Des analystes et experts nationaux et internationaux ont débattu à Rabat du thème des ‘'radicalisations religieuses au féminin, cas du Maroc et de la Tunisie'', dans le cadre d'un colloque international organisé par l'Université Internationale de Rabat (UIR), en partenariat avec l'ONU femmes pour le Maghreb. Ce colloque interdisciplinaire aspire, selon les organisateurs, à ‘'agglomérer les approches et les terrains portés sur les radicalisations religieuses au féminin, afin de contribuer à faire converger les éclairages et proposer une synthèse sous forme d'état des lieux à la confluence des enjeux''. Cette manifestation qui pose l'objectif d'une approche compréhensive du phénomène pour mieux appréhender voire proposer des domaines de recherche idoines sur les dynamiques de la dérive violente des femmes, rassemble des académiques spécialisés sur ces questions à partir de leurs disciplines et terrains d'expertises respectifs afin de poser un focus circonscrit sur la femme et ce à partir des cas marocain et tunisien. S'exprimant à cette occasion, Laila Rhiwi, représentante du bureau Multi-pays de l'ONU femmes pour le Maghreb, a indiqué que l'idée de cette rencontre est d'amener des analyses et des regards croisés des chercheurs et des gens de terrain qui ont approché cette question de l'extrémisme religieux et de la radicalisation dont sont victimes les femmes, et aussi d'essayer d'améliorer la connaissance autour de ce phénomène pour réfléchir à des solutions limitant l'extrémisme. "La paix est gravement menacée aujourd'hui par des phénomènes de radicalisation inédits et difficiles à contrôler", a-t-elle souligné, expliquant que dans ce contexte les droits des femmes et des filles se trouvent directement affectés et de manière disproportionnée, vu qu'elles sont plus vulnérables au conflit du fait des discriminations et des inégalités structurelles des sociétés qui empêchent leur autonomie et les exposent en première ligne aux crises. Mme. Rhiwi a fait savoir qu'une étude mondiale menée par l'ONU femmes a démontré que les femmes constituent une ressource essentielle pour la promotion de la paix et de la stabilité, l'inclusion des femmes est cruciale pour l'établissement de la paix, les sociétés qui respectent les droits des femmes sont moins enclines à l'extrémisme (l'égalité des sexes est une solution), la participation des femmes ainsi que l'investissement dans leur relèvement économique renforce la mise en œuvre des accords de paix et accélère la reprise économique du pays. Dans un monde où les extrémismes placent la subordination des femmes au centre de leur idéologie, l'implication des femmes et l'action en faveur de l'égalité des sexes représente une force pour instaurer une paix durable, a-t-elle ajouté. De son côté, Farid El Asri, professeur associé à Sciences-Po Rabat et titulaire de la Chaire "cultures, sociétés et faits religieux", a relevé que l'objectif de ce colloque est de réfléchir à la problématique de la radicalisation avec une spécificité du genre et des cas focus sur la réalité du terrain marocain et tunisien. "Aujourd'hui nous avons une problématique de fond, c'est qu'il y a un grand angle mort de l'analyse sur la réalité de la radicalisation dans son sens le plus large mais également sur des spécificités de terrain marocain et tunisien", a-t-il estimé, d'où l'importance de prendre et de saisir des terrains spécifiques pour pouvoir observer s'il y a des particularités locales, une logique de benchmarking possible en terme de proposition de lutte contre la radicalisation mais également pour combler un vide au niveau de la recherche'', a-t-il indiqué. ‘'Les analystes observent que la femme marque ainsi une présence hyper-visible, assumée et affirmée dans les rangs de l'extrémisme et que ce soit en arrière scène ou au plus près des champs de bataille'', a-t-il soulevé, ajoutant que ce colloque va impliquer une vingtaine de chercheurs principalement issus du Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la France, l'Italie et de la Belgique pour débattre ce phénomène. Pour sa part, Abdelaziz Benjouad, vice-président à la recherche et développement à l'UIR, a indiqué que cette rencontre vise à mettre le point sur le rapport entre la religion et les radicalités en se focalisant sur la femme, et en jetant la lumière sur les efforts déployés par le Maroc en matière de la promotion d'une religion tolérante au niveau du continent africain. Cette manifestation met en exergue le rôle de la recherche universitaire pour démystifier cette question, ainsi que d'autres questions portant sur les radicalités d'ordre ethnique et d'autres induites par l'exclusion socio-économique. "Nous essayons à travers cette rencontre de sortir avec des recommandations sur la manière dont il faut accompagner les femmes d'une manière générale pour lutter contre la radicalité et de contribuer significativement à la recherche scientifique", a-t-il conclu. Les thématiques de ce colloque portent essentiellement sur "l'approche pluridisciplinaire des radicalisations religieuses féminines contemporaines", "les femmes et violences religieuses par le prisme historique et théologique, "logiques, processus et trajectoires des extrémistes violents au Maghreb" et "la mise en perspective des « Social stabilization assistance » aux croisements des expériences marocaines et tunisiennes".