Assises nationales de la régionalisation avancée: appel au renforcement des capacités financières des régions    Régionalisation avancée: Comment réduire les disparités territoriales    Abdellatif Maazouz souligne l'importance d'un bilan exhaustif de la régionalisation avancée    Assises nationales de la régionalisation avancée: Appel au renforcement des capacités financières des régions    E-commerce : Les mega-ambitions de Alibaba pour le Maroc [INTEGRAL]    Aquaculture : 200 fermes créées au Maroc en 2024    Maroc : fin des mauvais payeurs ? La loi 69.21 impose son tempo    Tourisme. Une nouvelle ère pour le projet Essaouira Mogador    Aéroport d'Agadir Al Massira. Objectif 3 millions de passagers en 2024    Dacia Maroc lance le nouveau Jogger Hybrid 140    Maroc-Pakistan : L'ambassadeur Mohammad Karmoun appelle à une coopération parlementaire entre les deux pays    Vidéo - Attentat de Magdebourg en Allemagne. Les premières révélations    Botola D1/J15: Les 16e, 15e, 14e et 9e face à face à ce samedi    Foot féminin : Netflix s'approprie les droits de diffusion des CDM (f) 2027 et 2031    Raja: Pinto et l'Algérien du club jettent l'éponge...à l'amiable!    Man United : Mazraoui dépasse les joueurs des grands championnats avec une statistique impressionnante    Fenerbahçe : Youssef En-Nesyri buteur lors du nul face à Eyüpspor    M'Baye Niang fait ses adieux au Wydad de Casablanca    Le temps qu'il fera ce samedi 21 décembre 2024    Les températures attendues ce samedi 21 décembre 2024    Le Sun Festival de Marrakech célèbre les cultures actuelles    Aziz Senni, un entrepreneur franco-marocain pressenti pour intégrer le gouvernement    Le communiqué du Cabinet Royal suite à la rencontre entre le Roi et le Président mauritanien : réaffirmation des vérités géographiques, historiques et futures dans la région    Assassinat de Samuel Paty : Chnina et Sefrioui condamnés à 13 et 15 ans de prison    Le souverain chérifien reçoit le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani à Casablanca    Snowfall expected in Morocco this weekend    Pharma 5 launches Morocco's first generic medicine based on medical cannabis    Dessalement : Le PJD pointe un conflit d'intérêts et appelle Aziz Akhannouch à démissionner    Le patrimoine culturel de Tanger célébré au musée Villa Harris    Barid Al-Maghrib lance une émission spéciale de timbre intitulé « Le Malhoun, patrimoine culturel immatériel de l'humanité »    À Rabat, réunion du comité technique chargé de l'élaboration d'un cadre référentiel pour la santé en milieu carcéral    Starlink : Internet par satellite bientôt accessible au Maroc    Climat : l'Afrique en quête de solutions au Forum euro-méditerranéen    Washington réfute les allégations algériennes sur le MAK    Classement FIFA. Le Maroc finit l'année en beauté    Grèce: Huit morts dans le naufrage d'un bateau de migrants    Cyclone Chido. Le bilan s'alourdit au Mozambique    Challenge N°950 : Du 20 au 26 décembre 2024    La météo du vendredi 20 décembre    Washington rejette la désignation par l'Algérie du MAK comme organisation terroriste    Abdelouafi Laftit détaille les enjeux et les ambitions de la régionalisation avancée    L'Exposition de l'Innovation à l'Université Al Akhawayn : un carrefour entre ingéniosité étudiante et coopération industrielle    Les températures attendues ce vendredi 20 décembre 2024    Cinéma : Le Maroc sélectionné pour le tournage d'un méga-film sur Cléopâtre !    Aide à la production cinématographique : Des titres et des montants    «Rêves avortés de femmes mazaganaises», de Khatiba Moundib, à mi-chemin entre le réel et l'imaginaire    Un spectacle de tbourida clôt l'année culturelle Maroc-Qatar à Doha    Placement de produits dans le cinéma : Pratique lucrative qui peine à s'imposer au Maroc ! [INTEGRAL]    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Pour Nos Enfants
Publié dans L'opinion le 05 - 10 - 2020

Nous avons tous été choqués, attristés et répugnés par la mort tragique du petit Adnane; et sommes tous indignés et horrifiés par un tel acte, une telle violence, une telle atteinte à la vie de nos enfants. C'est ainsi que, pour exprimer leur peine et leur colère, plusieurs de nos concitoyens ont tenu à exprimer aux parents endeuillés, leurs condoléances, leur solidarité, et leur compassion. En réponse à l'horreur du crime, certains ont même appelé à prendre revanche contre le coupable et sa mise à mort.

Attentif à l'actualité dans notre société, le CNDH a suivi avec intérêt le vif débat, dans l'espace public et sur les réseaux sociaux, à propos de la Peine de Mort et la question du viol et de la pédophilie. C'est ainsi que j'ai tenu à partager, en tant que Marocaine d'abord, et en tant que défenseure des Droits de l'Homme, quelques réflexions sur deux sujets qui nous concernent tous et nous tiennent tous à cœur.

