Le lancement d'un appel d'offres pour le choix d'un bureau d'étude qui proposera les pistes à suivre pour réformer le régime de retraites de la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale) est dans quelques semaines. C'est ce qui a été décidé, en tout cas, récemment lors de la réunion de son Comité de gestion. Cette étude vise à déterminer les mesures à adopter afin d'assurer les équilibres financiers de la Caisse, dont la situation est jugée un peu moins grave que celle de la CMR (Caisse Marocaine de Retraite), sachant que son premier déficit apparaîtra en 2024. La réforme de cette caisse est alors nécessaire. Sur ce registre, la Cour des Comptes a déjà livré son analyse. « La population d'actifs cotisants au régime de retraite de la CNSS continuera à s'accroître jusqu'à 2060 pour atteindre 11,9 millions contre 2,7 millions à fin 2012. Cependant, à partir de 2020, les départs à la retraite devraient connaître une croissance notable, induisant ainsi une dégradation du rapport démographique dans le futur, qui passera de 9,6 actuellement à 3,9 en 2060 », souligne la Cour dans un rapport. La relative soutenabilité des équilibres démographiques du régime, par rapport aux autres régimes de base, s'explique, d'une part, par l'importance actuelle du moteur démographique, et, d'autre part, par le potentiel important que devrait assurer l'extension du régime aux salariés non déclarés et la lutte contre la sous-déclaration, ajoute-t-on. En revanche, poursuit la Cours des Comptes dans un rapport, la fragilité du régime provient de la sous-tarification des droits pendant les quinze premières années d'activité ; soit 3.240 jours (dite période de stage) où chaque période de 216 jours de cotisation est équivalente à une annuité d'environ 3,33%. Ce constat est d'autant plus préoccupant qu'une partie importante des pensionnés du régime totalise une ancienneté de cotisation avoisinant cette période dite de stage. Cette situation est de nature à encourager la sous-déclaration, voire la-non déclaration au-delà de la période minimale d'assurance. Les projections actuarielles du régime de retraite de la CNSS font ressortir que le solde technique et financier du régime serait négatif à partir de 2021 et que les réserves devraient être totalement épuisées en 2030. Elles confirment également le déséquilibre de ce régime qui a accumulé à fin 2011 une dette implicite non couverte d'un total de 197 milliards DH. Ainsi, pour que le régime puisse continuer à fonctionner jusqu'à 2060 selon les mêmes paramètres, il serait nécessaire de porter le taux de cotisation à 16,63% au lieu de 11,89% actuellement. La Cour des Comptes tient à souligner que le taux de couverture de la population des salariés reste insuffisant même s'il a considérablement évolué au cours des dernières années, puisqu'il a atteint 72% en 2011 contre 43% en 2005. Toutefois, le taux de couverture retraite réel reste beaucoup moins important puisque l'immatriculation d'un assuré ne signifie pas nécessairement qu'il bénéficiera d'une pension à l'âge de départ à la retraite. A titre d'illustration, jusqu'à fin 2012, un total de près de 622.000 assurés inactifs ont atteint l'âge légal de 60 ans sans avoir pu cumuler les 3.240 jours de cotisations nécessaires à l'ouverture du droit à une pension de retraite. Propositions de la Cour des Comptes Au vu des résultats du diagnostic, la Cour des Comptes recommande à ce que l'âge légal de départ à la retraite soit maintenu à l'âge de 60 ans, en laissant la possibilité aux affiliés qui le souhaitent de prolonger leur activité jusqu'à 65 ans. Elle suggère aussi à ce que le plafond des droits, pour ce qui est du taux de remplacement, soit relevé à 75% au lieu des 70% actuellement afin d'offrir la possibilité aux salariés désireux de poursuivre leur activité d'augmenter leurs droits. Aussi, le taux de cotisation devra connaître une augmentation progressive de 11,89% à 14% sur une période de 5 années. Pour éviter l'augmentation des prélèvements obligatoires et préserver aussi bien la compétitivité des entreprises que le pouvoir d'achat des salariés cotisants, il convient de privilégier la possibilité de couvrir cette augmentation des cotisations par un redéploiement au niveau des autres cotisations sociales gérées par la CNSS. Autre recommandation : le nombre de jours nécessaires pour pouvoir bénéficier de 50% des droits devrait être porté à 4.320 jours au lieu de 3.240 jours actuellement. Cette augmentation, qui sera progressive et étalée sur une période de 10 années, devrait être accompagnée de mesures efficaces de lutte contre la non-déclaration et la sous-déclaration dont sont victimes les affiliés les plus vulnérables. Cette décision permettra d'amender la résolution adoptée par le Conseil d'administration de la CNSS relative au remboursement des cotisations des affiliés qui atteignent l'âge légal de la retraite sans cumuler la période minimale de cotisation ouvrant droit à la retraite, pour tenir compte de la nouvelle période de stage proposée. Ces mesures auront pour effet combiné d'améliorer l'horizon de viabilité du régime d'au moins 15 années et de réduire la dette non couverte, à l'horizon 2060, de plus de 50%, estime la Cour des Comptes. La CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) recommande, elle-aussi, une batterie de mesures pour maintenir le régime actuel de la CNSS, renforcer son équilibre technique et améliorer sa gouvernance. Parmi les actions préconisées, adopter le système des cotisations définies en points, supprimer la période de stage et calculer les droits acquis en fonction du montant des cotisations, ou de la durée cotisée si on reste en prestations définies ; définir les modalités de liquidation des droits : (I) plus de 10 ans de cotisation, sortie obligatoire en pension (II) entre 5 et 10 années de cotisation, sortie en pension ou en capital (dans ce dernier cas sans droit à la pension minimale) (III) moins de 5 années de cotisation, sortie obligatoire en capital sans droit à la pension minimale... La CNSS est un organisme public sous tutelle administrative du ministre chargé de l'Emploi, créé par le Dahir n°1-59-148 du 31 décembre 1959. Ce régime garantit une couverture pour les salariés du secteur de l'industrie, du commerce et des professions libérales ainsi que ceux de l'agriculture, de l'artisanat et de la pêche. La CNSS assure une protection contre les risques de suppression de revenu en cas de maladie, vieillesse, maternité, invalidité et réversion.