Leur nombre est estimé officiellement à 7,5 millions de jeunes âgés entre 15 et 29 ans et qui représentent une menace réelle pour le développement économique et la cohésion sociale au Mexique. Eux, ce sont les jeunes qui n'ont "ni travail, ni études'', d'où leur appellation de "génération Ni-Ni''. Rachid Mamouni Ce sont des jeunes qui ont généralement déserté l'école très tôt pour tenter de gagner leur vie, mais leurs espoirs se sont vite évaporés puisque sont rares les sociétés qui acceptent de leur offrir un premier travail, généralement peu rémunéré. Sans aucune opportunité d'évoluer socialement et professionnellement, ces jeunes optent pour un chômage volontaire et assumé et refusent de travailler pour un salaire de misère. Les pouvoirs publics sont de plus en plus conscients du danger que représente l'oisiveté de ces jeunes qui deviennent une proie facile pour les recruteurs des narcotrafiquants. Ceux-ci leur offrent un "salaire'' largement supérieur au minimum garanti (environ 4 dollars par jour) et surtout un mode de vie qui va de pair avec la fougue de la jeunesse. Craignant que l'enrôlement dans les rangs du crime organisé ne devient une alternative viable pour ces jeunes, les autorités se sont penchées sur les problèmes de cette nouvelle ''tribu'' urbaine en créant, récemment, une commission spéciale au parlement chargée d'élaborer une politique d'intégration de la "génération Ni-Ni'' dans le marché du travail. Il y a quelques jours, José Naro, recteur de l'université la plus prestigieuse du pays (UNAM), a tiré la sonnette d'alarme sur "le risque que représente pour le pays d'avoir des millions de jeunes classés dans cette catégorie''. Pour lui, les autorités sont vivement appelées à réfléchir à la meilleure manière "d'occuper'' ces jeunes, afin d'éviter qu'ils ne tombent entre les griffes des cartels de la drogue. Le Mexique a découvert avec stupéfaction, au lendemain du massacre de 16 lycéens en janvier dernier dans le nord du pays, comment les narcotrafiquants "emploient'' ces jeunes comme des "Faucons'', où "Indics'' qui observent et donnent l'alerte sur les mouvements des patrouilles de police et de l'armée. L'un de ces milliers de "Faucons'', recrutés par un gang local, a été l'unique personne arrêtée après le massacre, qui a expliqué à la télévision comment opéraient ces jeunes pour le compte des narcotrafiquants, en contrepartie d'une rétribution hebdomadaire de quelque 50 dollars. L'Etat mexicain affirme ignorer combien de jeunes travaillent déjà pour les narcotrafiquants, mais un indice inquiétant laisse penser qu'il sont légion, étant donné le nombre croissant de jeunes tués dans les affrontements entre bandes rivales de trafic de drogue ou avec les militaires. Dans la grande métropole du pays, Mexico, le problème de ces jeunes est tellement sérieux que la Mairie a organisé, récemment, un Forum avec la participation de penseurs de renom et sociologues appelés à réfléchir aux différentes options pour faire revenir les membres de cette génération aux bancs de l'école ou les intégrer dans le marché du travail. Selon le diagnostic établi par les participants à ce Forum, "les Ni-Ni sont le fruit de l'irresponsabilité et de l'indifférence de plusieurs secteurs sociaux'', en particulier celui de l'éducation qui a "échoué à faire de l'enseignement une stratégie de développement''. Ils estiment que tant qu'une solution créative et inclusive au problème de ces millions de jeunes n'est pas encore trouvée, leur situation restera telle une épée de Damoclès qui risque d'hypothéquer l'avenir du pays.