Le combat de longue date de tous les défenseurs des Droits de l'Homme contre la Peine de Mort ne tient ni à une certaine idéologie ou culture, ni au dogmatisme péremptoire d'un esprit « occidentalisé », mais est fondé plutôt sur la réflexion, le pragmatisme, et l'attachement aux principes universels de Dignité, de Justice et de Liberté ; car l'abolition de la Peine de Mort est plus qu'un prérequis à l'Etat de Droit, elle est une nécessité dans toute société juste et libre où la dignité des Citoyens est non seulement respectée mais protégée. La Peine de mort reste, en effet, l'une des atteintes les plus graves au Droit à la Vie, ce droit originel, suprême et absolu sans lequel aucun Droit, aucune Liberté, aucune Justice ne peut exister.
C'est ainsi que le CNDH, le CCDH avant lui et l'Instance Equité et Réconciliation dans son rapport final, ont tous recommandé la ratification par le Maroc du Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte sur les droits civils et politiques abolissant la Peine de Mort en toutes circonstances. Même la Cour Pénale Internationale, qui traite des crimes les plus graves, les plus odieux et les plus barbares que l'on puisse imaginer, tels les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, ne prévoit pas dans ses statuts la Peine de Mort comme châtiment. C'est dire l'interdit que constitue la Peine de Mort pour tous ceux qui ont la défense de la Dignité et de la Justice tant à cœur.
Par ailleurs, l'article 20 de notre Constitution est clair et sans équivoque : « Le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit ». Non seulement notre Constitution ne prévoit aucune exception au Droit à la Vie, mais, en sus, le législateur a l'obligation constitutionnelle de le protéger de toute atteinte ou infraction. A ceux qui seraient encore perplexes quant à l'inconstitutionnalité de l'application de la Peine de Mort, l'article 22 de la Constitution ne laisse aucun doute. En effet « il ne peut être porté atteinte à l'intégrité physique ou morale de quiconque, en quelque circonstance que ce soit et par quelque personne que ce soit, privée ou publique». Une interdiction plus catégorique n'existe point. Donc : L'application de la Peine de Mort est anticonstitutionnelle.
Non seulement l'application de la Peine de Mort est anticonstitutionnelle car elle porte atteinte au Droit, sacré, à la Vie ; mais elle est aussi dite avoir un effet de « brutalization » sur la société. Il ne faut pas être surpris que, dans les sociétés où la peine de mort est appliquée et donc le Droit à la Vie non respecté par l'Etat lui-même, ses citoyens soient moins inclinés à respecter ce Droit et plus amènes à commettre les crimes les plus monstrueux. Car l'application de la Peine de Mort n'a jamais eu d'effet dissuasif, et ne fait au contraire, que nourrir le cycle de violence dans lequel la société, qui a érigé la logique de vengeance comme cadre pénal, est piégée.
C'est ainsi que les pays qui abolissent la Peine de Mort ont tendance à voir leur taux de meurtre baisser. Il est donc impossible de conclure à une quelconque efficacité de la Peine de Mort. A l'inverse, l'application de celle-ci ne fera que provoquer le sentiment d'injustice le plus profond et une soif, jamais inassouvie, pour la brutalité et la violence.
C'est plutôt la certitude d'être poursuivi chaque fois qu'un crime est commis, et non pas l'élimination de la personne, suivi de la prévention contre toute récidive qui sont, en l'occurrence, les méthodes ayant fait leurs preuves dans la lutte contre le crime. Que ce soit par l'amélioration technique et scientifique de la police afin de résoudre le plus grand nombre d'affaires, ce qui est déjà dissuasif en soi, ou par des programmes de réinsertion sociale et de suivi psychologique afin de prévenir le plus possible le taux de récidive, qui sont les meilleures méthodes de combattre le crime.

C'est donc la lutte contre l'impunité par un système judiciaire efficient et un code pénal adéquat où des peines proportionnelles sont appliquées de manière prévisible, qui aident à faire baisser le taux de criminalité, et non l'application de peines de manière aléatoire et sporadique.

Enfin, vu la finalité de la Peine de Mort et l'existence inéluctable d'erreurs judiciaires même dans les systèmes de justice les plus efficients - puisque l'erreur est humaine- et l'impossibilité de recours, de remède ou de réparation lorsque la peine capitale a été appliquée et que la vie d'un innocent a été dérobée, la nécessité d'abolir la Peine de Mort devient une urgence car la Justice se doit, elle-même, de se protéger de l'impardonnable.

Revenons au cas du petit Adnane, ce symbole de l'innocence spoliée par la société, qui a provoqué chez toute une Nation les sentiments de colère, de douleur et de Hogra les plus ardents. Plusieurs voix se sont élevées, dans l'émotion, demandant l'application de la Peine de Mort contre le coupable ; coupable qui restera pour moi sans nom et sans visage, car il ne mérite ni son patronyme ni son identité.

