Prise d'assaut de toutes parts, l'Afrique du sud ne cesse de claironner, sur tous les tons et tous azimuts, ses assurances aux visiteurs du pays hôte du prochain Mondial (11 juin/11 juillet), en minimisant les craintes sécuritaires dans un contexte de plus en plus tendu, à 140 jours du coup d'envoi. .-Par Houcine Maimouni-. En effet, les organisateurs de la première Coupe du monde en terre africaine n'ont pas tardé à minimiser l'impact éventuel sur le Mondial de l'attaque meurtrière ayant visé, il y a deux semaines, le bus de la sélection togolaise au moment où les "Eperviers" se rendaient en Angola pour la Coupe d'Afrique des nations (CAN-2010, du 10 au 31 janvier). A la veille de son départ pour Luanda, où il a pris part à la cérémonie d'ouverture de la 27-ème édition de la CAN, le président Jacob Zuma a indiqué que "l'attaque choquante et inacceptable contre l'équipe togolaise ne doit pas être surestimée, mais qu'elle doit servir de motivation pour que l'Afrique et le reste du monde travaillent encore plus pour l'élimination du terrorisme". Par la même occasion, le chef de l'Etat sud-africain n'a pas omis de souligner que son pays "reste à 100 pc prêt à accueillir la Coupe du monde et rejette les spéculations selon lesquelles l'incident angolais aurait un impact sur le tournoi mondial en Afrique du sud". Dans le même ordre d'idées, le président de la Fédération internationale de football (Fifa), Joseph S. Blatter a qualifié cette attaque de "situation terrible (qui) ne saurait faire oublier que le football africain a écrit de très belles pages de l'histoire du football mondial. Il est également le berceau de purs joyaux du football". Dans une lettre adressée au président de la CAF, Issa Hayatou, le président de la Fifa a indiqué que l'Afrique "accueillera bientôt sur son sol, pour la toute première fois, la Coupe du monde de la Fifa, ce qui est lui rendre justice. J'ai confiance en l'Afrique et c'est fort de cette confiance que nous organiserons ensemble la compétition phare du football mondial en 2010". Depuis, les réactions du Comité local d'organisation (LOC) se poursuivent et se ressemblent avec, parfois, des signes patents de nervosité, qui cachent mal la frilosité de leurs auteurs à l'encontre de critiques formuées autant par les médias locaux qu'étrangers, que par des responsables des fédérations des équipes qualifiées au Mondial. .+Le LOC multiplie les signes de nervosité+. Ainsi, en est-il de cette réaction du Directeur exécutif du LOC, Danny Jordaan qui s'en est pris, il y a une semaine, au président de la Fédération allemande de football Reinhard Rauball pour avoir préconisé "une prise sur les questions de sécurité" au lieu de "simplement dire que l'Afrique du sud est différente de l'Angola". "Je suis étonné par ses commentaires surtout qu'il est membre du Comité d'organisation du Mondial. Au mieux, il aurait pu m'appeler pour obtenir les faits. Ses commentaires faisant le lien entre ce qui s'est passé en Angola et nos préparatifs de la Coupe du monde sont malheureuses et, au mieux, illogiques et non informées", lui a sèchement rétorqué le chef du LOC dans un communiqué. La veille encore, le président du même LOC, Irvin Khosa a déclaré à la radiodiffusion publique "SABC" qu'il soupçonnait des pays "concurrents" à l'Afrique du sud de se tenir derrière les questions soulevées autour de la sécurité du Mondial, de crainte de perdre des touristes. "Je soupçonne que ce sont des concurrents de l'Afrique du sud qui créent ce message négatif pour dissuader les gens de venir dans ce pays voir la beauté pour la première fois", a-t-il affirmé, tout en appelant ses compatriotes à communiquer le message de la confiance "parce que nous sommes sûrs de ce que nous faisons". A peine voilée, cette déclaration intervient au lendemain de l'annonce faite par une entreprise britannique portant sur la mise en vente de gilets pare-couteaux au profit des fans du Mondial, une initiative immédiatement condamnée par un porte-parole du LOC comme étant "abominable" et ne visant qu'à "se faire de l'argent en jouant sur les peurs des gens". Pis encore, deux journalistes de la chaîne locale e-TV ont reçu, mardi, une "citation à comparaître", dans une semaine, devant un tribunal de Johannesburg, pour avoir diffusé, vendredi dernier, une interview avec deux suspects criminels qui avaient menacé de s'en prendre aux touristes étrangers lors de la Coupe du monde. Le ministre de la