Les derniers développements de cette contribution au débat public pour l'action, traitent de l'impact de l'Agenda Africain pour la Migration (ainsi que celui du dialogue migratoire à l'échelle mondiale en 2018) sur les politiques marocaines en direction des cinq millions de citoyens marocains établis à travers le monde. Voici, de notre point de vue, quelques unes des actions très urgentes à mener. 1- Priorité à la Stratégie Nationale relative aux MRE -Nécessité urgente d'une Stratégie Nationale globale, cohérente et intégrée en matière de communauté marocaine résidant à l'étranger. Une clarification capitale s'impose à ce niveau. Avant de parler « des avancées de la Stratégie au profit des Marocains résidant à l'étranger » comme l'a fait un article paru dans «L'opinion » du 20 et 21 janvier 2018 (en pages 1 et 4), reproduisant une note du ministère chargé des MRE et des Affaires de la migration, encore faut-il que cette Stratégie Nationale en direction des MRE existe bel et bien ! Pour nous et nous l'avons montré notamment lors de la deuxième rencontre de concertation organisée dans une démarche d'ouverture le mercredi 17 janvier 2018 par le ministère chargé des MRE avec les chercheurs en migration, le Maroc pâtit encore de l'absence d'une stratégie nationale dédiée aux MRE, alors que dans les documents officiels du ministère chargé des Marocains résidant à l'étranger et des Affaires de la migration, cette stratégie existe bel et bien et elle est même opérationnalisée, connaissant des acquis et des « avancées ». L'affirmation de l'existence réelle de cette stratégie est relayée par des institutions internationales qui suivent pourtant de près le dossier migratoire au Maroc et des politiques marocaines y afférent. C'est ainsi que dans un document du programme précité « Renforcement des capacités des collectivités territoriales dans le domaine migratoire », la GIZ affirme que « le gouvernement marocain a présenté fin 2014 la stratégie nationale d'immigration et d'asile, et en 2015, le Royaume du Maroc s'est aussi doté d'une stratégie pour les Marocains du monde ». Par ailleurs, à l'occasion de la dernière célébration de la Journée Internationale des Migrants (18 décembre 2018), le Maroc et l'Union européenne ont signé un nouveau programme de partenariat dans le domaine de la migration visant à apporter un appui aux politiques migratoires du Maroc. Dans le détail, précise le communiqué de la Délégation de l'Union européenne à Rabat, ce programme doté d'une enveloppe de 390 millions de dirhams pour une durée de 4 ans, « a pour objectif d'améliorer la gouvernance de la migration au Maroc par l'appui aux stratégies nationales d'immigration et d'asile et pour les Marocains résidant à l'étranger (MRE)». En revenant à la décision d'exécution de la Commission européenne du 15 décembre 2016 relative au programme d'action annuel-partie 3 en faveur du Maroc à financer sur le budget général de l'Union (document de 105 pages : C (2016)8836 final), les développements suivants ( voir pages 3 et 7) attirent l'attention : « L'objectif du présent programme est de renforcer la coopération UE-Maroc en matière de programme par un appui budgétaire aux deux stratégies migratoires marocaines. Il vise à consolider les acquis des nombreux appuis de l'UE aux différents volets de ces stratégies par une approche plus intégrée (...) Le Conseil de gouvernement a adopté en juillet 2015 la Stratégie Nationale au profit des Marocains Résidant à l'Etranger (SNMRE) qui permet de commencer à formaliser une expérience de plus d'une décennie de politiques de soutien aux/et aux mobilisations des MRE. En effet, le Maroc fait figure de modèle pour le maintien et le renforcement des liens avec sa diaspora...». Or le discours du Trône du 30 juillet 2015 apporte un démenti cinglant à propos de l'existence d'une SNMRE. En effet, le Roi Mohammed VI réitère au gouvernement l'appel solennel lancé 10 années auparavant, concernant l'impératif d'élaborer une stratégie nationale globale, cohérente et intégrée dans le domaine des MRE : « Nous réitérons notre appel pour élaborer une stratégie intégrée fondée sur la synergie entre les institutions nationales ayant compétence en matière de migration pour rendre ces institutions plus efficientes au service des Marocains du monde ». En fait, durant