Le séjour à Mexico du cabinet de sécurité américain au grand complet dénote le danger croissant que représentent les cartels de la drogue pour les deux pays qui sont toutefois conscients des limites de leur coopération face à un ennemi puissant et insaisissable. Par Rachid Mamouni Mexico a accueilli mardi une forte délégation américaine, conduite par la secrétaire d'Etat Hillary Clinton, comprenant le secrétaire à la défense, Robert Gates, la secrétaire de sécurité intérieure, Janet Napolitano, le Chef d'Etat Major adjoint, l'amiral Michael Mullen, le conseiller en contre-terrorisme du président Barack Obama, John Brennan, le secrétaire d'Etat adjoint pour l'hémisphère occidentale, Arturo Valenzuela, le procureur adjoint, Gary Grindler, le secrétaire adjoint à la défense, Paul Stockton, l'administrateur de l'agence anti-drogue (DEA), Michele Leonhart et le directeur d'intelligence US, Dennis Blair. Bien qu'une source mexicaine ait nié que la visite soit "inopinée", puisque annoncée seulement après l'assassinat il y a une semaine par des narcotrafiquants de trois personnes liées à un consulat US dans le nord du Mexique, l'arrivée de cette forte délégation à Mexico ne laisse aucun doute sur une prise en main sérieuse par les Etats Unis de ce problème qui a provoqué plus de 18.000 morts au Mexique au cours des trois dernières années. Les deux pays ont convenu de "la priorité de premier plan" que doit revêtir le combat contre les cartels de la drogue qui ont pignon sur rue dans les deux côtés de l'immense frontière commune, longue de 3.000 km. Ils ont identifié quatre grands axes de coopération, à savoir le démantèlement des structures financières et opérationnelles du crime organisé dans les deux pays, le renforcement des institutions judiciaires, la promotion d'une frontière sûre et compétitive pour le 21ème siècle et enfin la promotion de la cohésion sociale des communautés affectées par ce problème. Les deux pays se sont montrés conscients que les défis sont énormes et que le chemin sera long pour réduire, voire éradiquer, le trafic de drogue transfrontalier, d'abord à cause de la forte demande des drogues aux Etats Unis qui constitue le moteur du narcotrafic entre les deux pays, ensuite du flux financier colossal (estimé à plusieurs milliards de dollars) qui alimente les cartels de drogue et enfin à cause du trafic d'armes depuis les Etats Unis qui nourrit la puissance de feu des narcotrafiquants mexicains. Mme Clinton a été très explicite en affirmant que "les cartels de la drogue mènent une guerre contre la société et cette violence freine le développement et sape le progrès, ainsi que nous acceptons notre responsabilité partagée" par rapport à cette réalité. Elle a ajouté que Washington était consciente que "la demande de la drogue justifie une grande partie de ce commerce illicite et que les armes acquises aux Etats Unis facilitent la violence au Mexique", c'est pourquoi les Etats Unis "doivent assumer leur responsabilité pour aider à affronter ces défis". L'armée mexicaine, engagée depuis trois ans dans une lutte à mort contre des gangs détenteurs parfois d'armes plus sophistiquées que celles des militaires, a reconnu cette semaine que ni ses éléments, ni le Mexique en tant qu'Etat ne peuvent vaincre le narcotrafic, sans la coopération d'autres pays. Cette perception à la limite du défaitisme a été corroborée, mardi, par un sondage qui a fait ressortir que 60 pc des ressortissants mexicains pensent que ce sont les narcotrafiquants qui s'acheminent vers la victoire dans ce bras de fer sanglant avec l'Etat mexicain. Le principal acquis après la réunion à Mexico semble être l'accélération future des transferts d'aides américaines inscrites dans "l'Initiative Merida". Toutefois, des analystes mexicains craignent que cette initiative ne soit le prétexte idéal pour une éventuelle intervention directe de Washington dans cette lutte qu'elle prend désormais à bras-le-corps.