Chez les républicains, le tabou du vote en faveur de la démocrate Hillary Clinton à l'élection présidentielle américaine est brisé, plusieurs personnalités de droite rejetant publiquement Donald Trump, plongé dans l'une des plus graves controverses de sa campagne à ce jour. Le candidat républicain a fait mine d'ignorer la tempête lors d'un meeting en Floride. «La campagne se passe vraiment très bien», a déclaré Donald Trump à Daytona. «Nous n'avons jamais été aussi rassemblés depuis que nous avons commencé». Mais l'inquiétude gagnait le camp républicain, consterné par le comportement du candidat. Des ténors du parti, dont son président Reince Priebus, seraient furieux que Donald Trump ait fait le choix de l'escalade verbale pour répondre à Khizr Khan, un Américain naturalisé d'origine pakistanaise dont le fils Humayun, capitaine de l'armée de Terre, fut tué en Irak en 2004. M. Khan avait vivement dénoncé jeudi dernier à la tribune de la convention démocrate les propos anti-musulmans de Donald Trump. En réponse, Donald Trump a estimé qu'il avait été injustement attaqué, a insinué que l'épouse de M. Khan était restée silencieuse à la tribune car elle n'avait pas le droit de parler en tant que femme musulmane, et affirmé qu'il avait lui-même fait beaucoup de sacrifices dans sa vie. Le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, ou encore le sénateur John McCain ont vivement condamné ses propos. «Trump se comporte comme s'il était encore aux primaires, quand il y avait 17 candidats», a déploré son allié Newt Gingrich sur la chaîne Fox Business. «Il faut qu'il fasse la transition et devienne un potentiel président des Etats-Unis, ce qui est un niveau beaucoup plus difficile». Maintes fois, la trêve fragile entre Donald Trump et son parti avait failli s'effondrer depuis sa victoire aux primaires, en mai. Elle avait toutefois plus ou moins tenu, malgré les dissensions de la convention d'investiture à Cleveland il y a deux semaines. A ce jour, la plupart des élus républicains du Congrès, ainsi que les dirigeants du parti, continuent de soutenir sur le papier Donald Trump ou de dire qu'ils ne voteront ni pour lui, ni pour Hillary Clinton. Mais la dernière semaine a ébranlé ce statu quo. Le risque, pour le parti républicain, est de se présenter en ordre dispersé aux élections présidentielle et législatives du 8 novembre, alors qu'Hillary Clinton dispose de l'appui inconditionnel de tout l'appareil démocrate et du président sortant, Barack Obama. Un nouveau sondage publié mercredi par Fox News donnait à Mme Clinton une avance de 10 points dans les intentions de vote sur son rival républicain, à 49%, contre 39% pour M. Trump. Le mois dernier, l'écart entre les deux candidats était de six points, selon la chaîne d'information conservatrice. Défections de poids lourds Selon NBC, un groupe de poids lourds républicains, dont l'ancien maire de New York Rudy Giuliani, envisage de plaider directement auprès de Donald Trump pour qu'il rentre dans le rang. Les défections se sont accélérées après la fin des primaires, en juin: Brent Scowcroft, ancien conseiller à la sécurité nationale du président George H. W. Bush; Richard Armitage, ancien secrétaire d'Etat adjoint du président Bush fils; Hank Paulson, ancien secrétaire au Trésor du même président; et plusieurs anciens élus ont annoncé qu'ils voteraient pour Hillary Clinton. A la convention démocrate, des républicains ont même pris la parole, ainsi que Michael Bloomberg, ancien républicain devenu indépendant à la mairie de New York. Hillary Clinton, qui a promis dans son discours d'investiture à Philadelphie d'être «la présidente des démocrates, des républicains, des indépendants», tente activement d'attirer des personnalités républicaines dans son giron. Elle a décroché le soutien de l'influente patronne républicaine de Hewlett Packard Enterprise, Meg Whitman, et de Richard Hanna, premier élu républicain du Congrès à annoncer qu'il voterait pour elle en novembre. Face à ces remous, le milliardaire garde le cap. Loin de jouer les hommes d'Etat magnanimes, et contrairement à son colistier Mike Pence, il refuse d'apporter son soutien à Paul Ryan, qui fait face à une primaire dans sa circonscription la semaine prochaine. Et il promet des représailles. Dans une interview au Washington Post, il a annoncé qu'il financerait à l'avenir un comité politique pour faire battre des candidats, démocrates comme républicains. Y compris Ted Cruz, son ex-rival des primaires qui continue de lui tenir tête? «Peut-être», a répondu Donald Trump.