Le Maroc s'érige en véritable "référence en termes de modernité et d'initiatives pour les pays du Sud du Sahara", a souligné Dr. Bakary Sambe, politologue et chercheur à la Fondation européenne pour la Démocratie basée à Bruxelles, dans son ouvrage "L'islam dans la politique africaine du Maroc" à paraître aux éditions Marsam. Propos recueillis par Mohamed Chennouni "La perception qui domine au Sud du Sahara lorsqu'il s'agit du Maroc est celle de ce pays +frère+ qui sert aussi de référence en termes de modernité et d'initiatives", a-t-il confié dans une interview à la MAP, à la veille de la parution de son ouvrage à Casablanca. Pour ce spécialiste des rapports arabo-africains et des réseaux transnationaux, le Royaume "demeure un centre diplomatique stratégique" face à "la récente et timide percée de l'axe Pretoria-Lagos-Alger". "Les présidents de plusieurs pays africains, se considérant comme +frères+ et +amis+, se succèdent et se croisent à Rabat, capitale d'un Royaume qui a participé à la décolonisation de bon nombre de pays africains et qui contribue, encore, à la lutte contre le sous-développement en drainant une réelle dynamique au plan économique", a tenu à préciser l'auteur sénégalais.
+Le Maroc contribue à la formation de l'élite africaine+ L'ouvrage, souligne Dr. Sambe, met l'accent sur les actions marocaines en faveur des pays africains, rappelant dans ce sens, que les étudiants du continent Noir, souffrant des politiques d'immigration des pays du Nord pour y poursuivre des études supérieures, choisissent le Maroc, dont les grandes écoles et académies (militaire, marine, ingénierie...) ont participé à la formation des élites africaines. "La destination Maroc reste des plus attractives pour les études sur le continent. Des bourses sont octroyées et les grandes écoles marocaines ont déjà accueilli des générations d'Africains", a-t-il fait remarquer. Et de mettre en relief la place de choix qu'occupe le Royaume, eu égard à son rôle historique, mais également à la vision du futur dont il fait preuve surtout durant la dernière décennie. L'auteur du livre a relevé que l'histoire du Maroc au Sud du Sahara, est une histoire de rencontre qui a "forgé des liens culturels, donné lieu à un brassage et permis surtout de consolider la réalité selon laquelle les racines africaines du Maroc ne sont pas qu'imaginaires", a-t-il insisté. Au-delà des institutions et des acteurs politiques, "cet héritage est assumé et revendiqué par les peuples des deux rives du Sahara qui se l'ont approprié", a poursuivi Dr. Sambe. Contrairement à "l'hypocrisie de certains acteurs" sur le continent, "l'africanité assumée du Maroc ainsi que ses nombreuses initiatives en direction de l'Afrique subsaharienne le prédisposent à jouer un rôle croissant sur le continent", a-t-il dit.
+La proposition d'autonomie au Sahara : un projet salutaire+ Abordant la question du Sahara marocain, il a souligné que le Royaume a fait montre d'une "grande disposition vers une solution définitive et concertée qui est saluée aussi bien dans les chancelleries qu'au niveau des opinions publiques au Sud du Sahara". Il s'est félicité aussi des initiatives menées non pas seulement par les diplomates mais aussi par des chercheurs et personnalités de la société civile pour sensibiliser sur les derniers développements du conflit saharien, notamment "le très salutaire projet d'autonomie".
