Dénigrée par les uns qui y voient un phénomène parasite dans la société et louée par les autres en tant que richesse inductrice de multiples bienfaits pour tous, l'immigration constitue un thème récurrent sur la scène politique italienne où les débats fluctuent cependant selon les circonstances et les considérations. .-Par Amina Benlahsen-. L'année 2009, particulièrement sa seconde moitié, a été à cet égard riche en faits saillants constituant autant d'étapes dans la vie de la communauté immigrée et son devenir dans un pays, lui même, de longue tradition migratoire et où la mémoire collective baigne pleinement et pour toujours dans le monde de la migration. Nul doute que les considérations d'ordre partisan, idéologique, humanitaire, voire nationaliste ou démagogique, ne sont pas étrangers aux prises de position des uns et des autres, dont certaines, il est vrai, rassurent alors que d'autres, comme relevé par nombre d'observateurs politiques, font craindre un retour à des temps révolus, complètement en déphasage par rapport à l'évolution que connaît le monde et aux valeurs de démocratie, d'ouverture et d'échanges qui y sont prônées. Le durcissement de l'arsenal juridique réprimant l'immigration clandestine et la réapparition des "rondes citoyennes" chargées de veiller à la sécurité dans les quartiers des grandes villes sont, pour beaucoup, source d'inquiétude comme le sont les sorties de certains leaders politiques, au sein même de la coalition gouvernementale, contre la communauté immigrée. Ainsi, l'été, qui coïncide habituellement avec une recrudescence des flux de clandestins sur les côtes italiennes, a été marqué cette année par l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi sur la sécurité qui érige désormais la clandestinité en délit passible d'une amende pouvant atteindre 10.000 euros et d'une exclusion du territoire italien. En attendant, les clandestins tombés dans les filets de la police ou des gardes frontières italiens doivent subir l'épreuve des centres de rétention dont les conditions sont souvent décriées par des organisations des droits de l'homme et de défense des immigrés. Dans le même sillage, l'étau s'est resserré encore plus autour des immigrés rêvant d'Eldorado du fait du fonctionnement, plein régime, d'un accord sur la réadmission conclu, une année auparavant, avec les autorités libyennes qui permet le refoulement en pleine mer des clandestins interceptés sans même que ceux parmi eux qui en remplissent les conditions, aient l'opportunité de formuler une demande d'asile. Là aussi, les critiques ont fusé de partout, notamment d'Amnesty international, du haut commissariat aux réfugiés, de la Commission européenne, de l'église catholique et des associations intéressées. S'en est suivie une période de tension entre Rome et Bruxelles qui ne s'est apaisée qu'après l'engagement pris par les instances européennes de faire de l'immigration un problème commun dont se partageraient les charges tous les pays de l'Union, au lieu des seuls pays du sud de l'Europe, comme dénoncé par l'Italie. Quoiqu'il en soit, les autorités italiennes sont amplement satisfaites des résultats obtenus sur le terrain. Le ministre de l'intérieur, Roberto Maroni, ne manque pas de le rappeler à chaque occasion: depuis l'entrée en vigueur de cet accord, le nombre des clandestins interceptés en mer est passé de 15.000 à 1.400, soit 90 pc en moins. Son objectif est à présent d'arrêter totalement l'entrée des clandestins sur le territoire italien. La légalisation des "rondes citoyennes" avait fait l'objet également de vives critiques de la part de l'opposition et d'acteurs politiques et associatifs italiens et étrangers qui y voient un retour à des méthodes relevant d'une autre époque. Devenues opérationnelles en août dernier, ces "rondes" ont, théoriquement, un rôle purement préventif, mais d'aucuns ont exprimé des craintes que, dans l'exercice de leur mission, elles ne viennent à commettre des excès envers les immigrés. Dans ce climat d'appréhension et de doute, une opération est venue, tout au long du mois de septembre, donner une bouffée d'oxygène à la population immigrée. Il s'agit de l'opération de régularisation conditionnelle des immigrés s'occupant de personnes âgées et de handicapés (badanti) et ceux assumant les travaux ménagers (colf). Bien que l'intérêt défendu par les autorités publiques à travers cette opération soit évident (difficulté pour l'Etat de s'occuper des catégories bénéficiaires et de prendre en charge les frais en découlant), l'opération n'a atteint que partiellement ses objectifs puisque seuls 300.000 demandes ont été formulées (parmi lesquelles 40.000 par des Marocains) sur les 500.000 à 750.000 candidatures attendues. La complexité de l'opération et les appréhensions manifestées par les employeurs ont ainsi fait perdre une chance à des centaines de milliers d'immigrés déçus, par ailleurs, de l'insensibilité des autorités aux appels lancés pour la prorogation du délai imparti pour leur régularisation. Autre bouffée d'oxygène, celle découlant du débat engagé sur la question de la naturalisation. Une cinquantaine de parlementaires italiens représentant aussi bien la majorité que l'opposition ont, en effet, présenté, fin septembre, une proposition à ce sujet réduisant de 10 à 5 ans la durée de séjour requise comme condition pour l'obtention de la citoyenneté italienne. Toujours en cours d'examen, cette proposition redonne espoir à des centaines de millions d'immigrés, surtout en ces temps de crise, d'accéder à une situation plus stable augurant de meilleures perspectives pour eux et pour les leurs. Au plan chiffres, le nombre d'immigrés clandestins en Italie, ceux qui endurent le plus, s'établit à près de 750.000 personnes, soit 1,09 pc de la population italienne et 25,6 pc de l'ensemble des résidents étrangers, selon l' Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Près de la moitié des étrangers résidant en Italie proviennent de trois pays: la Roumanie (20,5 pc), l'Albanie (11,3 pc) et le Maroc (10,4 pc). Les immigrés se concentrent essentiellement dans le nord et le centre du pays, où 76,4 pc d'entre eux résident, surtout en Lombardie (23,3 pc), Vénétie (11,7 pc) et dans la Lazio (11,6 pc), dont la capitale est Rome. Entre appréhensions et espoirs, tous rêvent certainement d'un lendemain meilleur.