la précédente législature et avec le dernier gouvernement, le département de tutelle a concocté en urgence par le biais d'un bureau d'étude une note de 17 pages en arabe qui est encore publiée sur le site officiel du ministère chargé des MRE et des Affaires de la migration, en lui donnant comme titre : « Stratégie Nationale pour les Marocains Résidant à l'Etranger» ! Il suffit de consulter l'introduction pour se rendre compte du «bricolage » entrepris et de la non-crédibilité du document. Ainsi parmi les trois « fondements » retenus pour cette pseudo-stratégie, deux sont formulés comme suit : - discours royaux du 30 juillet 2010 et 20 août 2012 ; - le programme gouvernemental. Cependant, une lecture attentive du discours du Trône du 30 juillet 2010, permet de constater qu'il n'y'a aucune référence, aussi minime soit elle, à la migration ou aux Marocains résidant à l'étranger. Par contre, de nombreux discours royaux pouvant constituer une référence, n'ont nullement été cités, en particulier : 30 juillet 1999 ; 20 août 2001 ; 30 juillet 2002 ; 20 août 2002 ; 30 juillet 2004 ; 6 novembre 2005 ; 6 novembre 2006 ; 6 novembre 2007 ; 30 juillet 2015. Par ailleurs, un programme gouvernemental, aussi riche soit-il, ne peut fonder une stratégie. Au contraire, c'est la stratégie qui détermine les plans d'action et leur donne du sens, fixe le cap. De plus, cette « SNMRE » n'a pas une portée transversale, qui est une caractéristique principale du dossier MRE. À peine si elle couvre déjà le ministère de tutelle, ne constituant même pas un plan d'action. Elle n'a pas été dotée d'un système de gouvernance, pas d'estimation budgétaire ni de planification budgétaire pluriannuelle des objectifs. Tout comme les leviers et instruments d'intervention dans le champ MRE qui connaissent de multiples dysfonctionnements, ne sont même pas cités, alors qu'ils doivent être mis à niveau. Dés lors, peut-on dire officiellement que le Maroc est un exemple et fait aujourd'hui office d'un vrai modèle en matière de politiques migratoires, sans qu'il ne dispose lui-même d'une stratégie pour sa propre communauté résidant à l'étranger? Quel paradoxe de constater qu'un secteur stratégique d'intérêt national n'ait pas une stratégie nationale le concernant ! Comment un Agenda migratoire peut-il être impulsé à l'échelle continentale par le Maroc, sans qu'au niveau national marocain, une vision d'ensemble et une stratégie globale ne puissent être établies au profit de sa Jaliya !? Dès lors, le processus de refonte de la politique migratoire envers les citoyens marocains établis à l'étranger, doit s'opérer à partir d'une construction politique horizontale impliquant les diverses institutions étatiques et les différents acteurs concernés par Le champs migratoire. Précisons bien qu'il ne s'agit pas de « réviser » une stratégie déjà existante ou d'élaborer une « nouvelle » stratégie, mais bien de produire une stratégie qui n'a jamais été mise en place jusqu'à présent, contrairement à plusieurs déclarations gouvernementales, en particulier celle de Abdelilah Benkirane, ex-chef du gouvernement le 22 juin 2016 et celle de son successeur, Saâd Eddine Elotmani, à la Chambre des Conseillers, début août 2017 De même, on ne peut que regretter la « fake news » publiée par le journal « Le Matin » daté du vendredi 19 janvier 2018. Dans un article ayant pour titre « Mise en œuvre de la politique migratoire ; le gouvernement tient à se concerter avec les experts et les universitaires », l'auteur affirme que les participants à la dernière réunion de concertation (17 janvier 2018), ont notamment dressé « un état des lieux des différentes AVANCEES de la Stratégie au profit des Marocains résidant à l'étranger... » . Or diverses interventions ont bien montré que cette stratégie n'existe pas encore, et même en tirant les conclusions de ces échanges, le Secrétaire général du ministère chargé des MRE et des Affaires de la migration a eu l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que cette stratégie nationale MRE n'a pas encore été élaborée, invitant les chercheurs et universitaires à accompagner scientifiquement le département dans ce projet indispensable. 