Le projet de nouvelle constitution qui sera soumis à référendum le 1er juillet prochain, est porteur d'une architecture cohérente, équilibrée et novatrice s'inscrivant dans l'esprit des constitutions les plus modernes et consacrant, outre les fondements classiques des pouvoirs et leur fonctionnement, trois nouveaux piliers, à savoir les droits et libertés fondamentaux, la bonne gouvernance et la régionalisation avancée. Fruit d'une démarche participative inédite dans l'histoire du Maroc, le nouveau texte portant sur 180 articles, regroupés en 14 titres, comporte un préambule fort et plus substantiel, désormais considéré comme partie intégrante de la Constitution. Un texte qui consacre les fondements de l'identité marocaine Le projet de nouvelle constitution vient consacrer les fondements de l'identité marocaine, plurielle et ouverte, en stipulant que le Maroc est un Etat musulman souverain, attaché à son intégrité territoriale, et en réaffirmant que l'Islam est la religion de l'Etat qui garantit à tous le libre exercice des cultes. Aux termes du texte, la Nation fonde son unité sur la diversité assumée de ses affluents qui ont cristallisé son identité : arabité, amazighité, hassani, subsaharien africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. Le projet de Constitution met l'accent sur l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue. Tout en consolidant le statut de la langue arabe en tant que langue officielle et les moyens de son développement, le projet officialise l'amazighe, aux côtés de l'arabe, avec renvoi à une loi organique pour définir le processus de cette officialisation et les modalités de son intégration dans l'enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique, en prévoyant la création d'un Conseil national des langues et de la culture marocaine. Proclamant le choix irréversible de construire un Etat de droit démocratique et une société juste et solidaire, où la souveraineté appartient à la Nation qui l'exerce par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants, la nouvelle Loi fondamentale apporte la consécration constitutionnelle d'un socle solide de valeurs et de principes démocratiques, avec une séparation souple et équilibrée des pouvoirs et la suprématie de la Constitution à laquelle se soumettent tous les pouvoirs sans exclusive, en donnant la possibilité à tout citoyen justiciable de contester la constitutionnalité des lois. Ce socle de valeurs démocratiques est également basé sur la primauté de la loi, expression suprême de la volonté de la nation, et l'égalité de tous les citoyennes et citoyens devant elle, avec l'élection des représentants du peuple au sein des institutions élues, nationales et territoriales, au suffrage universel direct. Ainsi "les élections libres, sincères et transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique", une légitimité adossée au principe de corrélation entre l'exercice de responsabilités et de mandats publics et la reddition des comptes. Le texte constitutionnel assoie une organisation territoriale fondée sur la décentralisation et la régionalisation avancée, ouvrant la voie à un transfert substantiel de compétences du centre vers les régions, avec l'adoption de nouveaux mécanismes avancés de démocratie directe (droit d'initiative législative conféré aux citoyennes et aux citoyens qui disposent du droit de présenter des propositions en matière législative et droit de pétition qui permet aux citoyens de présenter des pétitions aux pouvoirs publics, aussi bien à l'échelon national qu'au niveau des régions). Consécration de la monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale Le projet de réforme constitutionnelle est fondateur d'un nouveau régime constitutionnel consacrant une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. En établissant une royauté citoyenne, garante des options fondamentales de la nation, avec missions de souveraineté et d'arbitrage suprême, le nouveau texte supprime toute référence à la sacralité de la personne du Roi, en lui substituant la notion, plus moderne, d'inviolabilité et de respect dû. Il établit également une distinction explicite et circonstanciée des pouvoirs du Roi, en tant que Commandeur des Croyants (président du Conseil supérieur des Oulémas seul habilité à émettre des fatwas officielles) et en tant que Chef de l'Etat, en fixant l'âge de majorité du Roi à 18 ans, à l'instar de tous les citoyens marocains, sachant que, la présidence du Conseil de Régence est confiée désormais au président de la Cour Constitutionnelle, avec le Chef du gouvernement comme membre (renforçant ainsi son statut dans le dispositif institutionnel du pays). La nouvelle constitution prévoit en outre une séparation et un équilibre parlementaire des pouvoirs, avec un Gouvernement émanant d'un Parlement élu, sous la direction d'un Chef du gouvernement, dépositaire d'un pouvoir exécutif effectif, et un Parlement fort, à compétences élargies, qui exerce le pouvoir législatif, vote la loi, contrôle le gouvernement et évalue les politiques publiques. Il s'agit donc d'un équilibre souple des pouvoirs entre le Législatif et l'Exécutif: le gouvernement est responsable devant la Chambre des représentants, mais le Chef du gouvernement peut dissoudre cette Chambre, par décret pris en Conseil des ministres. Le Roi, par son arbitrage, dissout les deux Chambres du Parlement ou l'une d'elles seulement, après consultation du Chef du gouvernement et des présidents des deux Chambres et le président de la Cour Constitutionnelle. Aux cotés des pouvoirs législatif et exécutif, la nouvelle Loi fondamentale consacre un pouvoir judiciaire autonome et indépendant, acquis