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Les contraintes au développement du secteur privé marocain : Le poids de l'éducation et des risques microéconomiques
Publié dans L'opinion le 26 - 05 - 2016

Le Groupe de la Banque africaine de développement(BAD) tient, du 23 au 27 mai, à Lusaka, en Zambie, ses 51es Assemblées générales annuelles. A cette occasion, la BAD), le Centre de développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont publié les « Perspectives économiques en Afrique 2016 » qui révèlent que, d'ici 2050, deux tiers des Africains devraient vivre dans des villes. Les formes que prendra l'urbanisation en Afrique seront par conséquent déterminantes pour la croissance et le développement futurs du continent.
Selon les PEA, les performances économiques de l'Afrique se sont maintenues en 2015, en dépit des turbulences mondiales et des chocs régionaux. Le continent est resté la région économique du monde qui a enregistré la deuxième plus forte croissance, derrière l'Asie de l'Est. D'après les prévisions prudentes du rapport, la croissance moyenne du continent devrait rester modeste, à 3.7 % en 2016, avant de se redresser à 4.5 % en 2017, sous réserve d'un renforcement de l'économie mondiale et d'une remontée progressive des prix des produits de base.
Les PEQ sont accompagnées de notes pays, dont celle concernant le Maroc, établie par Vincent Castel, et portant sur la situation économique, le climat des affaires, la gouvernance e le contexte politique et social.
Selon la note pays, le Maroc affiche des équilibres macroéconomiques consolidés avec un déficit budgétaire à 4.3 % du PIB en 2015 et une amélioration nette des réserves de change à environ sept mois d'importations à fin 2015.
Les réformes et les investissements majeurs (port Nador West Med, TGV, complexe Noor, port Kenitra Atlantique) se poursuivent afin d'améliorer le climat des affaires et attirer les investisseurs étrangers vecteurs d'innovation et de valeur ajoutée.
En 2015, la réforme territoriale et les élections régionales et communales, qui se sont déroulées avec succès, augurent la mise en place
d'une nouvelle dynamique en termes de gouvernance et de développement local permettant entre autres un développement plus durable des villes.
Le Maroc a continué en 2015 ses importants efforts de consolidation des équilibres macroéconomiques. Le déficit budgétaire s'est établi à 4.3 % du PIB grâce, en particulier, à la bonne performance de l'économie (4.5 % de croissance) et à la réduction des subventions. Les réserves de change ont augmenté pour se situer à environ sept mois d'importations à fin 2015 grâce à la bonne performance du secteur exportateur et la baisse des importations suite à la chute des cours du pétrole. Ces performances traduisent aussi la politique volontariste du pays d'amélioration du climat des affaires afin de soutenir la transformation de son modèle économique. D'une part, des mesures importantes ont été prises, notamment en matière juridique et fiscal ainsi que dans le domaine de la réglementation des changes. D'autre part, les investissements publics majeurs se poursuivent, avec le bouclage du financement de Nador-West-Med, le lancement de l'appel d'offre du port Kenitra Atlantique en janvier 2016 ou la poursuite du développement de la ligne TGV. Ces actions portent leurs fruits, le secteur automobile étant devenu le premier poste d'exportation en 2015. Ces développements s'effectuent parallèlement à la recherche de nouveaux partenaires, le Maroc continuant de se positionner, en 2015, comme une plateforme d'accès aux marchés africains. Néanmoins, les efforts doivent être poursuivis afin de rendre la croissance moins volatile car moins dépendante d'un secteur agricole peu intensif. En 2016, le faible niveau de pluviométrie, devrait fortement affecter ce secteur, avec ses effets induits sur la croissance du PIB, projetée à 1.8 %.
D'autres défis par ailleurs perdurent. Le Maroc doit notamment faire face aux profondes inégalités (de genre, de localisation géographique, d'éducation et d'accès aux services de base) qui peuvent nuire au caractère inclusif de sa croissance. Dans cette optique, en 2015, le Maroc a poursuivi son important élan de réformes afin que son cadre réglementaire et institutionnel réponde aux exigences de la constitution de 2011. Premièrement, le processus de décentralisation a franchi une étape importante avec la réforme territoriale et les élections régionales et communales qui se traduisent par le transfert progressif de compétences, de l'État vers les collectivités locales. Deuxièmement, l'État poursuit le développement de l'accès aux prestations sociales de base (couverture médicale étendue aux 260 000 étudiants du supérieur public et généralisation de la bourse scolaire Tayssir). Troisièmement, l'État a continué à s'engager pour améliorer le fonctionnement et l'accès aux services publics (charte des services publics, e-Gov, lutte contre la corruption). Finalement, la promotion de l'équité du genre a été poursuivie avec la mise en place d'un système de quotas pour les femmes élues lors des élections de 2015.
