Le village d'Alnif a remonté le temps, le week-end dernier, à près de huit décennies. A 40 km du Saghro, mont fétiche qui fut la scène, en 1933, de la bataille de Boughafer, les Aïtta ont toujours la mémoire vivace. Il s'agit de commémorer un événement phare, de s'imprégner de ses enseignements et de penser l'avenir de la région. Structurée au sein de l'Association Boughafer pour le développement, la jeunesse de cette localité d'environ 8.000 habitants a, en effet, tenu à célébrer le 77ème anniversaire de cette bataille mémorable sous le thème "l'histoire et le développement local". Une manière de relier le passé au présent. Dans toutes les étroites ruelles de ce carrefour de routes venant de Zagora, Rissani, Tinghir et Errachidia, les banderoles et affiches annonçaient le rendez-vous traditionnel, en langues arabe, française et amazighe. Dans la petite place du village, une exposition de documents historiques, de livres d'histoire, d'ustensiles utilisés à l'époque est montée dans une grande tente blanche. Les autres photos illustrent, de façon on ne peut plus claire, le déséquilibre flagrant entre un camp fort de seules sa volonté et sa détermination à défendre sa patrie, son identité et sa dignité et un autre, armé jusqu'aux dents, avec plus de 80.000 soldats, composé de spahis algériens et sénégalais, des légionnaires français et des enrôlés des tribus sous le pouvoir du Pacha Glaoui. A la faveur d'une foi inébranlable en la justesse de leurs droits et de leur cause, les résistants des Aït Atta, dont le nombre ne dépassait guère les 4.000 allaient transformer la géographie en un atout de taille. Le surnombre n'y pouvait rien. Pourtant, les dégâts parmi les envahisseurs furent nombreux. La blessure et la mort du capitaine Henri de Bournazel et d'autres officiers sera un argument suffisant pour convaincre la Résidence générale, sur proposition du général Huré, de la nécessité d'un cessez-le-feu, puis d'une négociation. Ce que Assou O'Baslam accepta sagement et intelligemment. "Chaque année, nous célébrons cet anniversaire, histoire de rester en phase avec les valeurs qu'ont défendues nos ancêtres, et de renouer avec l'esprit de patriotisme, qui se cristallise dans notre volonté de développer notre petite ville", a tenu à faire remarquer, Sekkou étudiant universitaire qui prépare un mémoire sur cet événement historique. Chercheurs en anthropologie et histoire, les invités de l'association se sont attardés sur la dimension historique de l'événement, en insistant sur la nécessité de sauvegarder la mémoire locale, par le recours aux témoignages d'acteurs ayant pris part à cette bataille dont le souvenir est encore vivace. L'écrivain Zayd Ouchna a mis l'accent sur l'importance capitale du témoignage oral et de la narration dans la connaissance de ce qui s'est réellement passé. De son côté, l'universitaire Brahim Oubella a appelé à conférer à cet événement historique la place qu'il mérite dans les manuels scolaires. Les nouvelles générations, a-t-il affirmé, doivent s'inspirer de cette symphonie patriotique, afin de pouvoir surmonter les défis modernes en matière de développement local et national. Ce qui compte pour nous chercheurs, c'est de recoller les piécettes de cette mémoire quelque peu tronquée, notamment par la collecte des noms des personnes ayant participé à ce genre de batailles du côté marocain, a, pour sa part, noté l'écrivain Moha Soug. "Nous pouvons citer tous les généraux, colonels et même caporaux des forces françaises, mais on ne connaît pas les noms de tous les résistants marocains ayant guidé les batailles de Boudnib, Jbel Baddou, Boughafer et de tous les autres combats du sud-est", a relevé M. Souag, qui s'apprête à publier un livre à dimension historique.