aux normes universelles en la matière. La Nouvelle constitution établit une véritable Charte des droits et libertés fondamentaux Concernant le domaine des libertés collective et individuelles, le nouveau texte établit une véritable Charte des droits et libertés fondamentaux, ancrée au référentiel universel des droits de l'homme. Dans ce sens, est bannie toute discrimination en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue ou de l'handicap. Le texte consacre en outre la primauté des conventions internationales dûment ratifiées par le Royaume, sur le droit interne et une armature de droits et libertés, digne des sociétés démocratiques avancées à savoir : le droit à la vie, le droit à la sécurité des personnes et des biens, la prohibition de la torture et de toutes les violations graves et systématiques des droits de l'homme, la présomption d'innocence et droit à un procès équitable, la garantie de droits fondamentaux en matière de détention et de garde à vue, la protection de la vie privée et des communications sous toutes leurs formes, les libertés de pensée, d'opinion et d'expression, la liberté de la presse et le droit d'accès à l'information, les libertés de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique. Les droits économiques, sociaux et environnementaux s'en trouvent également élargis dans la nouvelle constitution avec la stipulation du droit aux soins de santé, à la protection sociale et à la couverture médicale, du droit à une éducation moderne, accessible et de qualité, le droit à un logement décent, le droit au travail et à l'appui des pouvoirs publics dans ce domaine, le droit à l'accès aux fonctions publiques et le droit à un environnement sain et au développement durable. Le nouveau texte intègre, par ailleurs, des principes forts en matière de moralisation de la vie publique et d'Etat de droit économique, avec la consécration des principes fondamentaux de l'économie sociale du marché et de l'Etat de droit économique, et l'introduction de mesures fortes pour la transparence et la lutte contre la corruption notamment la sanction de toutes les formes de délinquance en matière de gestion des fonds et marchés publics et contre la corruption et le trafic d'influence et de privilèges. Au titre de la moralisation de la vie publique, la nouvelle constitution interdit formellement la transhumance des parlementaires, aussi bien le changement d'appartenance politique que le changement de groupe ou de groupement parlementaire. Elle prévoit aussi, la constitutionnalisation du Conseil de la concurrence et de l'Instance nationale de la probité et de la lutte et prévention contre la corruption. Par ailleurs, le statut et les droits des femmes se trouvent renforcés dans le nouveau texte avec la stipulation de l'égalité entre l'homme et la femme dans les droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental et l'engagement (constitutionnel) de l'Etat marocain à oeuvrer à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Renforcement des acteurs de la démocratie : partis , syndicats, ONG société civile Les acteurs de la démocratie, de la participation et de la bonne gouvernance ont vu leur statut rehaussé aux termes de la nouvelle constitution. Ainsi le rôle central des partis politiques dans l'exercice de la démocratie se trouve valorisé de par leur concours à l'expression du suffrage et leur participation à l'exercice du pouvoir, sur la base du pluralisme et de l'alternance démocratique, leur contribution à l'encadrement et à la formation politique des citoyens. De même, le nouveau texte comporte la reconnaissance constitutionnelle d'un statut et des droits spécifiques de l'opposition (ce qui distinguerait la Constitution marocaine non seulement dans la région, mais dans le monde) et ce en lui conférant la présidence de droit de la commission en charge de la législation au sein de la Chambre des représentants, en lui garantissant un accès équitable aux médias officiels, le bénéfice du financement public et la participation effective à la procédure législative, au contrôle du gouvernement et aux commissions d'enquête parlementaires. Aux termes de la nouvelle constitution le rôle des syndicats en tant qu'acteurs de la démocratie sociale, mais aussi politique, se trouve renforcé à travers notamment leur présence maintenue au sein de la Chambre des Conseillers. De même, la nouvelle loi Fondamentale reconnait le statut et le rôle de la société civile et des ONG, en tant qu'acteurs de la démocratie participative, au niveau national et au niveau local et communautaire. Dans ce même cadre, la nouvelle constitution consacre le statut et le rôle des médias dans la promotion de la démocratie, des droits et des libertés des citoyens avec, en outre, la création de nouveaux espaces de la démocratie participative (Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique, Conseil supérieur de la famille et de l'enfance, Conseil supérieur de la Jeunesse et de l'action associative). Les nouveautés de la nouvelle constitution apparaissent également au niveau du pouvoir exécutif, émanation de la majorité parlementaire, et dirigé par un Chef de gouvernement nommé au sein du parti arrivé en tête des élections législatives. Un chef de gouvernement aux prérogatives élargies, un parlement aux pouvoirs renforcés et une justice confortée dans son indépendance Il s'agit donc d'un véritable chef de gouvernement (et non seulement d'un Premier ministre, premier des ministres). Désigné par le Roi au sein du parti arrivé en tête des élections législatives, il dirige l'action du gouvernement et coordonne le travail gouvernemental, met en Œuvre le programme