2- Nécessaire mise à niveau du paysage institutionnel MRE Cette intervention est à opérer sur le mode de fonctionnement et de gouvernance à adopter au sein du dispositif institutionnel migratoire marocain. Il s'agit de la mise à niveau des instruments d'action dédiés principalement ou partiellement aux Marocains résidant à l'étranger, qui connaissent de multiples dysfonctionnements, lacunes et gouvernance défaillante : * Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l'étranger, en révisant notamment la loi 19/89 portant création de la Fondation pour démocratiser le comité directeur, dont la composante MRE reste limitée aux « Amicales » sécuritaires datant des années de plomb !!! Il s'agit donc d'instaurer un cadre démocratique de concertation avec les citoyens marocains établis à l'étranger. Tout comme en matière de gouvernance, le comité directeur doit se réunir régulièrement. Alors que la loi prescrit sa réunion au moins deux fois par an, le président-délégué de la Fondation ne l'a pas convoqué depuis l'an 2000 !!! * Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, en particulier par l'opérationnalisation démocratique et transparente de l'article 163 de la Constitution, afin de faire du prochain CCME une institution réellement démocratique, représentative, efficiente et de bonne gouvernance. Établir par le CCME des relations de partenariat avec des pays africains comme la Côte d'Ivoire pour les aider à mettre en place en particulier un Conseil similaire, exige un certain nombre de conditions, à savoir la possibilité «d'exporter » des bonnes pratiques, qualités dont ne dispose pas à l'heure actuelle le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, vus les multiples dysfonctionnements structurels dont il pâtit après dix années d'existence : sur les 50 membres nommés qu'il devait avoir, 13 n'ont pas encore été nommés; seule une assemblée générale annuelle a été tenue depuis début juin 2008; aucun avis n'a été présenté durant cette très longue période par cette institution pourtant consultative. De même, sa mission prospective n'est nullement remplie... De plus , après sa création il y'a dix ans, ce Conseil est pratiquement en situation de mort clinique et ses six groupes de « travail », sont inertes ... Or ceci n'empêche nullement « La Vie Économique », dans son numéro 4.927 du 5 au 11 janvier 2018 , d'écrire de manière très complaisante, à la page 34, que « le CCME reste très dynamique »(allusion à la période où son président n'était pas encore devenu également président du CNDH), « le CCME ne chôme pas. Il multiplie les actions sur tous les plans » (sic !), et à la page 35 que « le CCME dans sa version actuelle, fait montre d'une dynamique remarquable » (re-sic !!!). Voilà en termes d'efficacité, une « pub » ou « com » bien payante... Dés lors , la commission de contrôle mise en place au niveau du ministère marocain des Affaires étrangères pour le suivi de l'exécution de toutes les conventions de coopération établies par le Maroc avec des pays africains subsahariens, devrait à notre sens , se pencher également sur ce dossier pour vérifier la crédibilité de cette coopération du CCME avec la Côte d'Ivoire, au risque de porter tort à l'image du Maroc , dont le Roi est Leader de l'Afrique sur la question migratoire . *Bank Al Amal ou « Banque sans travail ». * Conseil Européen des Oulémas Marocains, créé par le dahir n° 01.08.17 du 20 octobre 2008. Relevons à ce propos l'échec de la politique d'encadrement religieux des jeunes MRE au vu notamment de l'implication directe ou indirecte d'un grand nombre d'entre eux dans les attentats terroristes en Europe . Sur ce plan, la lettre adressée récemment par le Roi au ministre des Habous et des affaires islamiques, lui enjoignant de réviser fondamentalement la gestion financière, aura-t-elle une répercussion sur l'encadrement religieux des MRE, en mettant en cause l'approche purement sécuritaire qui prévaut en ce domaine !? * Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) qui a en charge la gestion de la protection sociale des MRE à travers les accords bilatéraux de sécurité sociale qui doivent être révisés et dont le nombre doit être étendu à d'autres pays, notamment d'Afrique Subsaharienne (Sénégal, Côte d'Ivoire, Gabon..). Le cas de l'Italie doit également être réglé. Si l'accord de sécurité sociale entre le Maroc et l'Italie date de 2004, le Maroc l'a ratifié, mais pas encore l'Italie, privant ainsi quelques 550. 