Le Directeur exécutif de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), M. Antonio Maria Costa, s'est dit, mercredi à Washington, "très préoccupé" par l'implication d'Al-Qaeda dans le Maghreb Islamique (AQMI) dans le trafic de la cocaïne sud-américaine vers l'Europe. Par Fouad ARIF "Nous sommes très préoccupés par le fait que nous disposons encore une fois de preuves attestant de la collusion entre le trafic de drogues et le terrorisme", a souligné le responsable onusien dans une déclaration à la MAP, en marge de la présentation du rapport 2010 de l'ONUDC sur le trafic de drogues dans le monde, tenue au National Press Club de la capitale fédérale US. M. Antonio Maria Costa a tenu à préciser que "les routes du trafic de la cocaïne sud-américaine passe par des territoires sahéliens contrôlés, à des degrés différents, ou marqués par la présence de la franchise d'Al-Qaeda dans le Maghreb", notant que cette situation, qu'il a qualifiée de "très grave", "on la retrouve également dans les régions de l'Asie de l'ouest, des Andes et dans les Balkans".
Constat étayé par des experts et think tank US de renom". Michael Braun, un ancien responsable des opérations au sein de l'Agence anti-drogue US (DEA), avait récemment soutenu que AQMI, dénomination que porte le "Groupe salafiste algérien pour la prédication et le combat", (GSPC) depuis son allégeance à l'organisation d'Oussama Ben Laden, "n'est pas uniquement une organisation terroriste, mais également une puissante organisation criminelle". Ce groupe, a-t-il tenu à préciser, "est motivé par le goût du lucre que ce soit en dollar ou en euro". Pour cet expert en matière de lutte anti-drogue, "il n'y a aucun doute sur les liens et convergences d'intérêts entre AQMI et les forces armées révolutionnaires colombiennes, ainsi qu'avec les puissants cartels mexicains et colombiens". Il s'agit là "d'un mélange détonnant" de plusieurs menaces, a-t-il mis en garde, appelant "à ne pas les sous-estimer pour ne pas avoir à en payer le prix ultime". Un récent article du "Los Angeles Times" avait souligné qu'Al-Qaeda au Maghreb Islamique a étendu son contrôle sur le "trafic juteux" de cocaïne transitant par la région du Sahel, en vue de financer ses opérations contre des cibles occidentales.
La publication, qui cite des enquêteurs occidentaux, relève qu'AQMI "s'autofinance notamment en offrant sa protection et en acheminant des cargaisons de drogues le long des routes de la contrebande" dans le vaste désert sahélien pour être écoulées en Espagne et en Italie. Là où le "Los Angeles Times" parle de "collusion" entre AQMI et les réseaux des narcotrafiquants transnationaux, le Centre international des études sur le terrorisme, basé à Washington, évoque des "liens préoccupants et de plus en plus forts" entre ce groupe terroriste et les narcotrafiquants latino-américains. Le "Los Angeles Times" fait remarquer à cet égard que l'extradition, en décembre dernier, du Ghana vers les Etats-Unis, de trois trafiquants de drogue d'origine malienne en vue d'être poursuivis pour tentative de mise en place d'un réseau en Afrique pour le compte d'Al-Qaïda et de la guérilla des FARC en Colombie, représente la première affaire criminelle sur le sol américain à faire un lien direct entre ce réseau terroriste et le trafic international de drogue. Les trois personnes extradées sont accusées de narco-terrorisme et de complot en vue de soutenir des organisations terroristes étrangères, selon le parquet fédéral de New York, pour qui cette affaire montre "l'émergence d'alliances entre Al-Qaeda et les réseaux internationaux de trafic de drogue". "Nous étions conscients de cette situation depuis longtemps, mais il s'agit là de la première action tangible que nous avons entreprise en vue de contrer" cette menace, souligne Rusty Payne, porte-parole de l'Agence antidrogue américaine, DEA, en allusion à l'extradition de ces trois individus. Rappelons que les Etats-Unis avaient récemment maintenu la désignation d'Al-Qaida au Maghreb islamique en tant qu' "organisation terroriste étrangère" conformément à la section 219 de la loi sur l'immigration et la nationalité. Cette décision, annoncée en octobre dernier par le Département d'Etat, avait été prise en consultation avec le Département de la Justice, le Département du Trésor et d'autres agences américaines spécialisées. Le Département d'Etat avait, par ailleurs, relevé qu'AQMI a élargi le rayon de ses opérations au-delà du territoire algérien en intensifiant ses attaques au nord du Mali, au Niger et en Mauritanie.