Le Maroc est un pays abolitionniste de facto et s'il n'est pas encore abolitionniste de jure, sa politique pénale actuelle, qui est en cours de révision, tend à restreindre et à limiter la condamnation à cette peine, a souligné, vendredi à Genève, M. Mustapha Iznasni, qui s'exprimait au nom du Conseil Consultatif des droits de l'homme (CCDH) devant le 4ème congrès mondial contre la peine de mort. M. Iznasni, qui intervenait lors de la séance de clôture de ce congrès, a fait remarquer à ce propos que depuis 1993 aucune exécution capitale n'a eu lieu au Maroc. A cela, a-t-il poursuivi, s'ajoute les initiatives répétitives de la grâce royale en faveur des condamnés qui commuent leur peine en peine d'emprisonnement. Il a également rappelé, à cet égard, que l'Instance Equité et Réconciliation (IER), qui a clôturé ses travaux en novembre 2005, avait recommandé, dans le cadre du parachèvement de l'adhésion du Maroc aux conventions internationales des droits de l'Homme, la ratification du 2ème protocole facultatif au Pacte sur les droits civiles et politiques relatif à l'abolition de la peine de mort, ajoutant que SM le Roi Mohammed VI avait donné son approbation aux recommandations de l'IER et confié au CCDH la mission d'assurer le suivi de leur mise en œuvre. C'est dans ce cadre, a-t-il ajouté, que le Conseil a organisé, en partenariat avec l'association Ensemble contre la peine de mort, initiatrice de ce congrès, un séminaire scientifique qui a été l'occasion d'un débat profond et serein sur la peine de mort, sujet, a-t-il dit, qui n'est plus désormais tabou au Maroc. Les travaux de ce séminaire auquel ont pris part les membres du Conseil, des représentants des départements ministériels concernés, des parlementaires, des magistrats, des avocats et des théologiens, des représentants d'ONG et des médias, ainsi que des experts nationaux et étrangers ont permis de dégager les principales tendances et orientations qui existent au sein de la société. M. Iznasni a fait savoir que le CCDH prépare actuellement un avis consultatif tenant compte des proposions présentées lors de l'examen du code pénal à la lumière des standards internationaux. En effet, a-t-il expliqué, tout en procédant à un suivi du travail de la commission gouvernementale chargée de préparer le nouveau code pénal, l'institution nationale chargée de la protection et de la promotion des droits de l'Homme a réalisé entre octobre 2008 et mars 2009 une étude sur l'harmonisation du projet en cours avec les normes internationales des droits de l'Homme en la matière et ce dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations relatives à la mise à niveau de la politique et de la législation pénale et de la criminalisation des violations graves des droits de l'Homme, conformément aux standards internationaux. Le CCDH prépare actuellement une autre étude sur le code de la procédure civile dans l'objectif d'en assurer la conformité avec les normes internationales sur lesquelles le Conseil a une mission de veille, a-t-il dit. Le Conseil, qui a également ouvert un débat interne avec la participation d'experts sur la réhabilitation de la justice et le renforcement de son indépendance, a élaboré un mémorandum comportant des propositions relatives au renforcement de garanties constitutionnelles de l'indépendance de la magistrature, la réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature et de l'organisation judiciaire du Royaume, la révision des compétences du ministère de la justice et de la loi organisant l'institut supérieur des études juridiques, a-t-il ajouté. La réforme en cours et à laquelle SM le Roi a donné une forte impulsion en août dernier, a-t-il expliqué, s'articule autour de la consolidation des garanties de l'indépendance des magistrats sur la réforme du statut du Conseil supérieur de la magistrature, la modernisation du cadre normatif, notamment pour ce qui est de la garantie du procès équitable et la moralisation de la justice, la mise à niveau des structures judiciaires et des ressources humaines. Le Conseil est en train de débattre en ce jour même en séance plénière, a poursuivi l'intervenant, d'un projet de mémorandum en matière de bonne gouvernance sécuritaire, projet qui fixe comme principaux objectifs l'instauration d'un contrôle politique juridique et administratif sur toutes les autorités chargées de la sécurité et de la préservation de l'ordre public, l'établissement de normes et de critères de proportionnalité entre l'utilisation de la force publique dans les cas d'atteinte à la sécurité et à l'ordre publics et la préservation des droits et libertés fondamentales des individus et des groupes. Le mémorandum lie la bonne gouvernance aux autres chantiers, notamment la réforme de la justice, la révision du corpus pénal et la mise en œuvre de programmes de formation et de formation continue dans les écoles et instituts dépendant du ministère de l'intérieur. Le projet prend également en considération les recommandations de l'IER concernant la lutte contre l'impunité, a-t-il signalé. M. Iznasni a fait savoir qu'en matière d'adhésion aux conventions internationales des droits de l'Homme, le CCDH a élaboré un mémorandum adressé au Souverain incitant le gouvernement à prendre les disposions nécessaires pour la ratification de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Il a, d'autre part, évoqué, dans ce même ordre d'idées, un autre chantier ouvert dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de l'IER et qui concerne la promotion de la culture de droits de l'Homme, précisant à ce propos que le Conseil a tenu à associer dans une démarche participative tous les acteurs concernés par le thème, qui ont élaboré une plate-forme citoyenne d'éducation à la culture des droits de l'Homme. Outre M. Iznasni, des représentants du ministère de la Justice, de l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH), de l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH) et de l'Observatoire marocain des prisons ont pris part à ce congrès. Au terme de cette rencontre, les participants ont adopté une déclaration finale appelant notamment "les Etats abolitionnistes de fait à adopter des législations abolissant en droit la peine de mort". Le Congrès a aussi invité les Etats abolitionnistes à "intégrer l'enjeu de l'abolition universelle dans leurs relations internationales en en faisant un axe majeur de leur politique internationale de promotion des droits de l'homme".