Manifestations et contre-manifestations, accusations et critiques de part et d'autres, polémiques et controverses de toutes sortes, sont le lot de la vie politique italienne en ces jours d'avant-veille des élections régionales. Par Amina Benlahsen Ainsi, aux 200.000 manifestants mobilisés la semaine dernière par l'opposition à "la place du peuple" de Rome, la majorité gouvernementale promet un demi-million pour la manifestation de samedi prochain à "la place San Giovanni" de la capitale italienne. La logistique mobilisée est impressionnante: 3.000 autocars, 3 trains spéciaux, un ferry desservant la Sardaigne et vols charters. En chef de coalition gouvernementale ayant la légitimité des urnes, Berlusconi envisage cette manifestation comme une réponse grandeur nature à ses détracteurs et une expression éloquente de l'adhésion majoritaire des différentes composantes de la société italienne à sa politique. Il y tentera, en compagnie de ses partisans, de donner une réplique spectaculaire à une opposition insoumise et peu encline à céder du terrain malgré sa relative faiblesse. Rien n'est ménagé en effet par celle-ci pour saper l'édifice gouvernemental et tous les moyens sont bons pour ébranler la confiance des administrés en ses choix et politiques. La mainmise de Berlusconi sur les médias audio-visuels invoquée à tout bout de champ par ses détracteurs, les procès dans lesquels il est cité dont l'un pour corruption, ses relations tendues avec les juges, les textes "sur mesure" adoptés pour servir ses propres intérêts et ceux de son équipe, sont autant de "griefs" invoqués par les adversaires politiques du chef du gouvernement italien pour nourrir les "scandales" à répétition qui alimentent presque quotidiennement les pages des journaux et magazines italiens. Cela déborde parfois même sur la vie privée des responsables soumis à un "voyeurisme" exacerbant dont certains médias se font un plaisir à en relater les épisodes. Si l'on ajoute à cela les contestations suscitées au sein de l'opposition par les choix opérés par le gouvernement concernant des domaines aussi sensibles que ceux de la fiscalité, de l'enseignement, de la santé, de l'emploi, de l'eau, du nucléaire ou encore de l'immigration (de la responsabilité d'un ministre de l'intérieur appartenant à un parti - La Ligue du Nord- que d'aucuns taxent ouvertement de parti raciste et xénophobe ), il serait aisé d'imaginer les tiraillements quasi-permanents qui marquent la vie politique en Italie. La dernière affaire en date porte sur des révélations faites sur la base d'écoutes téléphoniques ordonnées par le parquet- selon lesquelles Berlusconi aurait fait pression sur la chaîne de télévision publique "RAI" afin qu'elle retire un programme qui lui était défavorable. Outré, le chef du gouvernement s'en défend et assure n'avoir rien à se reprocher, alors que l'un de ses avocats s'étonne de la coïncidence entre "les fuites d'informations" sur cette affaire et la campagne pour les régionales des 28 et 29 mars. C'est dire que les considérations d'ordre électoraliste et la psychose des urnes sont bien présentes dans l'esprit des protagonistes qui entendent jouer toutes leurs cartes pour confirmer leur position, pour les uns, et pour surprendre, pour les autres. Et c'est justement le regard braqué sur les sondages que Berlusconi a repris l'offensive ces derniers jours, en se posant en victime d'une opposition à la mentalité "soviétique" et de juges tatillons. Son objectif, selon les politologues, est de remobiliser très vite son électorat de centre-droit de crainte d'un taux d'abstention record qui empêcherait sa majorité de l'emporter dans certaines régions lors du scrutin de fin mars. C'était d'autant plus pressant pour le clan Berlusconi que, selon le sondage mensuel de l'institut IPR paru récemment, seuls 44 pc des italiens soutiennent le chef du gouvernement. Les résultats sont encore plus mauvais pour le gouvernement avec seulement 38 pc de popularité. Les craintes de désaffection massive de l'électorat trouvent également leur fondement dans une enquête publiée par l'institut national italien des statistiques (Istat), qui révèle qu'un quart des Italiens se désintéresse complètement de la politique. Dans ce contexte marqué par l'exacerbation des clivages politiques du fait d'enjeux électoraux, la patronne des patrons, Emma Marcegaglia, a lancé un rappel à l'ordre en demandant l'arrêt des polémiques et une vraie "politique de développement" face à la crise qui est loin d'être terminée en Italie et dont le citoyen ressent le contrecoup. Une autre dimension qui est loin d'être négligeable mais qui se trouve presque occultée de la campagne quelque peu escamotée par la suspension, jusqu'aux élections, des émissions de débats politiques sur les trois chaînes de la télévision publique italienne RAI au nom de l'égalité de traitement des différentes forces politiques. Ne l'entendant pas de cette oreille, l'opposition pense en revanche que la décision prise en ce sens par la direction de la RAI, vise à éviter de faire apparaître, dans les dernières semaines avant le scrutin, les problèmes qui secouent la droite, affectée par des histoires de corruption et en baisse dans les sondages. "Je pense que Berlusconi a mal fait ses comptes et cette décision se révèlera un boomerang pour lui (...) Vu de l'Europe, ce qui se produit est incroyable, cela n'existe dans aucun pays occidental ", a commenté, au cours d'une manifestation de protestation, Pierluigi Bersani, chef du Parti démocrate (PD), la principale formation de l'opposition. En attendant le verdict des urnes, le débat bat son plein par presse écrite interposée et à coup de manifestations. Celle de samedi en sera une de plus.