Un symposium international sur "2000 ans de vie juive au Maroc", organisé par l'Association sépharade américaine (ASF) s'est penché, lundi à New York, sur le caractère particulier de l'identité juive marocaine, analysant la relation "spécifique" qu'entretient cette communauté avec son pays d'origine. Les Juifs du Maroc ont cette particularité d'être restés attachés à leur marocanité et d'avoir perpétué cette identité aux nouvelles générations car ils ont vécu leur "judaïté dans la paix et l'harmonie", a estimé un panel qui a réuni plusieurs personnalités juives du Royaume et de la diaspora établie aux Etats-Unis, autour du thème "Les Juifs au Maroc aujourd'hui : préserver le lien". Si l'on excepte la religion et ce qui relève de la sphère privée, minorité juive et majorité musulmane ont toujours eu en partage les mêmes langues, la même culture, savante et surtout populaire, a relevé Arlette Berdugo, auteur de l'ouvrage "Juives Et Juifs Dans Le Maroc Contemporain: Images d'un Devenir". Les relations judéo-arabes, dit-elle, n'ont jamais connu de fracture irréversible: les Rois qui se sont succédés ont toujours reconnu leurs sujets juifs, devenus citoyens à part entière en 1956 comme des enfants du pays (Oulad Leblad). Pour elle, la communauté juive du Maroc offre des perspectives originales d'interprétation de la vie juive en terre d'Islam, contrairement aux autres pays du Maghreb et à ceux du Moyen Orient. Dans un monde où Arabes et Juifs se font face, profondément divisés par le conflit israélo-arabe, le Maroc reste l'un des rares pays arabo-musulmans où sa population juive vit "normalement". "Nous sommes probablement la dernière et unique communauté juive à vivre normalement dans un pays arabo-musulman", a affirmé Serge Berdugo, ambassadeur itinérant de SM le Roi, pour qui ce sont d'abord des raisons d'ordre historique qui expliquent cette réalité. "Nous sommes historiquement et légitimement liés au Maroc", a-t-il dit. Partant de cette légitimité, "nous croyons que nous pouvons contribuer à construire la paix au Moyen Orient", a-t-il estimé, car, dit-il "notre conviction est qu'à la lumière de notre histoire, nous avons notre mot à dire, parce que nous savons que le dialogue pacifique entre les Juifs et les Arabes est possible". Il a rappelé, à cet égard, le rôle de facilitateur joué par le Maroc, depuis 25 ans. "La devise de notre communauté est simple : la paix est nécessaire, la paix est possible bien que difficile, toutes les parties devraient se rencontrer, se connaître pour mieux se reconnaître, d'abord et surtout en tant qu'êtres humains". "Nous disons simplement, a-t-il dit, que toute contribution qui peut ouvrir une chance pour une paix juste et durable qui offre sécurité et dignité à toutes les parties, chacune dans son Etat, doit être encouragée". Et de former le voeu que "le judaïsme marocain, au Maroc, et ailleurs puisse jouer un rôle dans le rétablissement de la paix des coeurs et de la confiance pour construire la paix véritable à venir". Bien que réduite aujourd'hui à quelque milliers dans le Royaume, cette population ne s'est jamais considérée comme "une communauté résiduelle", a-t-il affirmé. Bien au contraire, ses membres forment "une communauté matricielle, gardienne de l'héritage culturel et civilisationnel du judaïsme marocain, témoin des valeurs et de la culture, de l'art de vivre et d'un projet d'avenir", a souligné M. Berdugo. La question qui se posait alors, était de savoir, non seulement, "pourquoi certains étaient partis", mais également "pourquoi nous sommes restés". "Ils nous a fallu comprendre ce qui nous était arrivé mais nous devions également réapprendre à vivre ensemble et construire une nouvelle communauté" laquelle après, dix ans de refondation, a repris attache avec sa diaspora, a-t-il poursuivi. "Notre éthique de base et ligne politique se résumait en deux points : être des citoyens marocains loyaux et fidèles, sans aucun compromis sur notre identité juive". Ces deux credo ont aujourd'hui démontré leur pertinence à tel point que le modèle des Juifs marocains est cité en exemple, à travers le monde, a-t-il ajouté. Tout cela a été rendu possible grâce à la bénédiction de "nos Souverains", le soutien de la société marocaine et l'aide de l'administration marocaine à travers son action de longue date dans la préservation et la restauration du patrimoine Juif matériel et immatériel, a relevé M. Berdugo, faisant observer le "profond respect pour nos lieux saints". Il a, à cet égard, rappelé la ferme volonté royale de "toujours maintenir les liens avec toutes les composantes de la Nation où qu'elles se trouvent" et l'attitude de larges secteurs de la société marocaine envers les Juifs marocains d'ici et d'ailleurs". Mais au delà de tout, la raison pour laquelle le "Maroc est si cher à nos coeurs c'est qu'au plus profond de notre mémoire, quand nous avons grandi là-bas, nous gardons le souvenir d'avoir pu vivre notre judaïté dans la paix et l'harmonie", souligne Rabbi Raphael Benchimol de la Congrégation Sépharade de Manhattan qui a vécu son enfance à Rabat. "Vous pouvez quitter le Maroc, mais le Maroc ne vous quittera jamais". Malgré l'incident malheureux qui a eu lieu à Marrakech il y a quelques semaines, a dit Rabbi Benchimol en référence à l'attentat de l'Argana, le Maroc est un "pays sûr que vous pouvez visiter et ainsi vous connecter à cette tradition vieille de 2000 ans". M. Benchimol qui s'est rendu récemment dans le Royaume n'a pas "une seule fois" eu un sentiment d'insécurité. "Jamais, ni moi, ni le groupe qui m'accompagnait n'avons ressenti, à aucun moment, une absence de tolérance religieuse ou de liberté. Bien au contraire, nous nous sommes toujours sentis en sécurité que cela soit pendant nos prières ou lors des visites effectuées dans les sites sacrés juifs". Les citoyens musulmans de chacune des villes visitées étaient "polis, courtois et respectueux de nos traditions", a-t-il souligné. Cette liberté religieuse et la liberté dont nous avons bénéficié en tant que Juifs au Maroc "nous ont permis de prospérer en tant que communauté juive, de préserver nos riches traditions et patrimoines, et également de compter parmi notre communauté quelques unes des personnalités juives parmi les plus éminentes" notamment au plan religieux. Jacky Kadoch, président de la communauté juive de Marrakech-Essaouira, est lui revenu sur la Haute sollicitude royale, à la suite des évènements de Marrakech et appelé les jeunes générations de Juifs marocains "à maintenir le lien avec leur pays d'origine". Ce symposium clôture une manifestation inaugurée début octobre, avec pour objectif de valoriser un patrimoine commun à plus d'un égard (historique, religieux et culturel) grâce à la cohabitation entre diverses cultures et religions.