Les élections générales, prévues pour mai 2010 en Ethiopie, constituent un véritable test de démocratie à l'aune duquel seront jugées l'expérience politique et la pertinence du choix démocratique de ce pays, soucieux de redorer son image après les consultations électorales contestées de 2005. -Par Hicham El Alaoui- Pré-requis indispensable pour la démocratie, les élections de 2010 incarnent une étape politique importante pour le gouvernement éthiopien, déterminé à réunir les conditions favorables pour garantir la transparence, la crédibilité et la neutralité de ce scrutin, le 4-ème du genre depuis la chute du régime socialiste de Mengistu Hailemariam en 1991. L'engagement sans équivoque en faveur d'élections libres et justes passe indéniablement par l'adoption d'un cadre juridique permettant aux différentes formations politiques de s'inscrire dans le droit fil d'un processus visant à consolider la démocratie, à renforcer le pluralisme et à élargir le champ de participation à la vie publique.
+Le Code de conduite électorale, un outil majeur pour la consécration de la démocratie+. Conscient de l'importance de la mise en place d'un mécanisme devant assurer une démocratie saine, le gouvernement éthiopien a exhorté les partis politiques à s'entendre sur un code qui doit aider à la transparence des élections. Préparé par l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (IDEA), le code de conduite électoral, traite de la campagne électorale, du vote et des lignes directrices des partis, de l'acceptation pacifique des résultats des élections, ainsi que de l'utilisation des médias publics par les partis politiques. Jusqu'à présent, ce code a été approuvé par une soixantaine de partis politiques devant participer aux prochaines consultations du 23 mai prochain. Mais, un important groupe de l'opposition, le Forum pour la démocratie et le dialogue (Medrek, en sigle amharique), qui regroupe huit formations de l'opposition non parlementaire, a estimé que ce code "ne garantissait pas l'impartialité de la commission électorale". Ce groupe accuse aussi le gouvernement d'avoir arrêté certains de ses membres et partisans dans le but de décourager leur ardeur politique avant le scrutin. Ces accusations ont été réfutées, à maintes reprises, par le gouvernement affirmant que les personnes détenues avaient effectivement été reconnues coupables de délit et que leur arrestation n'avait rien à voir avec la politique. De même, le Front révolutionnaire et démocratique des peuples d'Ethiopie (EPRDF au pouvoir) et les quatre principaux partis de l'opposition ont convenu de mettre sur pied un conseil commun pour régler tout différend qui pourrait surgir au cours du scrutin. Selon le gouvernement, cet accord est à même de baliser le chemin pour des élections " démocratiques, libres et pacifiques ". +Les autorités éthiopiennes acceptent de se soumettre au regard extérieur+ Tablant sur ces échéances pour démontrer à la communauté internationale que le pays est bel et bien sur la voie de la consécration des principes de démocratie, le gouvernement éthiopien a invité des observateurs internationaux, notamment de l'Union africaine, de l'Union européenne et du Centre Carter, pour superviser le déroulement des élections. L'observation internationale joue un rôle important dans la protection de l'intégrité électorale et peut contribuer à maintenir l'intégrité du processus électoral à travers notamment la dissémination de bonnes pratiques, la prévention des problèmes d'intégrité et le renforcement de la crédibilité et de la légitimité du processus. Et si les autorités éthiopiennes ont accepté de se soumettre au regard extérieur, c'est qu'elles cherchent, aussi par ces élections, à asseoir leur crédibilité internationale. C'est un enjeu crucial pour un pays, l'un des plus pauvres du monde, avec près de 75 millions d'habitants, dont la moitié vit sous le seuil de pauvreté. L'Etat est largement tributaire de l'aide internationale, 40 pc de son budget étant financé par la Banque mondiale et l'Union européenne. Les progrès réalisés par le gouvernement pour garantir des élections démocratiques, libres et transparentes, n'ont pas empêché des actes d'intimidation contre l'opposition et la presse indépendante, dénoncés par les défenseurs des droits de l'Homme et même par Washington, grand allié de l'Ethiopie. Le Secrétaire d'Etat américain adjoint pour l'Afrique de l'Est, Karl Wycoff a exprimé les inquiétudes de son pays quant à la réduction de l'espace politique. "Les Etats-Unis sont inquiets par ce que nous considérons comme une réduction de l'espace politique et de la possibilité pour les partis d'opposition d'opérer et d'agir comme ils doivent le faire", a-t-il déclaré. Dans le même sillage, l'organisation Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé le "climat de peur" pesant actuellement sur la presse indépendante éthiopienne après que l'hebdomadaire Addis Neger ait décidé de cesser de paraître. "Alors que se profilent les élections générales de mai 2010, le spectre de la répression de 2005 à l'encontre de l'opposition et de la presse indépendante réapparaît", souligne RSF, déplorant le fait que la rédaction de l'hebdomadaire Addis Neger, saisie par "la peur et inquiétée par une campagne de dénigrement, soit tout simplement contrainte de le fermer". Les élections se déroulent en un seul tour et les résultats définitifs seront proclamés le 21 juin prochain. Et d'ores et déjà on parle d'un quatrième mandat de cinq ans pour le Front populaire démocratique révolutionnaire éthiopien (EPRDF), la coalition du Premier ministre Meles Zenawi, au pouvoir depuis 1991. Les Ethiopiens, qui souhaitent un déroulement transparent et honnête des élections, aspirent à ce que ces échéances constituent un nouveau jalon dans la consécration de la démocratie et le respect des droits de l'Homme et contribuent à sortir le pays de la crise économique et sociale qu'il endure.