gouvernemental sur la base duquel il a obtenu la confiance de la Chambre des représentants et dispose d'un contrôle effectif sur l'administration publique et les établissements publics, y compris les représentants de l'Etat au niveau déconcentré. Il nomme en Conseil de gouvernement aux hautes fonctions civiles, y compris les Secrétaires généraux et directeurs centraux des ministères et les présidents d'université. Seules les nominations à certaines hautes fonctions de nature stratégiques sont du ressort du Conseil des ministres, sur proposition du Chef du gouvernement et à l'initiative du ministre concerné. Une loi organique déterminera les principes et règles relatives à la nomination à la haute fonction publique: compétence, transparence et égalité des chances. Le Conseil de gouvernement se voit également constitutionnalisé, renforcé et mieux articulé avec le Conseil des ministres, aux termes de la nouvelle constitution qui confère à ce conseil des compétences propres (politiques publiques et sectorielles, projets de loi avant leur soumission au Parlement, en dehors des lois organiques et des lois-cadre, projets de lois de finances , pouvoir réglementaire, nominations ). Il dispose également des compétences délibératives avant la présentation au Conseil des ministres (orientations stratégiques de la politique de l'Etat, orientations générales du projet de loi de finances). La nouvelle constitution établit un parlement bicaméral aux pouvoirs renforcés et aux compétences élargies, avec octroi de la prééminence à la Chambre des représentants, à qui revient le dernier mot dans la procédure législative et qui est seule habilitée à mettre en jeu la responsabilité du gouvernement par le dépôt d'une motion de censure. La deuxième chambre dispose désormais d'effectifs plus réduits (90 à 120 membres) et de prérogatives recadrées en vue d'un fonctionnement plus fluide et efficient du Parlement (représentation des collectivités territoriales (3/5) et des syndicats et organisations des employeurs (2/5), rôle plus important de la Chambre des Conseillers en matière de collectivités territoriales, de questions sociales (droit de travail et révisions constitutionnelles). La nouvelle constitution prévoit en outre une extension du domaine de la loi (les domaines dans lesquels le Parlement est appelé à légiférer ont été substantiellement étendus à une diversité de matières nouvelles, soit plus d'une cinquantaine). Dans le nouveau texte constitutionnel, la Justice est hissée au statut d'un pouvoir autonome et indépendant, au service d'une protection réelle des droits et de l'assurance du respect des lois. La pierre angulaire de ce pouvoir est désormais le Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire, présidé par le Roi, qui veille notamment à l'application des garanties accordées aux magistrats. Ce conseil, dont la vice-présidence est accordée désormais au président de la cour de cassation (Cour suprême) au lieu du ministre de la justice, a vu sa composition élargie à des personnalités à la compétence et la réputation reconnues. Il dispose de prérogatives élargies, au-delà de la carrière des magistrats, au contrôle, à l'évaluation de l'état de la justice et du système judiciaire, ainsi qu'à la formulation de recommandations en la matière, avec une représentation des femmes magistrats en proportion de leur présence dans le corps de la magistrature. Le nouveau texte confère aux magistrats des garanties fondamentales fortes pour pouvoir agir en toute indépendance. Ainsi les magistrats du siège ne sont astreints qu'à la seule application du droit, et la loi sanctionne toute personne qui tente d'influencer le juge de manière illicite. Dans ce nouveau dispositif, la Cour constitutionnelle, assume le rôle de gardienne de la constitution, avec des innovations notamment concernant le mode de désignation de ses membres et la possibilité désormais d'être saisie par les justiciables qui contestent la constitutionnalité de textes qui leur sont appliqués. La nouvelle loi Fondamentale prévoit en outre la création d'un Conseil Supérieur de Sécurité, présidé le Souverain, qui se veut une instance de concertation sur les stratégies de sécurité intérieure et extérieure du pays, et de gestion des situations de crise. La Constitutionnalisation de la régionalisation avancée constitue également une grande nouveauté dans le texte constitutionnel. Parallèlement à la réorganisation des pouvoirs entre les institutions constitutionnelles, la nouvelle Constitution ouvre la voie à une réorganisation démocratique des compétences entre l'Etat et les régions, avec une consécration des principes directeurs de la régionalisation marocaine, en l'occurrence l'unité nationale et territoriale, l'équilibre, la solidarité et la pratique démocratique, l'élection des conseils régionaux au suffrage direct, et le transfert de l'exécutif de ces conseils à leurs présidents. Ce système est adossé à la mise en place d'un Fonds de péréquation interrégionale et d'un autre Fonds de mise à niveau sociale des régions. Enfin, la nouvelle constitution introduit la constitutionnalisation des Instances de protection des droits et libertés, de régulation et de bonne gouvernance à savoir, le Conseil national des droits de l'Homme, le Médiateur, le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, l'autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes formes de discrimination, et les instances de bonne gouvernance et de régulation. Autre nouveauté, en matière de révision partielle et limitée de la Constitution, celle-ci peut s'opérer sur la base d'un vote à 2/3 des membres composant les deux chambres réunies en congrès.