Le principe de la séparation des pouvoirs, à l'aune duquel se juge tout système démocratique, a reçu dans le projet de nouvelle constitution une consécration qui se mesure à travers un agencement judicieux et une répartition des pouvoirs traduisant un souci d'équilibre, d'efficacité et de définition claire des responsabilités. (Par Abderrahim El Haddad)
Avec comme pierre angulaire la suprématie de la Constitution (à laquelle se soumettent tous les pouvoirs), et la proclamation du principe selon lequel la souveraineté appartient à la Nation, dans le cadre du régime de monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale, la nouvelle architecture constitutionnelle apporte une clarification des attributions des différents pouvoirs, un élargissement de celles exercées par le gouvernement et le parlement, ainsi qu'une distinction explicite et circonstanciée des pouvoirs du Roi.
++ Une monarchie citoyenne, garante des fondamentaux de la Nation++
Ainsi, aux termes du nouveau texte constitutionnel, le Souverain en tant que commandeur des croyants (en charge du domaine religieux) et en tant que Chef de l'Etat, ayant des titres et des missions (exercées conformément à la Constitution) et de représentant suprême de l'Etat, est le symbole de l'unité nationale et territoriale, assure des missions d'arbitrage et se porte garant du choix démocratique et des intérêts fondamentaux du pays. La Monarchie se définit donc, dans la nouvelle Loi fondamentale, comme une monarchie citoyenne, garante des fondamentaux de la nation et assurant des missions de souveraineté et d'arbitrage suprême. En parallèle, la nouvelle loi fondamentale a rehaussé la place du chef de gouvernement, dépositaire d'un pouvoir exécutif plein, aux côtés d'un organe législatif bicaméral consacrant la prééminence de la Chambre des représentants sur la chambre des conseillers, et prévoyant un élargissement du domaine de la loi de 30 à 60 matières y compris 26 lois organiques. Le Gouvernement, émanation d'un Parlement élu, exerce ses attributions sous la direction d'un Chef de gouvernement, dépositaire d'un pouvoir exécutif plein.
++Un gouvernement aux attributions élargies++
Autre élément novateur qui satisfait aux normes démocratiques, il concerne la procédure de nomination du Chef du gouvernement, puisque celui-ci est désigné par le Roi au sein du parti arrivé en tête des élections législatives et investi par la majorité absolue de la Chambre des Représentants, devant laquelle il engage sa responsabilité. Dans cette architecture, le Chef du gouvernement n'est plus un simple premier ministre, mais un véritable meneur de l'équipe gouvernementale, disposant de l'administration, exerçant un pouvoir exécutif élargi et disposant également de prérogatives dans la nomination aux emplois civils. Le Conseil de Gouvernement devient le véritable lieu de détermination et de mise en Œuvre de la politique de l'Etat, selon le nouveau texte. Quant au domaine législatif, il relève, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, du domaine exclusif du Parlement. Il s'agit d'un Parlement à compétences renforcées, qui exerce le pouvoir législatif, vote la loi, contrôle le gouvernement et évalue les politiques publiques.
Le système demeure bicaméral, mais en consacrant la prééminence de la Chambre des représentants qui peut, elle seule, mettre en jeu la responsabilité du gouvernement, avec à ses côtés, une 2ème Chambre à effectif ramassé et à vocation territoriale comprenant également une représentation syndicale et professionnelle. Le domaine de la loi voit sa sphère élargie de 30 à 60 matières y compris 26 lois organiques, en particulier les garanties des droits et libertés, l'amnistie, le découpage électoral et les différentes sphères de la vie civile, économique et sociale . Le parlement est aussi doté de mécanismes de contrôle parlementaire importants et dont les quorums d'activation ont été assouplis: motion de censure, commissions d'enquête, saisine de la Cour constitutionnelle, provocation d'une session extraordinaire. Partant du souci d'assurer un équilibre souple des pouvoirs entre le Législatif et l'Exécutif, le nouveau texte constitutionnel fait que le Gouvernement est responsable désormais devant la seule Chambre des représentants, laquelle peut être dissoute, non seulement par le Roi dans le cadre de Ses fonctions d'arbitrage et de garantie du bon fonctionnement des institutions, mais aussi par le Chef du gouvernement par décret.
++Des garanties fondamentales constitutionnalisées au profit des magistrats++
Partant du constat que tout système démocratique ne saurait fonctionner sans un pouvoir judiciaire indépendant, la constitution érige le pouvoir judicaire en pilier fondamental dans le fonctionnement du système démocratique marocain, à la faveur des garanties fondamentales d'indépendance constitutionnalisées au profit des magistrats. Ainsi, le statut des juges sera renforcé par une loi organique avec interdiction de toute immixtion dans l'action des juges, d'injonction ou de pression dont ils pourraient faire l'objet. Le système judicaire est chapeauté par le Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire, présidé par le Roi, qui veille notamment à l'application des garanties accordées aux magistrats, avec trois traits fondamentaux apportés par la nouvelle Constitution. Celle-ci confère, en effet, la vice-présidence de ce conseil au Président de la Cour de Cassation au lieu du ministre de la Justice. Secundo, elle ouvre sa composition à des personnalités notoirement connues pour la défense de l'indépendance de la justice et, Tercio, élargit les prérogatives du conseil au-delà de la carrière des magistrats, pour englober le contrôle, l'évaluation de l'état de la justice et du système judiciaire. Ces améliorations sont sous-tendues par le souci d'entourer le fonctionnement de la justice des garanties inhérentes à la mission de protection des droits et de veille qui revient de droit à la justice, d'autant plus que la panoplie des droits que cette institution est censée protéger couvre désormais des domaines beaucoup plus étendus qui concernent au premier chef la protection des libertés individuelles et collectives mais aussi les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, etc.... La Cour constitutionnelle se voit confier par la nouvelle constitution un rôle éminemment important de régulation à travers notamment sa mission de gardienne de la constitutionnalité des lois.