Le mois de ramadan est associé chez les habitants de la ville de salé à un grand nombre de manifestations, de rituels et de valeurs spirituelles qui ont résisté à l'évolution sociale et économique de la ville. - Par Thami Elam - Chez les habitants de la vieille ville les préparatifs du mois saint commencent par un grand nettoyage. Les murs des maisons et des quartiers sont entièrement repeints et donnent un air de fête à la ville. C'est ainsi que les Slaouis se préparent à laisser de côté leurs habitudes et se concentrer sur les valeurs spirituelles du mois de ramadan. Le passage de l'habituel au spirituel commence par la célébration de "chaâbana", rituel qui d'après le metteur en scène Abdel Majid Fenish, enfant de la vieille ville, débute à la mi-chaâban. C'est à cette période que les slaouis doivent abandonner un modèle d'expression qui leur est propre mais qui ne convient pas au mois saint. La célébration de "chaâbana" commence par des soirées religieuses de dikr et de lecture du coran proposées par des "fkarates". Les hommes quant à eux profitent du Melhoune et de la musique andalouse dans les champs avant d'effectuer une longue virée en barque sur le fleuve Bouregreg. Les préparatifs pour le mois saint, a précisé à la MAP M. Fenish, sont intenses durant le mois de chaâban. Les Zawiyas et les Darihs sont très visités et les familles slaouies commencent à préparer les mets spécifiques au mois saint. Pour Hajja Fatima , habitante de l'ancienne ville, les odeurs des épices, du beurre, du safran et autres ingrédients, ainsi que le parfum du miel et du sucre qui composent la "Zamita" envahissent les ruelles et les maisons. La table du premier Shour est uniquement ornée de fruits secs dans la vieille ville de salé ainsi que de "Mchouder" qui est un pain sec, frit avec des œufs et du lait. Quant au Ftour, il diffère d'une famille à une autre. Si certaines garnissent leurs tables de Harira et de plats chauds, d'autres préfèrent rompre le jeûne avec de la soupe en attendant de dîner après la prière du "Ichae". LA GRANDE MOSQUEE DE SALE, UN LIEU DE PRIERES ET DE RENCONTRES La grande mosquée de Salé a conservé, malgré le temps, les habitudes et les rituels des habitants de la ville durant le mois de Ramadan. Elle est un lieu de prières et de rencontres. Après chaque prière du Asr, les Slaouis s'y donnent-rendez vous pour une lecture groupée du saint coran. Un rituel unique qui attire vers cette mosquée les habitants, non seulement, de Salé mais aussi des villes voisines qui viennent par centaines assister à des après-midis et à des soirées religieuses. Pour ce qui est de l'initiation des enfants au jeûne, celle-ci se fait par le "tekhyat" un moyen de les encourager lors de leurs premières tentatives. En somme les enfants ne jeûnent que la moitié d'une journée "cousue" à une autre moitié. Au bout de deux jours ils auront ainsi "jeûné" une journée complète. Durant les années 70 et pour fêter le premier jour de jeûne, les garçons mettaient leurs plus beaux atours et avaient droit à une table spécialement dressée sur un puits. Les filles quant à elles étaient habillées telles des mariées pour rendre visite à leurs familles. Pour certaines familles de salé, la mi-ramadan et la nuit sacrée "laylat al kadr" sont aussi importantes l'une que l'autre. Ces deux occasions représentent pour les Slaouis un moment propice pour se purifier l'âme et l'esprit. Ils ne quittent pas, de ce fait, la mosquée de la prière du "Ichae" à la prière du "Sobh". Cependant, comme dans beaucoup d'autres villes, seules quelques familles slaouies entretiennent encore et toujours ces habitudes ancestrales, explique Abdel Majid Fenish. La ville est aujourd'hui un melting-pot de cultures depuis que des familles provenant de toutes les régions du royaume s'y sont installés et y ont apporté leurs habitudes et leurs rituels. Salé, qui a vécu une évolution socio-économique importante, connaît dorénavant de nouvelles manifestations ramadanesques dans les rues, les cafés et les places publiques enrichissant ainsi les rituels du mois de Ramadan.