Même si la Peine de Mort venait à être appliquée, bien qu'elle soit, insistons-y, non-dissuasive, inefficace et délétère à la société, cela ne réglerai en rien la problématique du viol et de la pédophilie au Maroc, car les dispositions légales y afférents, sont ambigües, confuses et non prévisibles, et l'application de la loi non-systématique.

Selon l'article 486, le code pénal ne définit le viol que dans le cas où « un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci. » Le terme de « femme » est interprété comme étant une personne de sexe féminin majeure - ou en âge de se marier (aucune définition de l'âge de consentement n'y figure). Le viol, considéré comme un crime, est passible d'un minimum de 5 ans de réclusion. Curieusement dans notre code pénal, quand « l'homme qui a des relations sexuelles avec la femme contre son gré » est son mari, il n'y a plus de viol, bien que cette exception ne soit pas prévue dans la loi.

Tout autre cas de figure, qu'il s'agisse d'enfants mineurs des deux sexes, ou de viol d'un adulte de même sexe, est qualifié dans le code pénal marocain « d'attentat à la pudeur ». Considéré comme un délit quand il est commis sans violence, et donc passible d'une peine à la réclusion entre 2 à 5 ans et comme un crime lorsqu'il est commis avec violence, le terme « attentat à la pudeur » n'a aucune définition dans le code pénal. Le délit « d'attentat à la pudeur sans violence » a été, par exemple, également appliqué dans les cas d'inceste sur mineur comme dans le cas de deux jeunes, une fille et un garçon, qui se tenaient la main dans la rue !

De même, aucune définition du terme « violence » n'existe. Tantôt la violence est supposée dans tout attentat à la pudeur, tantôt elle ne l'est pas. C'est bien à cause de l'application inégale et aléatoire de ce terme que l'on peut voir, entre autres, des peines tout à fait dérisoires et non proportionnelles par rapport à la gravité des actes commis.

Enfin, et comme explicité ci-dessus, c'est la certitude d'être poursuivi et la lutte contre l'impunité qui restent les meilleurs moyens de lutter contre le crime, et au Maroc nous en sommes tous les jours témoin. Chaque jour, nombre de coupables de viol échappent à la Justice après abandon de la plainte par les parents de la victime, en contrepartie d'une « compensation » financière ou d'un mariage de la honte. C'est ainsi que, chaque jour, le silence des victimes est acheté et payé au prix fort, un prix que la société entière endosse.
C'est pourquoi le Parquet ne peut, à aucun moment, se permettre d'abandonner les poursuites contre un accusé de viol et se doit d'enclencher, de sa propre initiative, les poursuites judiciaires. Là réside le vrai moyen de dissuasion : le déclenchement automatique et systématique de poursuites, sans possibilité de s'y soustraire ni de s'y détourner.

Le CNDH avait appelé, dans son mémorandum relatif à l'amendement de la loi 10-16 du Code pénal à modifier la définition du viol afin qu'elle puisse englober toutes les formes d'agression sexuelle, indépendamment du sexe de la victime, de celui du violeur, de leur relation ou de leur statut, ainsi que « d'alourdir les peines en cas de viol ou d'inceste, notamment lorsqu'il s'agit d'enfants mineurs ou incapables d'exprimer leur consentement, le but étant de mettre fin à l'ambiguïté et à l'impunité qui sont souvent associées à ces deux crimes ».
Parce que le terme « d'attentat à la pudeur » ne traduit pas la gravité du crime commis, et parce que la définition du viol est, comme nous l'avons démontré, trompeuse, il serait plus judicieux de substituer à ces deux termes celui « d'agression sexuelle » englobant toutes les formes d'agression ou de violence à caractère sexuel, quelles qu'en soient les circonstances, afin de permettre une protection optimale des victimes.

Ceci traduirait un vrai changement de paradigme dans l'interprétation et l'application de la Loi, lequel considérerait, justement, l'agression sexuelle comme une atteinte à l'intégrité physique et non comme une violation de l'ordre familial comme c'est le cas aujourd'hui..

De même le CNDH réitère sa position visant à abolir la Peine de Mort, tenant compte de toutes les motivations explicitée ci-dessus, et appelle le gouvernement à voter la résolution du Moratoire contre celle-ci lors de l'Assemblée Générale de l'ONU en Décembre 2020 ; en mise en œuvre de l'Article 20 de la Constitution du Royaume.

C'est ainsi que nous pourrons honorer nos enfants victimes, et commémorer leur innocence. Mobilisons-nous pour Adnane, pour Ikram pour tant d'autres, symboles de la Vie. Que leurs souffrances retentissent comme des échos dans nos Lois, et que Justice soit faite.
Amina BOUAYACH,
Présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.