000 Marocains d'Italie d'une partie appréciable de leurs droits sociaux. Une campagne systématique devrait être menée dans ce sens, avec l'implication notamment du mouvement syndical au Maroc (dont l'ODT) et les centrales syndicales italiennes. Par conséquent, il s'agit d'accorder toute son importance à la mise en place d'une architecture institutionnelle saine, efficace et appropriée pour la gouvernance migratoire au Maroc. Sur le même plan, pourquoi au niveau officiel, la reddition des Comptes touche différents secteurs à travers un certain nombre de sanctions contre des responsables qui ont failli à leurs missions, alors que celui des institutions chargées des MRE est épargné, y compris par la Cour des comptes, avec une sorte de deux poids, deux mesures. 3- Opérationnaliser les droits politiques constitutionnels des migrants *Article 30 de la Constitution pour le droit de vote des étrangers aux élections locales marocaines. Il ne suffit pas de rappeler constamment cet acquis dans les forums internationaux, sans mettre en pratique cette disposition. *Article 17 de la Constitution pour la députation des citoyens marocains établis à l'étranger, au même titre que les ressortissants à l'étranger des pays africains suivants : Tunisie, Algérie, Mozambique, Cap Vert, Angola, Sénégal. La reconnaissance concrète des Marocains établis à l'étranger en tant que citoyens marocains à part entière, est une nécessité absolue. L'obstacle « technique », « matériel », «logistique » ou « organisationnel » mis en avant par les responsables politiques du dossier électoral au Maroc, appuyés en cela par les dirigeants du CCME et du CNDH (celui-ci prône non pas le vote direct dans les consulats, mais le vote par correspondance ou électronique vers le Maroc), ne constitue en fait qu'un pseudo argument. L'étude des bonnes pratiques au niveau électoral des pays africains précités, seraient très bénéfique pour le Maroc si, en parallèle, la volonté politique de considérer les Marocains résidant à l'étranger comme des citoyens marocains à part entière, y est. Voilà donc une série de réformes législatives à mener concernant le secteur MRE, à ajouter à celles qui sont à entreprendre en matière d'immigration et d'asile au Maroc que nous avons mis en évidence auparavant. C'est dire que ce sont le gouvernement et l'ensemble des acteurs politiques qui sont interpellés, y compris les parlementaires des deux chambres pour une réflexion d'ensemble et des débats de fond avec pour objectif l'élaboration et l'adoption de textes législatifs de qualité en la matière. À ce propos et en coordination avec l'Exécutif, un plan de travail législatif d'urgence sur ce vaste domaine migratoire serait à élaborer et à suivre, en envisageant une procédure exceptionnelle d'adoption des textes (session extraordinaire pour chacune des deux chambres), en cohérence notamment avec les responsabilités du Maroc en matière migratoire, particulièrement en 2018. 4- Confirmer le refus de l'accord général de réadmission avec l'Union européenne Enfin, le Maroc devrait de notre point de vue, maintenir son refus catégorique de signer un accord général de réadmission des immigrés irréguliers avec l'Union Européenne (irréguliers marocains et irréguliers étrangers en Europe ayant transité par le Maroc, principalement les Subsahariens), comme il le fait depuis pratiquement le début de ce siècle, en résistant aux multiples chantages et aux incessantes pressions de l'UE. La réadmission des Africains Subsahariens signifie notamment la mise en place par le Maroc de centres de rétention ou de détention pour abriter ces irréguliers. Il s'agit aussi de sécuriser ces camps, de permettre l'identification des refoulés (pour les renvoyer vers leurs pays d'origine) et de bien s'assurer que les réadmis ne quittent à nouveau le Maroc à destination de l'UE. Or peut-on concevoir l'existence de cette situation, dans le cadre d'une atmosphère régie par ailleurs par une conception humaniste de la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc !? L'aspect fondamentalement contradictoire ne peut être que souligné, venant conforter les raisons qui poussent déjà, depuis 17 ans, à l'opposition à la conclusion de l'accord de réadmission de l'UE avec le Maroc. Cette attitude à travers laquelle le Maroc a toujours refusé