Le Maroc cherche à développer son modèle économique de manière durable. Cette approche est promue au sein de la stratégie nationale de développement durable mais aussi grâce à l'adoption de nouvelles lois telles que celle sur l'eau. Le Maroc, pays organisateur de la COP22 en 2016, a été le deuxième pays africain à s'engager dans la réduction de ses émissions des gaz à effet de serre. Ces actions doivent néanmoins être mieux décentralisées notamment au niveau des villes. Les défis en termes de développement durable des zones urbaines demeurent nombreux en particulier avec l'expansion rapide des quartiers périphériques.
La croissance tirée
par la consommation des ménages
La croissance de l'économie en 2015, estimée à 4.5 %, a bénéficié d'une campagne agricole record. Le secteur agricole a en effet profité d'une production céréalière en hausse de 53.4 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Cette performance reflète, en partie, les efforts réalisés au travers du Plan Maroc Vert qui assure le développement de l'irrigation et la mécanisation du secteur. Le secteur représentant 15 % du produit intérieur brut (PIB) et employant 40 % de la population active au niveau national (75 % en milieu rural), sa performance en 2015 a, de fait, eu un effet d'entraînement important sur tout le reste de l'économie. Le secteur touristique a quant à lui souffert des incertitudes sécuritaires qui pèsent sur d'autres pays de la sous-région. Néanmoins, le nombre de nuitées réalisées dans les établissements d'hébergement classés, a progressé de 4.9 % en juillet et août 2015 limitant ainsi la baisse enregistrée sur le premier semestre 2015. Cette performance sur la période estivale est cependant essentiellement imputée à la demande locale et à celle des Marocains résidents à l'étranger car le nombre de nuitées des non-résidents (en particulier français) a diminué (de 13.7 % sur un an en août 2015).
L'office national marocain du tourisme a annoncé vouloir pour 2016 diversifier les marchés cibles et développer la résilience du secteur en attirant en particulier plus de touristes allemands et anglais. Dans le secteur secondaire, la reprise de l'activité du bâtiment et des travaux publics (BTP) fin 2015 a contrebalancé les moindres performances des industries extractives et du raffinage.
L'activité industrielle poursuit
sa reprise avec une progression
du secteur manufacturier de 1.4 % au premier trimestre 2015
La consommation des ménages continue de tirer la croissance en 2015. Celle-ci a bénéficié d'un environnement propice avec la hausse des revenus dans les zones rurales suite à la bonne campagne agricole, la faible inflation (1.8 %), un accès au crédit facilité (5.1 %), une réduction du chômage en début d'année (8.7 % en juillet 2015 contre 9.9 % en 2014), ainsi qu'à des transferts en hausse des Marocains résidents à l'étranger (3 % fin 2015). Néanmoins, cette consommation soutient les importations de produits finis, alimentant le déficit commercial et soulignant l'urgence à développer le secteur exportateur à plus forte valeur ajoutée.
L'investissement public au Maroc a crû de 1.8 % en 2015. Des projets de grande ampleur continuent d'être réalisés au Maroc, afin non seulement d'assurer l'insertion du pays dans l'économie mondiale, mais aussi de poursuivre son intégration territoriale et réduire les inégalités.
Au-delà de la poursuite des travaux de réalisation du nouveau port de Safi, de l'extension du port de Tarfaya et du lancement de la construction d'un nouveau port de pêche à Lamhiriz, l'année 2015 a été marquée, notamment dans le domaine des infrastructures portuaires, par l'allocation d'une enveloppe budgétaire d'environ 0.9 milliard EUR pour le nouveau complexe portuaire NadorWest-Med. Pour ce qui concerne les infrastructures ferroviaires, les travaux de réalisation de la première phase du TGV Casablanca-Tanger et du doublement partiel du réseau ferroviaire reliant Settat à Marrakech ont bien avancé. Le développement des autoroutes s'est aussi poursuivi (El Jadida-Safi ; Berrechid-Khouribga ; contournement de Rabat) dans le but d'atteindre un réseau autoroutier de 1 800 km en 2015. Signe de cette dynamique, trois grands projets marocains ont été identifiés par Jeune Afrique (dans son édition du 24 décembre 2015) comme étant parmi les dix infrastructures les plus marquantes de 2015 (le complexe solaire Noor de Ouarzazate, le parc éolien de Tarfaya qui est le 2e plus grand d'Afrique et le projet Wessal Casablanca-Port).
