Les liens entre le délitement du Front Polisario et le développement du terrorisme au Sahel sont de plus en plus étroits et l'effondrement de ce mouvement alimente l'activité de l'organisation "Al Qaeda au Maghreb islamique" (AQMI), indique jeudi l'Institut européen des études stratégiques (ESISC), basé à Bruxelles. "Si cette hypothèse reflétait à l'origine la simple crainte d'une dérive du Polisario, elle devient chaque jour un peu plus concrète, au point de faire désormais consensus chez les analystes de la situation sécuritaire dans la région", souligne l'Esisc dans un rapport intitulé "Le front polisario et le développement du terrorisme au sahel". "L'un des éléments majeurs qui motiverait les membres du Polisario désireux de rejoindre les rangs de l'AQMI ou d'autres organisations islamistes armées serait le fait que ces groupes tentent de cibler le Royaume du Maroc, le pays même que la propagande séparatiste leur a appris à haïr depuis leur enfance", écrit l'Esisc. Le rapport illustre par des exemples et des études, la diversité des liens qui existent entre le polisario et l'AQMI, démontrant que "des membres actifs du mouvement à la recherche de revenus complémentaires, tout comme des mercenaires qui cherchent à rentabiliser leur expérience passée dans les structures militaires du mouvement indépendantiste sahraoui, peuvent basculer dans le terrorisme après être vraisemblablement passés par diverses formes de trafic". La criminalité, et notamment les trafics de drogue et d'armes qui se sont développés dans la région depuis quelques années, est apparue à de nombreux Sahraouis comme la seule perspective d'avenir viable, face à la frustration créée par le manque de perspectives politiques aujourd'hui offertes par la direction du Front Polisario, indique l'Esisc . "La diversité des voies qui mènent à cette dérive terroriste est une énième preuve du niveau avancé de décomposition du Front Polisario plus de trente-cinq ans après sa Création", note le document. Elle illustre également la complexité des enjeux sécuritaires de la région où il devient de plus en plus difficile de distinguer les terroristes des trafiquants en tout genre. Cette collusion entre terrorisme, trafic d'armes et de drogues, et membres anciens ou actuels d'un mouvement indépendantiste en décomposition a permis le développement de ce qui est présenté par l'Institut Thomas More comme une "industrie hybride de l'enlèvement" qui, grâce au paiement de rançons, finance le terrorisme et les activités de l'AQMI dans toute la région, ajoute le rapport. L'Esisc indique que depuis quelques années, un intérêt certain de l'AQMI pour le Front Polisario, qui est devenu un des principaux bassins de recrutement de l'organisation terroriste, a été relevé. Il a affirmé que des jeunes Sahraouis désœuvrés pouvaient se laisser séduire par l'idéologie de l'AQMI, ajoutant que "les organisations terroristes puissantes telle al-Qaïda au Maghreb islamique sont des experts en matière de détection de personnes présentant de tels signes de vulnérabilité. Ainsi, les camps de Tindouf représentent une mine d'or potentielle pour les recruteurs de groupes comme AQMI". "Si l'on prend également en considération le vide idéologique laissé par la faillite du marxisme-léninisme dont se réclamait le Polisario, on comprend aisément que l'islamisme radical se soit, pour certains, substitué au combat indépendantiste", note le rapport. Les ralliements à l'AQMI et à son idéologie djihadiste ne concernent pas que des "soldats" du Front Polisario, affirme l'Esisc. "Des cadres de cette organisation ont également été gagnés par la contagion, ce qui peut s'avérer particulièrement dangereux puisque ces membres éminents du groupe sont à même d'en influencer d'autres et, donc, de devenir de véritables pôles de recrutement islamiste dans les camps", a-t-il ajouté.