Une décision controversée de la ville catalane de Vic (Nord-est de l'Espagne), portant sur l'interdiction de l'inscription au registre municipal des immigrés en situation irrégulière, a relancé le débat en Espagne sur l'immigration, un sujet de plus en plus polémique dans ce pays. -Par Taoufik Ennassiri- Après la nouvelle loi sur les étrangers adoptée fin 2009, la question de l'immigration en Espagne est projetée, encore une fois, au devant de l'actualité avec cette décision de la municipalité de Vic qui compte conditionner, à partir de février prochain, l'inscription des immigrés en situation irrégulière sur son registre à la justification d'un visa ou d'une demande de renouvellement du titre de séjour, une démarche pourtant contraire à la loi.
-UNE DECISION QUI TRANSGRESSE LA LOI ESPAGNOLE- En effet, cette initiative transgresse la loi espagnole relative aux régimes locaux stipulant que toute personne vivant en Espagne a le droit de figurer sur le registre municipal de la ville où il réside, abstraction faite de sa nationalité ou de sa situation administrative. L'inscription sur le registre municipal en Espagne est nécessaire notamment pour s'inscrire à l'école et bénéficier des services offerts par le système de santé publique ou de l'aide sociale. C'est, justement, le caractère illégale de cette décision qui a provoqué une avalanche de critiques contre Vic, une municipalité gouvernée par une alliance des trois principaux partis de la Catalogne, Convergence et Union (CiU-nationalistes), le Parti socialiste catalan (PSC) et Esquerra republicana de Catalunya (ERC-Gauche), et dont 24 pc de la population est issue de l'immigration. Le Conseil national des barreaux d'Espagne a publié, à ce sujet, un communiqué dans lequel il affirme "qu'aucune loi n'oblige les ressortissants étrangers à prouver que leur résidence en Espagne est légale" pour être inscrits sur les registres municipaux. -UN PROJET CRITIQUE PAR LE GOUVERNEMENT ET L'OPPOSITION- Le projet de la petite ville de Vic n'a pas laissé indifférent le gouvernement espagnol, dont plusieurs membres l'ont critiqué notamment sa première vice-présidente, Maria Teresa Fernandez de La Vega, qui a indiqué, vendredi au terme du Conseil des ministres, que les services juridiques de l'Etat interviendront si jamais cette décision venait à être mise en application. Le Parti Populaire (PP-Opposition) a dénoncé également cette décision, mais a demandé au gouvernement une réforme et un durcissement de la loi sur les étrangers, critiquant, du même coup, la politique migratoire de l'exécutif socialiste. Le leader du PP, Mariano Rajoy, a estimé que cette situation est le résultat de la politique "démagogique" du gouvernement en matière migratoire, en référence aux régularisations massives des sans-papiers adoptée par le Parti socialiste ouvrier espagnol après son arrivée au pouvoir en 2004. L'initiative de Vic a suscité, bien entendu, l'indignation des associations de protection des droits des immigrés et des ONG des droits de l'Homme qui ont unanimement critiqué cette décision jugée "xénophobe" et qui tend, selon eux, à consacrer le constat que les immigrés sont les premières victimes de la crise économique en Espagne. C'est le cas notamment de l'Association des travailleurs et immigrés marocain en Espagne (ATIME), de SOS Racisme et du Réseau européen contre le racisme qui ont appelé au respect de la loi, tout en demandant au gouvernement espagnol d'intervenir pour obliger la municipalité de Vic à se rétracter. Les immigrés en situation irrégulière résidant à Vic, qui souffrent déjà de la montée du chômage due à la crise économique, vivent ces jours-ci dans la crainte qu'une mise en application de cette décision n'empire leur situation en les privant de services essentiels pour leur survie. Une autre inquiétude, celle d'un "effet contagion" qui pousserait d'autres conseils municipaux à adopter de pareilles décisions, se fait ressentir chez la population immigrante en Espagne, pays en passe de devenir une terre inhospitalière pour les immigrés.