Les agissements du pouvoir algérien pour contrarier l'émancipation du peuple libyen et l'attitude compromettante d'Alger dans le conflit libyen, confirmée par l'accueil de membres de la famille de Mouammar Kadhafi, donnent la mesure des véritables desseins de l'Algérie et du rôle "négatif" de ce pays dans la région nord-africaine. (Par Abdelghani Aouifia)
Tel est le constat fait par les médias, des centres de recherche et des experts britanniques avisés qui suivent de près l'évolution de la situation dans la région maghrébine. Depuis la confirmation par les autorités algériennes de l'entrée dans leur pays de quatre membres de la famille du dirigeant libyen déchu, les principaux titres de la presse britannique ont publié de larges commentaires, dénonçant la connivence entre les régimes autocratiques d'Alger et de Kadhafi. Ainsi, le Guardian, The Independent ou encore le Daily Telegraph, publications connues et reconnues pour la rigueur de leurs analyses et commentaires, ont dénoncé le comportement du pouvoir algérien qui, en accueillant des membres de la famille du colonel libyen, s'est mis, comme l'a affirmé le Guardian, "du mauvais côté de l'histoire".
+ L'accueil des Kadhafi, ou la confusion de la direction algérienne +
Jeremy Keenan, grand spécialiste des questions algériennes et professeur à la School of Oriental and African Studies (SOAS, basée à Londres), a expliqué dans un entretien à la MAP que l'entrée en territoire algérien des membres de la famille du dictateur déchu, montre "la confusion" qui s'est emparée de la direction algérienne depuis la chute du fief de Kadhafi de Bab Al-Aziziya aux mains des insurgés combattant sous la bannière du Conseil national de transition (CNT). Selon lui, le régime algérien a apporté, depuis le déclenchement de la révolution libyenne, un grand soutien au colonel Kadhafi. "Ce soutien consiste en équipements militaires et en produits alimentaires", a indiqué le chercheur, affirmant qu'il dispose d'"informations vérifiées que le régime a fourni des mercenaires et même des snipers aux forces loyales à l'ancien dirigeant libyen". Ce soutien s'explique par "l'angoisse" des dirigeants algériens de voir la vague de changement qui déferle sur le monde arabe "balayer" leur pouvoir, note-t-il, ajoutant qu'"une révolution démocratique en Libye représente une menace directe et sérieuse pour le régime en place en Algérie".
+ Les Algériens surmonteront-ils le "fear factor"?
Keenan a relevé que la décision du pouvoir algérien d'accueillir des membres de la famille Kadhafi risque d'avoir "un impact extraordinaire" dans la mesure où cette décision encouragerait le peuple algérien à surmonter l'angoisse qui le hante depuis la guerre civile des années 1990. Selon le chercheur, le DRS (service de renseignement algérien) "a tenté d'utiliser la menace islamiste et le spectre de la violence et de l'anarchie des années 1990 comme épouvantail pour faire peur aux Algériens et les décourager de sortir dans les rues pour demander de réelles réformes". "L'Algérie souffre de sérieux déficits économiques et sociaux, notamment la pauvreté, le chômage et la corruption", a dit Keenan, notant que ces facteurs sont suffisants pour constituer "une menace" pour le régime. Le chercheur s'est dit convaincu que "la tension s'intensifiera en Algérie dans les jours et les semaines qui viennent, avec en perspective une série de grèves prévues durant le mois de septembre". "Ces grèves avec le mauvais calcul politique et diplomatique du pouvoir peuvent conduire à un soulèvement d'envergure" dans ce pays, prévient-il.
+ La question du Sahara: les thèses algériennes perdent leur semblant de crédibilité+
Par ailleurs, le chercheur britannique, auteur de plusieurs livres sur l'Afrique du nord et la région du Sahel, a tenu à souligner qu'en soutenant l'ancien régime totalitaire de Tripoli, l'Algérie, qui a créé, abrité et soutenu le polisario, a perdu ce qui lui reste de "crédibilité". Keenan affirme que "diverses sources indépendantes ont indiqué que l'ancien régime libyen a recruté, avec la bénédiction d'Alger, plusieurs mercenaires dans les camps de Tindouf", où sont abrités les mercenaires du polisario dans le sud-ouest algérien. "Entre 300 et 400 mercenaires polisariens ont combattu pour Kadhafi", affirme l'académicien, soulignant que la chute de Kadhafi "balise naturellement le terrain pour trouver une solution à la question du Sahara". "Avec la chute de Kadhafi, le polisario perd un important soutien", note-t-il.
+Le Maghreb: une région promise à un avenir prospère +
Le chercheur de SOAS indique, par ailleurs, qu'il entrevoit "avec optimisme" l'avenir de la région maghrébine après la disparition du régime Kadhafi. Le changement qui s'opère actuellement est de bons augures pour les peuples de la région, ajoute-t-il, soulignant les pas importants franchis depuis plus de dix ans par le Maroc sur la voie du développement économique et de la démocratisation. Contrairement aux pays de la région, le Maroc entretient des relations riches et diversifiées avec l'Europe, y compris avec le Royaume-Uni, relève le chercheur, notant que ces atouts placent le Maroc en pole position dans la région. "Ces changements positifs et d'autres qui suivront ne manqueront pas de libérer les énergies de la région maghrébine qui regorge d'importantes ressources naturelles et en particulier humaines", souligne l'analyste, relevant que l'Europe ne pourra que bénéficier d'un voisinage maghrébin "libéré du joug de la dictature et prospère".