de réadmettre les Africains subsahariens « irréguliers » en Europe , gagnerait au niveau de l'Agenda Africain sur la Migration, à être étendue en particulier à certains alinéas de l'article 13 de l'Accord de Cotonou (ex-Convention de Lomé), signé le 23 juin 2000 et entré en vigueur le 1er avril 2003, par lequel l'Union européenne veut toujours imposer des accords généralisés de réadmission aux 79 pays ACP (48 pays d'Afrique subsaharienne, 16 des Caraïbes, et 15 du Pacifique) concernant leurs propres ressortissants, mais également des ressortissants d'autres États ACP en situation irrégulière en Europe, qui auraient transité vers l'UE par ces États. Dans l'alinéa C du paragraphe 5 de l'article 13, il est stipulé notamment que : « Chacun des États ACP accepte le retour et réadmet ses propres ressortissants illégalement présents sur le territoire d'un État membre de l'Union Européenne à la demande de ce dernier et sans autre formalité (...) Plus loin, il est précisé que : « À la demande d'une partie, des négociations sont initiées avec les États ACP en vue de conclure, de bonne foi et en accord avec les principes correspondants du droit international, des accords bilatéraux régissant les obligations spécifiques de réadmission et de retour de leurs ressortissants. Ces accords prévoient, si l'une des parties l'estime nécessaire, des dispositions pour la réadmission de ressortissants de pays tiers et d'apatrides. Ces accords précisent les catégories de personnes visées par ces dispositions, ainsi que les modalités de leur réadmission et retour. Une assistance technique sera accordée aux États ACP en vue de la mise en œuvre de ces accords». En d'autres termes, chaque État ACP doit réadmettre d'Europe ses propres ressortissants irréguliers, mais également les ressortissants d'autres pays ACP qui se trouveraient en situation administrative irrégulière au sein de l'UE et qui auraient transité par cet État , quitte à ce qu'il s'occupe lui-même de leur réadmission vers leur pays d'origine dans un second temps, avec l'appui « technique » et financier de l'UE. Ainsi, chaque État ACP doit jouer le rôle de gendarme de l'Union européenne. Par ailleurs, la formulation du Pacte Mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulière est instrumentalisée dans un même esprit à une vaste échelle par les grands pays d'immigration du Nord , qui prônent plus le contrôle, la reprise en main, la fermeté et la fermeture, « l'ordre », bref une ligne raide et dure. Dans ce texte, on assiste ainsi à des remises en cause des acquis tels que la Convention internationale pour la protection de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, les Conventions de l'OIT, la Convention de Genève sur les réfugiés, et en cherchant à faire admettre à tous et à cautionner, au nom d'un pragmatisme supposé, la nécessité de l'externalisation des frontières, de la déportation et de la réadmission. C'est ainsi que dans les « engagements s'appliquant aux migrants », le Pacte stipule par rapport à la réadmission notamment ce qui suit : -«Nous rappelons aussi que les États sont tenus de réadmettre leurs nationaux de retour et de faire en sorte que ceux-ci dûment accueillis sans délai injustifié, une fois leurs nationalités confirmées en application de la législation nationale. Nous prendrons les mesures pour informer les migrants des divers processus associés à leur arrivée et à leur séjour dans les pays de transit, de destination et de retour » (paragraphe 42). -«Nous encourageons fortement la coopération entre les pays d'origine ou de nationalité, les pays de transit, les pays de destination et les autres pays concernés pour faire en sorte que les migrants qui n'ont pas la permission de rester dans le pays de destination puissent retourner, en application des obligations internationales de tous les États, dans leur pays d'origine ou de nationalité (...)Nous notons que la coopération en matière de retour et de réadmission, constitue un élément important de la coopération internationale en matière de migration. Une telle coopération devrait inclure une identification en bonne et due forme et la fourniture des documents de voyage voulus (paragraphe 58). À ce niveau, un des passages du discours du ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à l'ouverture le 9 janvier 