"Pouvoir écrire est une chanceàet tant que je garderai force et vie, j'écrirai". ES : Fadwa El Ghazi C'est par ces mots que l'écrivain, journaliste et fondateur de l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur, Jean Daniel, exprime toute la joie et le bonheur que lui procure encore et toujours l'écriture, lui qui fête cette année ses 90 ans. "Tout ce qui était corvée devient grâce, tout ce qui était contrainte devient joie, il n'y a pas de limite, ", a-t-il confié à la MAP en marge d'une visite au Salon International de l'Edition et du livre (SIEL) qui se tient actuellement à Casablanca. Très jeune, un de ses professeurs lui avait conseillé de ne pas chercher quoi faire dans la vie, lui prédisant que son destin serait d'écrire.Une prédiction qui s'est avérée juste puisque l'acte d'écrire pour Jean Daniel est aussi naturel que respirer. "Là où je me trouvais, j'écrivais," dit-il avec nostalgie et d'une voix à peine audible, reconnaissant que ses textes étaient parfois bons, parfois mauvais, qu'il était parfois prolifique, parfois irrégulier. Dès 1947, Jean Daniel, alors jeune lauréat de la Sorbonne, fonde Caliban, revue culturelle parrainée par Albert Camus, qu'il dirigera jusqu'en 1951, date à laquelle il entame une carrière de journaliste, dont il ne se départira plus. Evoquant la production littéraire marocaine francophone qu'il qualifie d'"extrêmement riche" Jean Daniel ne cache pas son admiration pour "Le Passé simple" de Driss Chraïbi. "C'est un grand livre pour ce qu'il est et pour ce qu'il annonçait et promettait. Je suis sûr qu'il a influencé beaucoup de Marocains et que de nombreux écrivains se sont inspirés directement de Driss Chraïbi. C'était un pionnier", dira-t-il. Figure emblématique du paysage médiatique français et auteur prolifique, Jean Daniel a aussi parlé de son dernier né "Les Miens" (Grasset, 2009), où il retrace des tranches de vie de 43 grandes figures disparues de la scène littéraire française (François Furet, Germaine Tillon, André Malraux , Jean-Paul Sartre, Michel Foucault, Jules Roy, Roger Stéphane, Maurice Clavel, Roland Barthes, Françoise Sagan, Jacques Derrida...). Pourquoi un tel livre? "C'est une façon de regrouper des souvenirs de ma longue vie... Une sorte de gratitude aux amitiés et admirations. Une récapitulation de mes plus beaux souvenirs, de mes plus épouvantables expériences : guerres, révolutions, deuils". Quelles sont les plus belles choses de la vie? L'auteur du "Soleils d'hiver" (Grasset, 2000), n'hésite point : "Ce sont les grandes amitiés. Nous sommes tous le produit de gens que l'on a aimés et admirés". Dans "Les Miens", sa mère est "centrale". "Avec la distance, j'ai une adoration pour cette femme très simple, elle avait des difficultés de lecture mais elle a fait des efforts pour me lire", se rappelle-t-il avec une note de tendresse dans la voix. Jean Daniel qui a fondé en 1964 Le Nouvel Observateur, dont il demeure aujourd'hui l'éditorialiste, a publié aussi bien des oeuvres littéraires que des essais politiques, des carnets que des entretiens. De nombreux prix ont récompensé ses écrits, notamment le prix Albert Camus pour "L'Ami Anglais" (Nouvelles, Grasset, 1994), le Prix de la Méditerranée et le Prix du Mémorial pour "Avec le temps", (carnets 1970 -1998/Grasset, 1998). Chevalier de la Légion d'honneur et Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres, Jean Daniel est le seul écrivain français à avoir obtenu le Grand Prix du Prince des Asturies.