Rien qu'en une année, le Maroc a perdu 16 places dans le classement annuel de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF). L'ONG fait figurer le royaume, dans son classement 2008 rendu public hier, à la 122e place, juste derrière l'Algérie. «L'emprisonnement du journaliste Mostafa Hormatallah a marqué un tournant dans la détérioration des relations entre la presse et l'Etat», lit-on dans le rapport de RSF, qui ajoute qu'«une série de procès intentés par le pouvoir contre des journalistes et des internautes ont révélé que la liberté de la presse au Maroc s'arrêtait aux portes du palais royal». Et encore, le rapport 2008 de RSF ne couvrant que la période allant du 1er septembre 2007 au 30 septembre 2008, il ne revient pas sur d'autres affaires comme celles du bloggeur Mohamed Erraji. De ce fait, le Maroc risque de dégringoler encore dans le classement RSF lors de la publication du rapport de 2009. «Les procès, les arrestations et les procédures judiciaires approximatives, parfois rattrapés par des grâces royales, sont la confirmation que le Maroc s'est engagé sur une mauvaise pente», répond Hajar Semmouni, responsable RSF pour la région du Maghreb et du Moyen-Orient, qui qualifie de «moment crucial» la phase que traverse le royaume actuellement en matière de liberté de la presse. «Nous avons été extrêmement étonnés par exemple par la susceptibilité dont avaient fait preuve les autorités envers Al Jazeera et le traitement réservé au journaliste Hassan Rachidi», ajoute la responsable de Reporters sans frontières, qui ne manque pas d'épingler le ministère de la Communication au sujet du retard accusé, par exemple, dans l'adoption d'un nouveau Code de la presse. «On a toujours les mêmes réponses et on a surtout l'impression que rien n'avance dans le pays en la matière», conclut Hajar Semmouni. Le placement où se trouve le Maroc est qualifie par RSF comme le «ventre mou» du classement. Cette catégorie est réservée aux «pays hésitant entre répression et libéralisation, où les tabous restent inviolables», selon le rapport de l'ONG. Le classement 2008 réserve d'autres surprises. En tête du classement, on retrouve l'Islande, le Luxembourg et la Norvège. Et, si Israël arrive en 46e position, le premier pays arabe n'est autre que le Koweït, qui accapare la 61e place, suivi du Liban (67), des Emirats arabes unis (69) et du Qatar à la 76e position. Dans le «ventre mou» du classement, on retrouve pratiquement tous les pays du Maghreb. Si l'Algérie arrive en 121e position, la Tunisie est classée 143e, alors que la Libye occupe la 160e place, juste devant l'Arabie Saoudite. L'Egypte n'est pas mieux lotie, puisqu'elle arrive en 146e position. Des pays africains par contre figurent dans des positions avancées. C'est le cas de pays anglophones comme la Namibie (24e), le Ghana (32e) et l'Afrique du Sud (36e). Un pays comme le Mali arrive en 34e position. Les pays qui ferment la marche restent presque les mêmes comme la Chine, le Vietnam, Cuba, la Birmanie, le Turkménistan, la Corée du Nord et l'Erythrée en 173e et dernière position. Titre révélateur de ce rapport, RSF a intitulé l'édition 2008 : «Dans le monde de l'après 11 septembre, seule la paix protège les libertés». Mohammed Boudarhham Source: Le Soir Echos