+La prétendue RASD au sein de l'OUA : une hérésie juridique+ Au volet de la relation Maroc/Union Africaine, Dr. Sambe a souligné que le retrait du Maroc de l'OUA, est le résultat d'un "anachronisme" mais d'"une incohérence doublée d'une injustice à l'égard d'un pays qui a grandement contribué à l'émancipation du continent et a été l'un des acteurs incontournables de la naissance de l'OUA, notamment dans le cadre du Groupe dit justement de Casablanca". En observateur confirmé des rapports maroco-africains, il a fait savoir que cette idée est largement partagée dans les milieux diplomatiques comme en témoignent les propos d'un ancien ambassadeur sénégalais à Rabat, M. Doudou Salla Diop qui avait, sans réserve, rappelé que la naissance de l'Union africaine est entachée "d'un pêché originel" et que l'admission de la pseudo-RASD au sein de l'OUA est "une hérésie juridique". +Terre de ressourcement spirituel, le rôle africain du Maroc n'est égalé par aucun autre pays du Maghreb+ Le chercheur a souligné, par ailleurs, la profondeur africaine du Maroc qui ne relève pas d'un imaginaire, mais repose sur la géographie, l'histoire et surtout sur le fait incontestable que le Maroc reste cette terre de ressourcement spirituel de millions d'Africains. S'agissant de la "profonde et séculaire" place du Maroc dans l'islam africain et ses grandes mouvances spirituelles, cet expert a rappelé que depuis les Almoravides jusqu'aux réseaux de la Tijaniya en passant par les Saadiens, "le Maroc a toujours eu un rôle africain jamais égalé par aucun autre pays du Maghreb". "Depuis le commerce transsaharien, au Moyen âge, au pèlerinage de Fès drainant des fidèles de toute l'Afrique subsaharienne, le Royaume reste cette terre de ressourcement spirituel qui a toujours cru en une mission au-delà du grand désert", a-t-il souligné. Il a fait savoir que depuis les Almoravides, le Maroc a pu exporter et pérenniser un modèle religieux se nourrissant du malékisme et du soufisme notamment la Tariqa Tijaniya qui lui garantit une réelle aura au Sud du Sahara. "De par le rayonnement de la ville de Fès, le Maroc s'est imposé comme le centre de gravité de la Tijaniya qui regroupe au-delà de l'Afrique noire, plusieurs dizaines de millions de fidèles de l'Atlantique à la Mer de Chine", comme en témoigne le rassemblement annuel des délégations tijanies des quatre coins du monde, a-t-il précisé. L'ouvrage, a-t-il poursuivi, relève que cette notoriété n'a jamais perdu de son sens si l'on sait que les causeries religieuses du mois sacré de Ramadan accueillent des savants subsahariens tels que Maodo Sy et surtout Ibrahim Mahmoud Diop. "Mais, comme nous l'avons montré dans ce livre, ce n'est que le juste retour de l'histoire si l'on se souvient que le fondateur de la Tariqa Tijaniya, Sidi Ahmed Tijani, alors persécuté en Algérie n'avait pas trouvé meilleur endroit pour se réfugier que le Maroc où il fut accueilli avec hospitalité et tolérance par le sultan Moulay Souleyman et où il construisit sa Zawiya". "On voit, donc, aujourd'hui, que ce modèle religieux basé sur le soufisme et un rite malékite largement influencé par l'école marocaine, arrive encore pour le moment, à prémunir, dans cette région, des risques de l'intégrisme et de l'intolérance. "Dans ce livre que j'ai choisi de faire paraître au Maroc, en terre africaine, je pars de tous ces liens historiques pour déboucher sur les stratégies africaines du Maroc contemporain qui a toujours pu s'appuyer sur un +héritage+ largement nourri de références, certes, religieuses mais s'avérant, incontestablement, d'une grande utilité politique et diplomatique", a-t-il dit. Pour Dr. Sambe, l'ouvrage se veut, sur un plan académique, une occasion de battre en brèche une vieille conception des relations internationales et des rapports arabo-africains en général. Le facteur religieux est, à tort, rarement pris en compte dans ces rapports séculaires entre l'Afrique subsaharienne et le monde arabe, a-t-il estimé, soulignant que l'approche institutionnaliste des relations internationales néglige la place de l'individu, des groupes, ainsi que l'efficacité politique des symboles religieux et des liens spirituels. Et de conclure que "ce livre veut, surtout, revenir sur la particularité du Maroc au sein de l'ensemble maghrébin et du monde arabe qui en fait le pays de l'équilibre et de la mesure au carrefour de l'africanité, de la berbérité et de l'arabité mais depuis toujours impliqué en Afrique sub-saharienne".