La Nouvelle Orléans a toujours été le port d'attache des premiers virtuoses du jazz, un genre musical ayant vu le jour et prospéré dans cette métropole avant de se perdre dans les méandres de son expression moderne. Par Nadia El Hachimi Ce genre musical reste cependant un motif de fierté pour les habitants de la Nouvelle Orléans qui le conjuguent à toutes les "sauces": dans la rue, les sites touristiques, les parcs ou au fond d'un café. Tous les endroits sont bons pour jouer du jazz local... rien ne saurait arrêter la passion que vouent les new-orléanais à cette musique bien de chez eux. "Le jazz et le blues sont avant tout une philosophie et un état d'esprit qui côtoie le mystique. Ils sont indissociables de l'identité de cette ville", confie à la MAP, Frankie, alias "Rooster", meneur des Frankie Keys Baskin, un groupe de blues amateur très connu à la Nouvelle Orléans. Pour ce sexagénaire, qui entretient un look à la Ray Charles: lunettes noires et smoking, sans oublier le traditionnel chapeau de jazzman, "rien n'égale le plaisir de troquer sa veste du Blues pour jouer quelques notes de jazz new-orléanais et de se laisser emporter par les sons enivrants de la trompette".
+Le jazz new-orléanais, une affaire d'amateurs+ Frankie a côtoyé les plus grands tout le long de sa carrière. Louis Amstrong, Jelly Bill Morton, King Oliver, Sidney Bechet, tous ces ténors du jazz ont laissé une empreinte indélébile sur ses choix et ses préférences musicales. Entre deux prestations jazzy au Blues Club de Nouvelle Orléans, Frankie affirme que "pour rien au monde", il n'échangera l'atmosphère feutrée des clubs de la ville pour une scène plus grande. D'après lui, "le jazz et le blues appartiennent avant tout aux clubs qui les ont vu naître et aux amateurs éclairés de la vraie musique qui ne donnent pas dans le commercial". "Ce serait un affront de me lancer à la recherche du gain rapide en devenant professionnel", a-t-il renchéri, en se rappelant avec nostalgie les belles années du jazz de la nouvelle Orléans qui avaient bercé son enfance.
"A l'époque, le jazz de la Nouvelle Orléans était une ivresse, une mélancolie, le tout mélangé dans un cocktail de passions. Aujourd'hui ce courant se meurt et disparait en l'absence d'une jeune génération de jazzmen passionnés qui se vouent corps et âme à préserver cet art vieux de près de 100 ans", a-t-il regretté.
+Le Preservation Hall, lieu de la sauvegarde du Jazz new-orléanais+ Bien que ce courant musical a connu une grande mutation depuis ses premiers débuts en 1910, de rares endroits subsistent encore pour écouter du vrai jazz de la Nouvelle Orléans, comme le Preservation Hall, une institution dédiée depuis 1961 à la sauvegarde du jazz new-orléanais, face à l'apparition du jazz moderne et du rock'n'roll. Située en plein cœur du vieux Carré dans une vieille bâtisse ayant abrité depuis 1750 une résidence, un hôtel, un restaurant puis une galerie d'art, cette fondation-musée s'est attelée à préserver le jazz originel de la ville, qui se caractérise par une rythmique basée sur l'improvisation autour de la trompette et du trombone. Les fondateurs de cette institution, Allan et Sandra Jaffe, désiraient offrir aux musiciens de la Nouvelle Orléans un endroit pour jouer leur Jazz, un courant à part entière dont ils pensaient qu'il ne devait pas disparaître. Aujourd'hui, presque un demi-siècle plus tard, le Preservation Hall continue à offrir tous les soirs des représentations époustouflantes, accueillant à chaque concert les amateurs de jazz qui peuvent admirer de véritables virtuoses, octogénaires et d'autres plus jeunes, dans le but de donner un supplément d'âme à leur instrument. Son intérieur très sombre décoré de portraits en noir et blanc, représente pour plusieurs férus de jazz un panthéon, où se côtoient les génies de Louis Armstrong, Kid Ory, Jelly Roll Morton ou encore celui de Sidney Becket.