2018 de la Conférence ministérielle à Rabat sur la migration, attire l'attention et aurait besoin d'une clarification. L'inquiétude provient notamment du fait qu'au-delà d'une apparence d'équilibre, certaines questions comme le partage des responsabilités dans le domaine de gestion des frontières, des retours , de la réadmission, sont au cœur de l'Agenda Africain sur la Migration : « le recrutement équitable des travailleurs migrants, la reconnaissance et le développement des compétences, l'intégration économique, sociale et civique des migrants, ainsi que le partage des responsabilités en matière de gestion des frontières, de retour, de réadmission, d'intégration et de réintégration, sont quelques uns des volets majeurs de l'Agenda Africain sur la Migration ». Est-ce à dire sur ce plan que, aux yeux de la diplomatie marocaine, globalement pour l'Afrique, y compris pour le Maroc, la question de la réadmission est saisie selon la même conception que celle prévalant dans le projet de Pacte Mondial pour des Migrations sûres, ordonnées et régulières, et qu'elle devient par ailleurs «négociable» avec l'Union européenne et dans le même esprit foncièrement sécuritaire, entre les pays africains !? L'enjeu est par conséquent de taille et mériterait un débat approfondi avant la finalisation de l'Agenda, à moins qu'en séance à huit clos, les choses aient pris, comme on le souhaite, un chemin plus cohérent avec la Nouvelle Politique Migratoire du Maroc ! Au total, les gestionnaires à tous les niveaux du dossier migratoire marocain dans ses deux dimensions, celle de l'immigration étrangère et de l'asile au Maroc, et celle des Marocains établis à l'étranger, sont interpelés en premier lieu par l'Agenda Africain sur la Migration. La mise sur pied de cet Agenda, questionnera le Maroc qui doit présenter de manière cohérente, une feuille de route retraçant les grandes lignes de cet agenda sur les migrations au niveau national, régional, continental et international. Les responsables marocains du dossier migratoire, sont interpellés en second lieu par l'agenda mondial relatif au dossier migratoire dans lesquels le Maroc, particulièrement en 2018, avec la double échéance de Marrakech, est destiné à jouer un rôle de premier plan et d'assumer des rendez-vous de cohérence. Une bonne opportunité par conséquent pour le Maroc, de se mettre à niveau sur tous les plans sur ce dossier stratégique concernant sa propre gouvernance migratoire au plan national, de se questionner en termes de politiques publiques si l'on veut que son expérience au plan migratoire dans ses deux volets soit probante et qu'il montre réellement la voie en ce domaine. Si comme l'a déclaré le ministre chargé des MRE et des Affaires de la Migration, Abdelkrim Benatiq, à l'occasion de la conférence ministérielle de Rabat sur les migrations, « le Maroc est prêt à partager son expérience dans le domaine migratoire avec les pays africains », de notre point de vue, les conditions ne seront pas totalement remplies tant que toutes les réformes indispensables au niveau juridique et au plan des institutions liées au champ migratoire, n'auront pas été faites. Ceci est effet loin d'être le cas maintenant, surtout pour la politique en direction des Marocains résidant à l'étranger pour lesquels on manque encore une fois et encore d'une stratégie nationale globale, cohérente et intégrée spécifique, alors que celle relative à l'immigration étrangère au Maroc est en bonne voie, malgré certaines limites qui sont à dépasser à la faveur notamment de l'Agenda Africain sur la Migration, qui doit être également une chance pour le Maroc lui-même. C'est une occasion propice et une aubaine hors norme d'y renforcer la protection des migrants (immigrés et émigrés) et d'améliorer leurs conditions de vie ainsi que la gouvernance des migrations au sens large, bref de se questionner vraiment pour évoluer et accompagner le changement nécessaire en la matière. Ceci implique également une politique de recherche pour l'action dans le domaine migratoire, non seulement à l'échelle de chaque pays africain, dont le Maroc (où le besoin se fait sentir d'avoir un agenda national de la recherche en migration), mais aussi globalement au niveau de l'Union Africaine. Par Abdelkrim Belguendouz (Universitaire à Rabat, chercheur en migration)