Le projet de nouvelle Constitution, qui sera soumis vendredi au référendum, installe "encore plus résolument qu'auparavant" le Maroc dans "une certaine modernité institutionnelle", estime le juriste français, Pr Frédéric Rouvillois. Le projet, dont les grandes lignes ont été déclinées dans le discours royal du 17 juin "se veut un pas supplémentaire dans la voie de la démocratisation et du parachèvement d'un Etat de droit" et confirme du même coup "ce qu'il est convenu désormais d'appeler +l'exception marocaine+", souligne ce spécialiste de droit public, dans une tribune parue jeudi au journal français +Le Figaro+. Dans son analyse du texte de la future constitution, le chercheur, membre de l'Observatoire d'études géopolitiques (OEG, France) retient, en premier lieu, "une avancée démocratique se traduisant à la fois sur un plan local -avec une décentralisation centrée sur le rôle des régions- et sur un plan national avec l'affirmation du caractère constitutionnel et parlementaire de la monarchie". Selon lui, le terme de "monarchie constitutionnelle", déjà présent dans la Constitution actuelle, signifie qu'"il s'agit d'un système organisé autour d'une norme fondamentale à laquelle doivent se soumettre toutes les institutions, bref, d'un Etat de droit", alors que le terme parlementaire, ajouté dans le nouveau texte, indique "le rôle central de la Chambre des représentants, élue au suffrage universel direct et dotée d'une légitimité démocratique". Ce terme, dit-il, suppose également l'existence d'"un gouvernement politiquement responsable devant le Parlement, un gouvernement dont le chef sera choisi par le Roi au sein du parti ayant remporté le plus grand nombre de voix aux élections législatives et qui devra recevoir l'investiture de la Chambre". Aussi, le texte établit-il un régime parlementaire "comparable à ceux de nombreux pays", souligne le chercheur. Mais, pour lui, la similitude ne s'arrête pas là. En matière de droits et de libertés, en particulier, la nouvelle Constitution "se veut audacieuse, conformément au souhait exprimé par le Roi", relève-t-il. Elle ne se borne pas, selon lui, à énumérer, longuement, les droits reconnus aux Marocains, puisqu'elle "constitutionnalise aussi un certain nombre d'organes chargés de les garantir, transforme l'autorité judiciaire en un véritable +pouvoir judiciaire+ et fait du Conseil constitutionnel une Cour constitutionnelle au caractère juridictionnel fortement affirmé". Détail "non négligeable" aux yeux du juriste français, le texte "sanctuarise les droits et libertés", en prévoyant qu'une fois reconnus ils ne pourront à l'avenir faire l'objet d'une révision. "Ils ne pourront plus être remis en cause: une disposition qui, en tout état de cause, paraît très significative de l'orientation générale de la nouvelle Constitution", commente-il. Il estime que la réforme est "tout sauf banale". Dans son contenu comme dans le contexte qui a précédé à son élaboration, on peut même y voir, selon lui, "une manifestation supplémentaire de l'exception marocaine". Elle ne saurait, dit-il, être considérée comme l'un des résultats des révoltes du printemps arabe parce qu'elle était déjà "dans les tuyaux", longtemps avant qu'il n'éclate, d'autant plus que le Maroc a été pratiquement épargné par les manifestations massives qui ont secoué les autres pays arabes, "comme ont pu le constater les médias occidentaux les plus objectifs". Il a rappelé que depuis son intronisation en 1999, SM le Roi Mohammed VI a développé "une nouvelle doctrine de l'autorité", qui s'est traduite par "l'affirmation de droits nouveaux, par la création d'instances de protection et de garantie, par la mise en place d'une législation libérale sur les partis politiques ou encore par la mise en chantier d'un vaste projet de +régionalisation avancée+". "Autant d'éléments que l'on retrouve aujourd'hui dans le projet de Constitution, qui ne représente ni une surprise, ni une révolution, mais l'accomplissement d'un mouvement initié depuis des années", relève le chercheur. De là aussi, note-il, provient, du reste, un autre élément caractéristique de cette exception: "le fait que la Constitution, parce qu'elle n'a pas été élaborée en hâte sous la pression de la rue mais longuement réfléchie, n'abandonne pas en rase campagne les pouvoirs du monarque". Ainsi, dit-il, dans le projet de nouvelle Constitution, le Souverain, "qui en est l'inspirateur et l'initiateur, conserve une place centrale". "Représentant suprême de l'Etat, arbitre, garant du bien commun et gardien des institutions, le Roi conserve les moyens d'agir, notamment en cas de blocage ou de menace, mais aussi, lorsqu'il lui apparaît opportun de faire évoluer le système", explique-t-il. "En définitive, le Roi, qui demeure +Commandeur des croyants+ - ce qui est essentiel dans un pays légitimement attaché à sa forte identité islamique-, reste le coeur agissant d'un véritable régime mixte: d'une combinaison inédite où la légitimité démocratique coexiste avec la légitimité monarchique, conformément à la tradition et aux aspirations du pays", conclut-il.