En raison des besoins de main d'œuvre et des nombreux départs à la retraite, le gouvernement du Québec a prévu 700 000 emplois à pourvoir en 2011. Lancé dans cette perspective, le « Pacte pour l'emploi » est destiné à inciter les chômeurs et les prestataires de l'aide sociale à acquérir une nouvelle formation et à retourner sur le marché du travail. Sa visée est aussi de « lever les obstacles à l'embauche des nouveaux arrivants », le Québec comptant augmenter le seuil d'immigration de 45 000 à 55 000 en 2010. L'enjeu est de taille. L'annonce pourrait réjouir plus d'un candidat à l'immigration. Mais d'ores et déjà on peut relever un obstacle majeur : les dimensions de la xénophobie et du racisme dans l'emploi. Le calvaire de Nacer Le cas récent de Nacer X., un Québécois d'origine marocaine qui réside à Montréal depuis 20 ans, est emblématique. Il montre les incohérences d'un système qui n'arrive pas à intégrer ses immigrants. Car les chiffres sont éloquents : au sein de la population québécoise, la proportion du chômage chez les Maghrébins d'origine et les Noirs est de 29 %, comparativement à un taux général de 7 %. Père de famille, Nacer X. a 50 ans. Prestataire de l'aide sociale, il s'est inscrit en septembre 2008 dans un programme de formation de deux mois d'agent de sécurité privée subventionné par Emploi-Québec, l'agence gouvernementale qui offre des services en insertion professionnelle. Il se retrouve à la fin de son programme de formation sans stage, le stage non rémunéré de deux semaines faisant partie de la formation. Dans les faits, les 6 étudiants noirs et les 3 étudiants arabes qui constituaient plus de la moitié de la promotion, n'ont trouvé ni stage ni emploi, contrairement aux 8 étudiants québécois blancs. Le centre de formation se vantant « d'une relation privilégiée avec les agences de sécurité » et d'un taux de placement de 100 %, le groupe d'étudiants noirs et arabes s'est senti en droit de s'interroger sur cette situation. Le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité Sociale (MESS) questionne-t-il l'école et ses pratiques quand certains étudiants subventionnés ne trouvent pas d'emploi ou de stage et qu'ils sont tous Noirs ou Arabes ? Est-il normal que des subventions continuent à être versées à ces centres de formation dont seuls les Québécois de souche bénéficient en définitive ? Le racisme dans l'emploi se perpétue, avec l'investissement financier du gouvernement. Il y a de très nombreux immigrants dans la situation de Nacer X. Celui-ci, appuyé par le CRARR, un organisme de lutte contre le racisme, n'a pas trouvé d'autres moyens de faire valoir ses droits qu'en déposant une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. A l'évidence, Nacer X. et sa famille suivent un parcours de pauvreté. Cependant, les programmes de lutte contre le chômage et la pauvreté ne sont pas adaptés à la réalité des populations immigrantes, qui recoupent en grande partie les groupes victimes du racisme. La lutte contre le racisme conjointe à la lutte contre la pauvreté Une étude, présentée en 2008 à l'ACFAS par les sociologues Rachad Antonius et Jean-Claude Icart, souligne l'existence de profils de pauvreté très nettement différenciés, selon qu'on soit immigrant ou non. La pauvreté dans la population d'origine immigrée est corrélée à des ménages biparentaux ou à des personnes au capital culturel élevé, mais le gouvernement élabore ses programmes de lutte contre la pauvreté et le chômage d'après un « profil type », relatif à la majorité québécoise, selon lequel la pauvreté est associée à des familles monoparentales et à des personnes peu scolarisées. Les programmes de redistribution établis sur ce diagnostic contribuent donc à l'exclusion systémique d'une partie des personnes résidant au Québec. Il en va de même des programmes d'intégration. Si le Ministère de l'Immigration et des Communautés Culturelles (MICC) considère l'existence d'un processus d'exclusion ou de disqualification des immigrants récents dans son plan d'action 2008-2013 « La diversité : une valeur ajoutée », l'aménagement des politiques du MESS renvoie, en dernière instance, à la responsabilité de chacun de sortir de sa condition de sans emploi. Ainsi, sur le site d'Emploi-Québec, le MESS met à disposition des outils de « simulations de revenus » grâce auxquels « le prestataire de l'aide financière de dernier recours » peut se figurer « les avantages financiers à suivre un cheminement le menant à intégrer le marché du travail ». En somme, les barrières qui empêchent l'individu de se sortir du non emploi seraient celles qu'il s'imposerait lui-même. On voit ici que la situation vécue de discrimination et de racisme est aggravée par les préjugés existant à l'égard des personnes sans emploi, comme si elles voulaient s'installer dans la pauvreté. Au regard des prévisions, on réalise l'enjeu social, culturel et économique de l'intégration en emploi des nouveaux arrivants. Sachant qu'une proportion importante des immigrants récents fait partie des minorités visibles ; que, d'ici 2011, la croissance nette de la population active se fera presque uniquement à travers l'immigration de travail et que « le succès de la politique d'immigration est étroitement lié à celui de l'intégration des personnes immigrantes », il convient d'interroger le gouvernement sur les dispositions qu'il compte prendre. Des deux ministères impliqués, le Ministère de l'Emploi est évidemment celui qui pèse le plus dans ce domaine d'intervention. Mais aussi longtemps qu'il considèrera le principe de discrimination raciale comme un objet séparé et secondaire de la politique d'aide, il y aura mise en échec de l'intégration et perpétuation des discriminations professionnelles injustifiées. Le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR)