la vraie victime. Ajoutons à cela la réelle injustice, c'est d'en parler comme un simple fait divers or il n'en est pas un. Le violeur écope d'une peine allant généralement d'un an à cinq ans et l'affaire est classée. Ne faudrait-il pas craindre le recours à la loi du talion ? Quand les victimes se sentent, d'entrée de jeu, lésées, quand elles ont la certitude que le violeur n'écopera que de quelques mois avant de quitter l'enceinte de la prison pour récidiver, quand on sait que le châtiment ne sera jamais de taille pour compenser le mal qui a été fait, celles-ci font fi de la justice et taillent leur vengeance à leur manière pour laver l'outrage. Mieux aller vite en besogne, pensent-elles. Alors réagissons pour réhabiliter l'autorité sans laquelle nous vivrons dans une jungle.