Entré en vigueur depuis cinq jours, le cessez-le-feu mis sur pied par les Etats-Unis et la Russie en Syrie semble de plus en plus fragile, après que Moscou et Damas ont accusé, samedi 17 septembre, la coalition américaine d'avoir bombardé une position de l'armée syrienne près de l'aéroport de Deir ez-Zor, dans l'est du pays, tuant entre 60 et 80 soldats selon différentes sources. La coalition internationale menée par les Etats-Unis, censée attaquer les groupes islamistes en activité en Syrie, a admis avoir bombardé ce qu'elle pensait être une position du groupe Etat islamique (EI) en Syrie. Les Etats-Unis ont exprimé leurs regrets. Un communiqué du commandement des forces américaines au Moyen-Orient (Centcom) a donné plus de précisions : « Les forces de la coalition pensaient qu'elles frappaient une position de combat de l'EI, qu'elles suivaient depuis un certain temps avant le bombardement. La coalition ne ciblerait jamais intentionnellement une unité militaire syrienne. » Offensives et contre-offensives à Deir ez-Zor La province de Deir ez-Zor, frontalière à l'Irak, est en grande partie contrôlée par l'EI, qui domine aussi la majorité de la capitale provinciale éponyme, à l'exception de l'aéroport militaire, qui offre le seul lien entre la ville et le monde extérieur, et des quartiers aux alentours où vivent des dizaines de milliers de personnes. Les zones contrôlées par les djihadistes sont exclues de l'accord de cessez-le-feu. Dans les heures qui ont suivi la bavure américaine, les djihadistes en ont profité pour lancer une offensive. L'armée du régime a repris la plupart des positions perdues, dimanche, selon une source militaire syrienne citée par les agences de presse. L'EI a annoncé avoir détruit un avion syrien au cours des combats, ce que l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a confirmé, mais pas Damas. L'ONG affirme que plusieurs dizaines de djihadistes ont été tués par des avions russes dans la zone depuis samedi. « Ces frappes mettent en danger tout ce qui a été fait jusqu'ici » Le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) s'est réuni pour des consultations en urgence samedi soir, à la demande de la Russie, sans que le contenu des discussions ait été rendu public. La Syrie avait exigé que « le Conseil de sécurité condamne l'agression américaine et force les Etats-Unis à ne pas recommencer et à respecter la souveraineté de la Syrie ». « Nous exigeons de Washington des explications complètes et détaillées, et elles doivent être données devant le Conseil de sécurité de l'ONU », a demandé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, à la chaîne publique Rossia-24. « Ces frappes mettent en danger tout ce qui a été fait jusqu'ici par la communauté internationale. » Le ministère des affaires étrangères russe a jugé ces bombardements « à la frontière entre la négligence criminelle et la connivence directe avec les terroristes de l'Etat islamique ». Jusqu'à ces frappes, si ni Moscou ni Washington n'avaient formellement prolongé la trêve dans la nuit de vendredi à samedi, les deux pays affichaient leur volonté de le faire, en dépit des violations (près de 200, selon l'armée russe), tout en s'accusant mutuellement de ne pas faire en sorte que leurs alliés – le régime de Damas pour les Russes, les groupes rebelles modérés pour les Etats-Unis – appliquent l'accord à la lettre. Comme l'a résumé l'ambassadeur russe à l'ONU, Vitali Tchourkine, les bombardements meurtriers contre les soldats syriens sont « un mauvais présage » pour le maintien de l'accord. Dans l'est du pays, l'armée du régime était à l'offensive dimanche à Deir Ezzor pour reprendre les positions prises la veille par le groupe Etat islamique (EI), un acteur de la guerre qui n'est pas concerné par la trêve. L'EI a profité samedi du raid meurtrier de la coalition contre une position de l'armée pour avancer, selon une source militaire syrienne. Selon une autre source militaire à l'aéroport de Deir Ezzor, «l'armée a repris la plupart de ses positions sur le mont Thourda avec une couverture aérienne russo-syrienne. L'aviation des deux pays a bombardé les abords de l'aéroport, des quartiers tenus par les jihadistes et la route reliant Deir Ezzor à Mayadine», plus au sud. Le mont Thourda est stratégique car il domine l'aéroport tenu par le régime. Si l'EI le contrôlait, son artillerie mettrait en danger les avions qui y décollent. La province de Deir Ezzor est tenue par l'EI qui contrôle aussi la majorité de la capitale provinciale éponyme, à l'exception de l'aéroport militaire et de quartiers aux alentours aux mains du régime. L'OSDH a indiqué que les combats avaient fait 38 morts dans les rangs jihadistes. L'EI a par ailleurs annoncé, via son agence Amaq, avoir abattu un avion syrien à Deir Ezzor, et son pilote a été tué selon l'OSDH. Au fil des derniers jours, les accrocs limités à la trêve se sont multipliés dans la Ghouta orientale, à l'est de la capitale, dans le nord de la province de Hama et de celle de Homs, au centre du pays et à l'ouest, dans la province montagneuse de Lattaquié. En revanche sur le principal front, dans la ville septentrionale d'Alep, le calme continuait à régner. Mais, faute de garanties de sécurité suffisantes, des camions remplis de nourriture et de médicaments restaient bloqués dans une zone tampon entre les frontières turque et syrienne. La chef jihadiste du Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra avant l'annonce de sa rupture avec Al-Qaïda), Abou Mohammad al-Jolani, a affirmé samedi soir «que ni son organisation, ni les rebelles n'accepterons que le siège d'Alep continue». Dans un entretien à al-Jazeera, il a souligné que «l'unification des rebelles est une nécessité» et que «les négociations continuent» dans ce but. L'accord de trêve prévoit que Washington oeuvre auprès des rebelles pour qu'ils prennent leurs distances avec les groupes jihadistes.