Lors de son discours inaugural de la nouvelle année législative, Sa Majesté le Roi a exhorté la classe politique à se pencher sur l'élaboration d'un nouveau modèle de développement. Un modèle qui ne saurait cependant se concevoir sans la participation effective et complète des différentes régions du Royaume, ce qui permettrait, par là même, d'insuffler une nouvelle dynamique en vue de la consolidation définitive de la régionalisation avancée. Dès lors, que faire concrètement pour l'adoption d'un modèle de développement approprié, qui serait en mesure de répondre aux attentes légitimes qui s'expriment dans les différentes régions du Royaume ? Il importe tout d'abord de souligner que le modèle tant vanté de la régionalisation avancée n'est pour l'instant qu'une chimère, malgré les discours Royaux à ce sujet, malgré la Constitution de 2011, malgré le rapport du Conseiller Royal Mr. Aziman et malgré les déclarations pleines de bonnes intentions des partis politiques. Alors pourquoi ce statut quo ? et à quel niveau se situe l'inertie ? Deux questions subsidiaires en découlent : Quelle gouvernance territoriale désire-t-on ? Et veut-on vraiment des régions fortes avec des prérogatives propres, à même de gérer la chose publique dans l'intérêt général de notre pays et de nos concitoyens ? Si la réponse est affirmative, qui dispose du pouvoir de créer, partager et, éventuellement, transférer ces prérogatives ? Le seul organe constitutionnel habilité à le faire est le gouvernement, d'où cette missive. La problématique au Maroc est que le chef du gouvernement, dès qu'il est désigné, se focalise exclusivement sur la formation de son gouvernement en compagnie des partis politiques alliés. Des partis qui ne pensent malheureusement qu'à avoir un maximum de maroquins, sans se préoccuper du modèle de gouvernance territoriale à envisager, et notamment les prérogatives potentielles qui seraient accordées aux régions. De fait, les différentes composantes du gouvernement, une fois constitué, rechignent à céder une partie de leurs compétences et, partant, de leurs pouvoirs, comme si cela viderait le gouvernement de sa quintessence. A ce titre, il aurait fallu que le chef du gouvernement désigné propose à ses futurs partenaires au gouvernement de renforcer les compétences des régions, principalement en ce qui concerne les questions budgétaires et de fonctionnement. Il suffit tout simplement d'instaurer un système de vases communicants, dans lequel le budget de l'Etat demeure intangible, mais avec un transfert du budget du centre vers les régions. Prenons par exemple le cas de l'Education Nationale, où tout le monde reconnait les maux qui la traversent. Parmi les solutions adoptées par certains pays développés, il y a lieu de relever le transfert de cette mission aux Régions, y compris la gestion des ressources humaines et la gestion financière. Bien entendu, la Région aujourd'hui ne dispose pas de tous les moyens requis pour le réaliser. Toutefois, le Maroc pourrait y parvenir progressivement, même sur plusieurs législatures, mais avec un échéancier extrêmement rigoureux afin de parachever la régionalisation avancée tant attendue. Le gouvernement pourrait très bien commencer par transférer dès à présent tous le système éducatif relatif à la scolarité du primaire. Ainsi la Région serait dotée d'un «Ministre» régional en charge de l'Education primaire, où il serait responsable auprès des parents d'élèves d'offrir le cadre propice à l'éducation et à l'épanouissement intellectuel de leurs enfants, en les faisant bénéficier d'un enseignement de qualité. Comme la concurrence s'est limitée ces dernières années au seul enseignement privé, avec ce nouveau modèle, on aspire à ce que la concurrence se fasse dorénavant entre les établissements publics d'une Région à une autre, ce qui serait de nature à garantir une meilleure justice sociale et une égalité des chances réelle et effective. A la législature suivante, pour autant que le bilan soit positif, le gouvernement pourrait transférer le système éducatif relatif au secondaire et pour finir, dans une prospective future, la Région pourrait très bien également recevoir la prérogative relative à l'enseignement supérieur. La même stratégie pourrait s'appliquer à d'autres domaines, tels que la santé, l'emploi, l'habitat, le transport, la culture, l'investissement, le tourisme, entre autres. À suivre cette voie, chaque région pourrait être dotée d'un gouvernement régional propre, où le Président aurait le statut de Président Exécutif au lieu de Président d'une assemblée de conseillers . De même, cette assemblée devrait avoir un président distinct ayant à sa charge le contrôle du «bureau» ou du «gouvernement régional» et de préparer les textes régionaux régissant les prérogatives régionales. Les conseillers régionaux, quant à eux, devraient assumer leurs responsabilités respectives dans la gestion et le suivi des affaires, comme le ferait n'importe quel parlementaire. Il est vrai que ce modèle de «gouvernement régional» peut paraître audacieux pour certains, voire précoce pour d'autres. Or, Sa Majesté le Roi nous a incités dans son Discours à ne pas être complaisants et à proposer des solutions innovantes et novatrices, quitte à provoquer un séisme politique chez certains. Ainsi, Monsieur le Chef du Gouvernement, considérez ma lettre comme une invitation à la prise en compte de l'intérêt supérieur du Royaume. Celui-ci passe inexorablement par une décentralisation des pouvoirs et prérogatives de la puissance publique au plus près des sujets du Roi, conformément à la volonté de notre Souverain largement plébiscitée par un "oui" à la nouvelle Constitution. Je vous exhorte donc à réformer en profondeur la gouvernance de notre Royaume afin que l'ensemble des élus locaux puissent enfin servir notre Roi et assurer efficacement le mandat qui leur est confié par le peuple. Votre gouvernement doit et devra refléter l'élan donné par Sa Majesté et par le peuple vers plus d'autonomie des grandes Régions Marocaines et, le cas échéant, être lui-même profondément remanié pour être conforme à ce nouveau modèle de développement. Tanger, Le vendredi 20 octobre 2017 *Premier Vice-Président Région Tanger-Tétouan-Alhoceima