L'agriculture marocaine contribue à satisfaire les besoins des consommateurs nationaux et l'on trouve ses produits sur nombre de tables autour de la planète. Localement, l'agriculture marocaine se caractérise par la dualité de ses structures d'exploitations qui a été prise en considération lors de l'élaboration du Plan Maroc Vert qui met en œuvre des aides financières de l'Etat. Deux « piliers » sont ainsi distingués : le Pilier I qui s'adresse aux très grandes exploitations, développant une agriculture dite productiviste, peu nombreuses, mais occupant une part importante de l'espace agricole, d'une part, et le Pilier II qui a vocation à soutenir une agriculture dite solidaire dont les exploitations de taille très modeste (moins de 5 ha) sont majoritaires en nombre (70 %), mais ne couvrent qu'un tiers de la Surface Agricole Utile (SAU), d'autre part. Convenons ensemble que si l'incidence économique des petites exploitations est relativement faible, leur importance sur le plan social est considérable, inestimable, les grandes exploitations ont par nature des potentialités beaucoup plus importantes car elles peuvent mettre en œuvre des technologies avancées et répondre aux exigences des marchés extérieurs. Ces deux « Piliers » ne sont pas en opposition, ils sont le reflet d'une réalité de la société marocaine, tous deux confrontés à leur niveau, aux problématiques du réchauffement climatique, de l'affaiblissement de la pluviométrie, de la baisse du niveau des aquifères et l'envasement des barrages qui prive d'irrigation plusieurs dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles. La réussite du Plan Maroc Vert est intimement associée au développement de techniques d'irrigation qui ont vocation à économiser l'eau d'irrigation agricole. Ainsi, au cours des dernières années, près de 400.000 ha irrigués en gravitaire ont été reconvertis en irrigation localisée par la technique du « goutte à goutte ». Les zones d'agriculture pluviale (dites zones de Bour) demeurent cependant majoritaires en surface (83 % de la SAU) , mais beaucoup moins productives car sévèrement affectées lors des années sèches. Docteur Jekyll et Mister Hyde : l'irrigation de surface En zone aride ou semi-aride, l'irrigation procure une sécurité économique indiscutable. L'irrigation est donc à l'évidence perçue depuis de nombreuses années comme un facteur d'intensification essentiel, permettant d'accroître ou de sécuriser le revenu. Or, plusieurs études européennes ont démontré que la rentabilité des investissements étaient à peine couverte par la production des quintaux supplémentaires. L'irrigation qui permet seulement la régularité des rendements, n'est alors qu'une assurance-rendement payée par un surcroît de travail et par un financement de la collectivité sous forme de subvention d'équipement. Le pilier I vise à développer une agriculture productive à haute valeur ajoutée en grande partie tournée vers l'exportation. Toutes les filières agricoles sont concernées, mais plus particulièrement celles ayant des potentialités de développement élevées comme les agrumes, les cultures maraîchères et l'oléiculture. Les projets mis en œuvre visent à augmenter les surfaces cultivées, à améliorer la productivité et la qualité des produits et à obtenir des gains de parts de marché à l'exportation. Ces projets font appel à l'investissement privé complété par des aides publiques. L'investissement entraînant des charges nouvelles, la recherche de quintaux supplémentaires impose pratiquement des itinéraires techniques fondés sur le recours à l'intensification chimique. Ainsi, désherbants, fongicides, insecticides, nématicides, etc., deviennent alors indispensables pour protéger une culture à haute densité de semis placée en condition nutritionnelle non limitante, c'est-à-dire en pratique « surfertilisée ». Les paradoxes et limites de l'irrigation du goutte à goutte Jusqu'à ce jour, le citoyen-consommateur admettrait implicitement que les impératifs de la production et la nécessité de satisfaire ses besoins alimentaires quotidiens lui imposent de subir, à son corps défendant, les risques que comporte l'intégration de substances toxiques (T) ou très toxiques (T+) dans la filière alimentaire agricole. Nous avons évoqué l'intérêt que représente l'irrigation pour le maintien des rendements ; il