Souriante et fière d'elle, Biya Bouzelmat, femme de l'Atlas, dont la nature a marqué les traits du visage, raconte comment elle a pu forger sa réputation d'aujourd'hui, celle d'une travailleuse connue et appréciée par de nombreux habitants du sud du Grand Atlas. Par Hassan Hermas Née en 1956 dans l'un des douars de la commune Ighrem Nougdal (70 km au nord-est d'Ouarzazate), Biya était l'une des rares fillettes issues de cette région montagneuse qui ont eu la chance d'accéder à une scolarisation, bien qu'assez modeste, mais qu'elle a su transformer, grâce à son ambition et sa persévérance 20 ans durant, en un carburant de réussite. Dès que les circonstances s'y prêtent, Biya a rejoint sa sœur à Marrakech où elle aura ses premières leçons, avant de quitter les bancs de l'école à la 4-ème année de l'enseignement fondamental pour des raisons personnelles. Armée d'une volonté de fer et indifférente au regard que l'on portait sur les femmes dans sa région, Biya décide d'intégrer un foyer de femmes où elle a été initiée pendant trois ans aux métiers de broderie, tapisserie et de couture traditionnelle, avant de revenir à son village natal, pour être de nouveau confrontée à une réalité socio-économique, où les femmes sont reléguées au second plan. De retour au bercail, elle commence par initier les femmes de sa région aux métiers qu'elle a acquis à Marrakech, assistée et encouragée par des sœurs qui résidaient dans le centre d'Akouim. Ensuite, le destin a voulu qu'elle se mette au travail de champ pour remplacer son père souffrant. L'occasion, une nouvelle fois, d'acquérir d'autres compétences, cette fois dans le domaine agricole. Son intelligence et sa vivacité ne manqueront pas d'attirer l'attention des cadres de la section de l'Office régional pour la mise en valeur agricole d'Ouarzazate qui vont lui inculquer d'autres savoir-faire en matière d'agriculture et d'élevage. Avec l'aide d'une sœur, dénommée Egette, Biya va créer à la fin des années 1990 "L'association féminine d'Agdal" qui deviendra un véritable pôle de développement dans les régions de Tilouat, Aguelmous, Ighrem Nougdal et Akouim, surtout après que les autorités locales, impressionnées par la force de sa volonté, décident de doter l'association d'un local transformé par la suite en foyer de femmes. Le succès de ce foyer a été une source de motivation pour Biya et ses partenaires qui vont mettre en place une coopérative de fabrication de fromage. Encore une fois, Biya va mobiliser les femmes et frapper à la porte des responsables et fournisseurs pour donner vie à cette initiative de développement. Une rencontre avec l'un des membres du comité américain pour la paix va accélérer les choses. Celui-ci l'a appuyée, aux côtés d'autres acteurs locaux, pour préparer un dossier sur la coopérative qui lui a permis de décrocher une aide financière américaine pour l'acquisition du matériel. La coopérative a également reçu des chèvres de l'ONG espagnole "Manus Unidas ", ce qui a permis à une bonne partie des femmes de la région de réaliser une certaine autonomie financière. Après avoir réalisé ce rêve, Biya ne dormira pas sur ses lauriers. Elle cherche à gagner la confiance de l'Agence de développement social pour la réalisation d'une unité productive génératrice de revenu tout au long de l'année. Chose qui sera faite. C'est ainsi que le franc succès rencontré par les différentes actions menées par cette dame de l'Atlas, lui a valu la sollicitude et le soutien des différents acteurs qui n'ont cessé de lui prodiguer conseils et encadrement. A son tour, Biya va ensuite travailler en tant qu'encadrante auprès des femmes qui s'adonnent à l'aviculture en les encourageant à introduire la culture de certaine plantes étrangères à la région comme la production du safran. La solidarité sociale était, par ailleurs, l'une de ses préoccupations majeures, et elle a réussi avec le soutien de partenaires dont l'INDH, à créer une équipe pour la lutte contre l'analphabétisme et à réaliser une maternité (Dar Al Omoum). Biya a donc prouvé que rien ne peut freiner son ambition et sa volonté qu'elle n'a cessé, sa vie durant, de cultiver. Son dernier fait d'arme, c'est qu'elle a réussi à intégrer l'univers de gestion des affaires locales, en devenant conseillère à sa commune rurale.