Arrivé vers 17H00 (locales et GMT) à l'aéroport de Banjul, avec une heure de retard sur son programme, M. Barrow, en chéchia et tunique blanches, accompagné par ses deux épouses et plusieurs de ses enfants, a été accueilli par une foule en liesse. «Je suis un homme heureux», a-t-il déclaré. «Cela faisait partie du combat et je pense que le pire est terminé», a-t-il dit au sujet de son séjour au Sénégal depuis le 15 janvier, à la demande de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui craignait pour sa sécurité tant que M. Jammeh était en place. Il est arrivé à bord d'un avion militaire sénégalais portant l'emblème de la Cédéao, sous la surveillance de militaires sénégalais et nigérians encagoulés et lourdement armés, et d'un détachement de soldats gambiens. L'envoyé spécial de l'ONU en Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, qui a également fait le voyage, s'est félicité de ce retour pour «assurer une transition démocratique pour la première fois en Gambie». Il «résidera chez lui jusqu'à nouvel ordre» plutôt qu'à la présidence, où la force de la Cédéao, la Micega, sous commandement sénégalais, a installé son état-major, a indiqué mercredi son porte-parole, Halifa Sallah. Sur la route de l'aéroport, où la circulation était bloquée jusqu'aux environs de 20H00, ses partisans ont installé une affiche géante invitant la population à une célébration générale le 18 février, anniversaire de l'indépendance de cette ancienne colonie britannique. «Quand j'ai vu le président, j'ai eu le sentiment d'entrer au paradis», a dit Musa Kitteh, en T-shirt à l'effigie de Barrow, venu l'accueillir avec une douzaine d'amis «parce qu'il (leur) apporte la liberté.» «Du temps de Jammeh, nous étions dans une dictature», a-t-il ajouté, des larmes aux bords des yeux. «Paix, amour et unité», a crié Binta Makah, agitant les jambes du toit d'un minibus. «Nous sommes libres de nous exprimer maintenant», a lancé son amie, Mariana Darboe, juchée sur le toit. Les défis s'annoncent immenses pour Adama Barrow, à commencer par la mise en place d'une administration, engagée sur une fausse note avec le choix de sa vice-présidente, atteinte par une limite d'âge constitutionnelle. Parmi les priorités, figure aussi la réforme des forces de sécurité, a indiqué M. Sallah. La Gambie, petit pays anglophone totalement enclavé dans le Sénégal à l'exception d'une étroite façade côtière prisée des touristes, a été dirigée d'une main de fer pendant 22 ans par Yahya Jammeh, un ancien militaire. Vainqueur aux urnes le 1er décembre face à Yahya Jammeh - qui avait initialement reconnu sa défaite avant de se raviser le 9 décembre -, Adama Barrow a prêté serment le 19 janvier à l'ambassade de Gambie à Dakar. Peu après, la Cédéao lançait une opération pour forcer au départ M. Jammeh, qui a finalement quitté le pays le soir du 21 janvier pour être accueilli par la Guinée équatoriale. Le nouveau chef de l'Etat a demandé la poursuite de l'opération militaire de la Cédéao, en attendant de s'assurer du contrôle effectif des services de sécurité et du territoire. Il souhaite notamment que la Micega tente de découvrir les éventuels stocks d'armes ou des «mercenaires» favorables à Yahya Jammeh qui se trouveraient encore dans le pays, selon le président de la Commission de la Cédéao, Marcel Alain de Souza. De même source, M. Barrow a également demandé à la Micega, dont 4.000 hommes ont déjà été engagés dans l'opération (sur un effectif maximum de 7.000), de rester six mois, une décision qui appartiendra aux responsables militaires de la Cédéao. Jeudi, un ancien pilier du régime de M. Jammeh, Ousman Sonko, qui fut son ministre de l'Intérieur pendant dix ans avant d'être limogé en septembre et de s'enfuir en Europe, a été interpellé en Suisse, pour soupçons d'implication dans des crimes contre l'humanité.