convient de remarquer que cette irrigation en ses formes actuelles comporte autant d'inconvénients majeurs, pour le producteur, pour sa culture, pour l'environnement et in fine pour le consommateur. Dans le cas de la technique d'irrigation, dite du « goutte à goutte », nous constatons d'abord le phénomène de l'évaporation cumulée depuis le bassin d'accumulation, jusqu'au pied de la plantation, puis la salinisation et le colmatage des goutteurs résultant de ladite évaporation. Viennent ensuite le tassement du sol et la prolifération des adventices qui, outre les recours aux herbicides (ex. glyphosates), favorisent la pullulation des ravageurs et autres insectes qui « justifient » l'emploi de pesticides, d'insecticides qui, sauf exception, entrent dans la catégorie des substances écotoxiques soupçonnées d'être la cause de cancers et malformations congénitales. Cas particulier des nématodes Les bio-agresseurs sont légion et il est constant que le métier de producteur agricole est un combat permanent contre une adversité minuscule, parfois invisible mais ayant un potentiel extraordinairement destructeur. Tel est le cas des nématodes, sorte de vers ronds, microscopiques, donc indétectables à l'œil nu, qui sont plusieurs millions par centimètre cube, évoluant dans l'eau du sol. Sur le plan biologique, la vitesse de développement des nématodes est subordonnée à la présence combinée de l'eau, de la composition sableuse du sol et de la température. Plus celle-ci est élevée, plus les nématodes deviennent actifs jusqu'à une valeur de 28 à 30 degrés centigrades. Le profane doit savoir que les nématodes entrent dans la plante par les racines et y pénètrent pour remonter jusqu'aux tiges et aux feuilles. Ils se nourrissent de la sève, ce qui affaiblit considérablement la plante. Les dégâts directs dus aux nématodes se manifestent par l'affaiblissement général de la spéculation et des retards de croissance qui peuvent causer de lourdes pertes aux cultures. Les dommages s'accompagnent souvent de dégâts indirects causés par des champignons ou des bactéries qui provoquent des surinfections en profitant des portes d'entrée créées par les nématodes et entraînent des « traitements » chimiques complémentaires. Le traitement s'opère par l'application d'un nématicide extrêmement toxique selon la dose d'une tonne par hectare pour un coût de 10 000 dirhams, qui s'ajoute à la longue liste des produits de même nature destinés à favoriser l'enracinement, à prévenir ou éradiquer les insectes, les acariens, l'oïdium, le mildiou et autre anthracnose, etc., soit autant d'affections fongiques ou cryptogamiques qui exposent les plantations aux conséquences conjuguées de la chaleur et de l'humidité de la surface du sol que l'on constate dans l'usage du goutte à goutte ou de la micro aspersion. La solution : l'irrigation souterraine par « diffuseur enterré » Plusieurs technologies sont en lice pour occuper le segment de l'irrigation souterraine, le groupement associatif FP4S qui milite en faveur de la santé et de la sécurité et de la résilience des écosystèmes, n'a pas l'intention de se livrer à de vaines comparaisons mais d'indiquer, à tous, que la technologie du « diffuseur enterré » réunit, parmi les avantages fondamentaux de l'économie de l'eau et de l'efficience énergétique, de multiples intérêts dont le moindre n'est pas la réduction de la présence des bio agresseurs, en premier lieu les nématodes. En effet, par sa mise en œuvre, la technique d'irrigation par « diffuseur enterré » : favorise naturellement l'enracinement, ce qui écarte le recours à des « enracineurs » chimiques ; élimine totalement la présence de la surabondance d'humidité à la surface du sol et maintient une température constante, dans l'horizon du champ racinaire, inférieure en degrés aux 28-30° nécessaires à l'évolution des nématodes. La suppression de l'humidité élimine les adventices et par conséquent les herbicides réputés dangereux et coûteux, à l'instar du « paillage » (10.000 dirhams à l'hectare) qui, en maintes occurrences, contribue à la pollution des sols. Enfin, il nous semble que le bon sens et l'intérêt commun du consommateur et de l'agriculteur-producteur-exportateur convergerait avec intérêt vers l'adoption d'une solution qui cumule les économies d'échelle et la sécurité alimentaire. *Président de FP4S