Il nous paraît impératif et urgent de formuler un certain nombre d'interrogations au débat public relatives à la participation politique et la représentation parlementaire des citoyens MRE (Marocains résidant à l'étranger) au Maroc, qui méritent des réponses sans tabou. Les dix principaux axes sont les suivants : XVII - Dix interpellations urgentes 1 - Sous prétexte de difficultés techniques et de problèmes logistiques, ceux qui auraient une certaine forme de nostalgie des années de plomb, voudraient-ils garder les Marocains de l'étranger sous tutelle et mainmise, en les considérant comme des mineurs qui ne sont pas (encore ?) mûrs pour assumer leurs devoirs de citoyens responsables ? Veulent-ils revenir à l'agenda du «contrôle» pour «apprivoiser « et «dompter» les MRE ? Quelles sont les raisons de ce blocage assuré par un puissant lobby qui agit depuis des années, y compris sous couvert «droits-de-l'hommiste» . 2 - Serait-ce parce que l›on craint de manière obsessionnelle le verdict des urnes ? Dans ce cas, la démocratie électorale rime-t-elle avec la prévention et l›empêchement d›arriver à certains résultats électoraux qui seraient inscrits dans la logique des choses ? Rappelons ici qu›en 2011, le PJD n›a pas eu besoin du vote des MRE pour être la première force du pays et conduire jusqu›à maintenant la coalition gouvernementale. Par ailleurs, le courant non «soft», mais «radical» au sein de la communauté, ne participe même pas aux élections, boycottant les institutions représentatives. Alors, d›où vient l›appréhension depuis le 16 juin 2006 ? 3 - Serait-ce parce que l›on appréhende l›expression libre, démocratique et responsable des citoyens marocains à l›étranger ? 4 - Serait-ce parce que certains veulent en fait garder le statu quo pour maintenir à des fins personnelles l›existence de structures avec des budgets conséquents et sans contrôle, qui «pallient» à cette absence de représentation parlementaire ? A cet égard, certains disent que la revendication de la représentation parlementaire des MRE n›est le fait que de quelques individus pour des raisons purement égoïstes, alors qu›en réalité, ce sont les responsables de quelques institutions, qui s›opposent à la très large revendication démocratique exprimée par les citoyens MRE ! 5 - Les derniers attentats barbares de Paris et de Bruxelles, ne sont-ils pas utilisés par certains pour continuer à justifier le maintien de cette discrimination insupportable, allant jusqu›à l›humiliation des citoyens marocains résidant à l›étranger ? 6 - Les citoyens MRE constituent -ils désormais un «danger» mortel pour l›équilibre du champs politique marocain , la stabilité du Maroc , le fonctionnement démocratique de ses institutions représentatives, au point qu›il soit de «l›intérêt national « de les tenir à l›écart , de les confiner dans le statut d›infra droits politiques où ils sont, pour ne pas avoir à subir les effets d›un «saut dans l›inconnu» ou d›une «voie hasardeuse « qui seraient «déstabilisateurs» à plus d›un titre ? 7 - Dès lors, au lieu d›être une politique d›inclusion de la diaspora, cette politique gouvernementale n›est-elle pas plutôt une politique d›exclusion ? Cette politique en direction de la diaspora, ne bute-t-elle pas en effet sur une action d›envergure et planifiée d›un puissant lobby mû fondamentalement par la logique sécuritaire, avec pour objectif d›abattre le citoyen MRE, l›apprivoiser et le soumettre à une mainmise ? 8 - Cette perception en termes de dangerosité des citoyens MRE, répandue par d›aucuns et qui a depuis des années un impact ravageur en matière de politique publique en direction des citoyens marocains à l›étranger, justifie-t-elle l›injustifiable et légitime-t-elle leur mise hors-jeu au plan électoral ? Ne mérite-t-elle pas un débat public transparent où les arguments des uns et des autres sont démocratiquement et sereinement discutés, sans tabou, contrairement par exemple à la pratique fermée et à sens unique suivie par le ministère chargé des MRE et l›Université Cadi Ayyad à Marrakech, lors de la récente tenue du «premier» Forum des jeunes marocains à l'étranger ? Ne faut-il pas rompre avec cette attitude consistant à dire que ce n›est jamais le moment de parler de certaines choses et encore moins publiquement pour des raisons ou des «contraintes d›Etat « ? Même dans cette situation, ne devrait-on pas en débattre en toute responsabilité ? Dans le cadre de la nécessaire refondation du cadre politique général et de l'ancrage du Maroc dans la démocratie et le plein respect des droits humains, cette approche n'est-elle pas à revoir complètement ? 9 - De manière plus précise, le lobby anti-citoyenneté des MRE, qui agit activement de manière souterraine et au grand jour en étant relayé par des responsables d›institutions nationales consultatives, sera t-il recadré dans l›intérêt national et celui de la communauté nationale expatriée ? Ces milieux ne se comportent-ils pas en effet comme s›ils étaient au Conseil de Sécurité avec droit de véto sur le droit de vote et d›éligibilité parlementaire des citoyens MRE à partir des pays de résidence ? 10 - La politique multidimensionnelle en direction de la communauté marocaine à l›étranger, avec toutes les institutions qui lui sont consacrés, ne doit-elle pas s›inscrire en harmonie avec le principe de corrélation entre responsabilité et reddition des comptes, conformément à la Constitution ? En d›autres termes, l›élaboration, la mise en œuvre et le suivi d›une telle politique, ne devrait-elle pas se faire selon une approche démocratique et transparente ? --------------- *Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migration