Police, Nathi Mthethwa a accusé la chaîne de diffuser "un enregistrement (qui) constitue un sensationnalisme gratuit et crée un climat de peur et d'hystérie", tandis que le Congrès national africain (ANC, au pouvoir depuis 1994) l'a appelée à faire "un acte honorable" en retirant l'enregistrement incriminé. Enième développement de cette affaire, un individu suspecté d'avoir facilité les contacts entre la chaîne et les deux criminels présumés se serait donné la mort, mardi chez lui à Soweto, une version à laquelle la famille de la victime ne veut pas croire, sachant que des traces de poison à rats ont été découvertes dans sa chambre, en plus d'une note écrite mentionnant le nom d'un journaliste de la chaîne e-TV. .+Le Mondial et la menace terroriste+. Qu'à cela ne tienne, mais au-delà de la bataille des médias, l'ambassade américaine à Pretoria a souligné, la semaine dernière, l'impératif pour l'Afrique du sud de renforcer les mesures de sécurité pour parer à toute éventuelle attaque terroriste, relevant que "les Etats-Unis considèrent la sûreté et la sécurité de toutes les équipes et des fans de la Coupe du monde 2010 comme étant critiques au succès du tournoi". Dans un communiqué posté sur son site Internet, l'ambassadeur US a soutenu que "chaque fois qu'une attaque terroriste se produit à l'étranger, les agences américaines analysent la situation afin d'améliorer les pratiques en cours et de prévenir des attaques éventuelles". "Alors que la criminalité et la sécurité seront les préoccupations majeures de la Coupe du monde, comme elles le sont pour les événements sportifs de par le monde, les Etats-Unis s'associent activement au gouvernement sud-africain pour s'attaquer à ces inquiétudes", a encore expliqué l'ambassadeur américain, ajoutant que son pays travaille avec les agences sud-africaines de sécurité et des entités d'autres gouvernements pour "s'assurer que les mesures de sécurité appropriées sont mises en place pour la Coupe du monde". Après avoir fait état de rencontres fréquentes avec des représentants des agences américaines pour discuter des questions relatives à la sécurité, sur les plans nationaux et régionaux, y compris la sûreté de l'équipe US et des visiteurs américains, il a estimé que "la coopération étroite entre nos deux gouvernements est un fondement solide pour ce qui promet d'être un événement sportif de premier ordre mondial". Le même jour, un influent think-tank sud-africain a mis en garde contre une éventuelle "attaque terroriste" qui, faisant usage de l'Afrique du sud en tant que plate-forme, viserait une cible occidentale en vue d'en amplifier l'impact à la faveur de la présence des médias internationaux. La menace à laquelle le Mondial sud-africain est confronté "s'articule autour de la possibilité pour un mouvement aligné à Al Qaida d'utiliser le tournoi en tant que plateforme à partir de laquelle il lancerait une attaque contre une cible occidentale en Afrique du sud", a expliqué Frans Cronje, directeur exécutif adjoint de l'Institut sud-africain des relations entre les races (Saiir). Il a également prévenu que "toutes les conditions qui rendraient possible et attractive une attaque terroriste d'Al Qaida convergent nettement vers la Coupe du monde", précisant qu'avec l'arrivée d'entre 300 mille et 500 mille visiteurs en Afrique du sud pour le Mondial, qui sera suivi par plus de deux milliards de spectateurs, et la présence des représentants de chaînes de télévision et d'agences de presse internationales "pourrait grandement amplifier l'impact de n'importe quelle attaque". L'Institut a aussi soutenu que "les risques communément associés à la Coupe du monde en Afrique du sud, y compris la criminalité, le manque d'hébergement et la faiblesse des infrastructures de transport, n'influeront pas négativement sur le tournoi". "Mais le terrorisme international n'est pas quelque chose sur lequel nous avons la capacité d'exercer un contrôle. En plus, un des atouts les plus efficaces dont disposerait tout groupe terroriste consisterait à convaincre sa prochaine cible qu'elle n'est plus en danger", a prévenu l'Institut. L'attaque meurtrière contre le convoi de la sélection togolaise à Cabinda (nord de l'Angola), a ravivé les craintes et les doutes sur la sécurité du prochain Mondial en Afrique du sud, qui peine déjà à se débarrasser de l'image d'un des pays les plus dangereux au monde avec une moyenne quotidienne de près de 50 meurtres.