Le débat sur les bonus bancaires a refait surface en Grande-Bretagne sur fond de craintes qu'un retour de cette pratique, désignée comme l'une des causes de la grave crise financière de 2008, n'accentue une tension sociale qui monte dans ce pays toujours en proie au marasme économique. -Par Abdelghani Aouifia- Mardi, le ministre de l'Economie et des Finances, George Osborne, a mis en garde les banques que son gouvernement n'écarte aucune mesure contre les institutions financières qui refusent d'agir sur cette question. La mise en garde intervient au moment où la presse rapporte que les cadres supérieurs de certaines banques devront toucher des bonus se chiffrant au total à 7 milliards de livres Sterling cette année. +Le gouvernement de coalition divisé+ Depuis la fin de 2010, le gouvernement de coalition, qui se prépare à mettre en œuvre un large programme d'austérité dès le mois d'avril prochain, a multiplié les appels à l'adresse des banques, les exhortant à contribuer aux efforts de redressement économique à travers un renforcement du financement de l'économie qui peine toujours à renouer avec la croissance d'antan. Pour le gouvernement de coalition conservateur/libéral-démocrate, il est inacceptable que le peuple britannique fasse des sacrifices en termes de niveau de vie au moment où les banques continuent de verser des bonus à leurs cadres. Le parti libéral-démocrate se montre plus virulent dans ses critiques contre les banques britanniques par rapport à son partenaire conservateur. Les libéraux-démocrates appellent les banques à faire montre, comme l'affirme leur chef et vice-Premier ministre Nick Clegg, de "retenue et de tact" pour améliorer leur relation avec l'Etat. D'après la presse londonienne, le parti conservateur, qui dirige le gouvernement, hésite à adhérer à l'approche jugée plus radicale des libéraux-démocrates. L'opinion publique demeure, quant à elle, irritée par les informations rapportées par la presse, en particulier au sujet des patrons de certaines banques, où l'Etat est majoritaire, qui devront percevoir des bonus qualifiés de "ridiculement élevés". Les députés de la chambre des Communes (chambre basse du parlement de Westminster) ne sont pas restés indifférents à ce débat sur une question qui risque d'aliéner davantage l'opinion publique en ce temps de crise. Plusieurs députés, y compris ceux du parti libéral-démocrate, ont appelé le gouvernement à faire montre de plus de rigueur dans le traitement de ce problème. L'opposition travailliste a tenté de capitaliser sur les divisions au sein de l'équipe dirigeante, l'accusant d'avoir perdu la bataille contre les banques, chose que la primature rejette en vrac.
Downing Street affirme qu'il "n'a pas jeté l'éponge" et que le gouvernement poursuivra les efforts pour barrer la voie à un retour de la culture des bonus, même si le Premier ministre, David Cameron, se contente, dans ses sorties médiatiques, d'exhorter les banques à "payer moins de bonus que l'année dernière". Le chef du gouvernement a même critiqué les chiffres avancés, dans ce contexte, par la presse, les qualifiant de "simples spéculations". Pour lui, le secteur financier "est un bouc émissaire" et ne doit pas être pris pour responsable de la crise financière qui a frappé le Royaume-Uni. Le parti travailliste, sous la houlette duquel l'Etat britannique avait déboursé en 2008 et 2009 des milliards de livres Sterling de l'argent du contribuable pour sauver certaines grandes banques du pays d'une faillite qui semblait inévitable, a appelé le gouvernement à doubler la taxe imposée aux bonus. La taxe, introduite par les travaillistes mais remplacée par l'actuel gouvernement par un impôt sur le bilan, avait permis de récolter 3,5 milliards de livres Sterling, a indiqué Ed Miliband, chef du labour. Pour lui, une réduction substantielle de cette taxe, prévue par le gouvernement vers la fin de 2011, est une mesure "injuste" au moment où le pays subit toujours les conséquences de la crise de 2008. +Opposition des gros calibres de la City+ Par ailleurs, les principales banques de la City (quartier financier de Londres) rejettent les appels de la classe politique et refusent de renoncer à ce qu'elles considèrent comme "un droit". Lors d'une audition devant les Communes, Bob Diamond, patron de la puissante Barclays Bank, a lancé devant les représentants de la nation britannique que les bonus étaient une pratique intrinsèquement liée à l'activité bancaire, véritable locomotive de l'économie du Royaume-Uni. D'après lui, ces bonus demeurent le meilleur moyen de maintenir les meilleurs experts financiers à Londres au moment où le monde connait l'émergence de nouveaux concurrents redoutables comme la Chine. Face à cette situation, des experts financiers, cités par le quotidien des milieux d'affaires "The Financial Times", ont plaidé pour une action mondiale contre les bonus. Ils argumentent que les approches nationales ne seront pas suffisantes pour contenir une pratique qui s'est avérée périlleuse pour la stabilité de l'économie globalisée.