Les recettes des investissements directs étrangers (IDE) ont connu une croissance robuste (5.8 % à fin 2015 soit plus de 3.4 milliards EUR). Le pays a attiré 23 % des IDE destinés aux pays d'Afrique du Nord depuis 2011. En Afrique, le Maroc n'est devancé que par l'Égypte et l'Afrique du Sud dans cette dynamique. Le développement de la bourse y est pour beaucoup, les non-résidents détenant près de 31 % de la capitalisation boursière fin 2014. Dans ce contexte, la stabilité politique, les nombreux investissements pour le développement infrastructurel, la proximité de l'Europe et la demande intérieure sont des facteurs qui, tous, jouent en faveur du Maroc.
Le secteur exportateur, qui souffre d'un déficit structurel et qui pèse donc régulièrement sur la croissance, a connu un net redressement en 2015 et a été porté par les nouveaux métiers du Maroc. Cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines années, plusieurs groupes (dont PSA Peugeot Citroën, Bombardier etc.) ayant décidé de s'implanter ou de renforcer leur présence dans le pays en 2015. La politique d'industrialisation, par le développement des chaînes de valeur et la croissance du secteur exportateur, pousse par ailleurs le pays à chercher de nouveaux partenaires commerciaux, le pays étant toujours très lié commercialement à l'Europe. Les relations économiques avec les autres pays d'Afrique et en particulier ceux de l'Afrique subsaharienne reçoivent dans ce cadre une attention toute particulière. En suivant cette stratégie, le pays cherche à se positionner comme plateforme d'échanges et d'investissements à destination du reste de l'Afrique.
Les perspectives pour 2016 font état d'une croissance à 1.8 % suite à la baisse anticipée des activités du secteur agricole due à la mauvaise pluviométrie. Néanmoins, la valeur ajoutée non agricole verrait son rythme de progression s'accélérer pour atteindre 3 % en 2016 après 2.7 % en 2015. Ce constat remet au premier plan l'importance pour le pays de mettre en place les réformes nécessaires pour appuyer le développement du secteur privé qui permettra d'assurer la transformation structurelle de l'économie marocaine. Dans ce cadre, le diagnostic de croissance, publié en 2015 par la Banque africaine de développement (BAD), le bureau du chef du gouvernement et la Millennium Challenge Corporation (MCC), a identifié deux principales contraintes au développement du secteur privé : l'éducation et les risques microéconomiques (justice, fiscalité, foncier). Le gouvernement devrait poursuivre ses efforts dans les réformes engagées afin de rétablir les équilibres économiques, d'instaurer un meilleur climat des affaires (réformes de la justice et de la fiscalité, amélioration de la question foncière après les assises de décembre 2015) et de renforcer les prestations sociales (réformes de la retraite) et l'efficience du secteur public.
Le projet de loi de finances 2016 montre la poursuite de cette dynamique. Premièrement, dans un contexte marqué par une maîtrise du déficit budgétaire, l'investissement public se maintiendrait à des niveaux similaires à ceux de 2015 (17.6 milliards EUR). Les établissements et entreprises publics (EEP) continueront de porter la plus grande partie de ces investissements (10 milliards EUR) et l'industrie en serait le premier bénéficiaire. Deuxièmement, l'éducation est particulièrement ciblée, le secteur bénéficiant de près d'un quart des 26 000 postes créés dans la fonction publique. Par ailleurs, afin de faciliter l'accès à l'enseignement supérieur, le nombre d'étudiants boursiers devrait passer à 330 000 contre 182 000 en 2012, et 250 000 étudiants devraient bénéficier de la couverture médicale. Enfin, le processus de régionalisation et de rééquilibrage régional serait poursuivi grâce à:
i) la création du fonds de solidarité interrégionale et du fonds de la qualification sociale ; ii) l'augmentation de la dotation aux régions, de 0.37 à 0.93 milliard EUR ;
iii) l'allocation de 4.6 milliards EUR sur 7 ans pour la réhabilitation de plus de 24 000 douars ; et
iv) la déconcentration des investissements des EEP.
Politique budgétaire
En 2015, le gouvernement marocain a poursuivi sa politique budgétaire restrictive amorcée en 2011, tout en mettant en place les réformes structurelles permettant d'assurer le rétablissement progressif des équilibres macroéconomiques. La nouvelle loi organique des finances, publiée au bulletin officiel en juin 2015, remplace le précédent cadre datant de 1972. En phase avec les dispositions de la constitution de 2011 en matière de finances publiques, elle va permettre d'accompagner la régionalisation et la déconcentration administrative et de favoriser la cohérence entre les interventions de l'ensemble des acteurs au niveau territorial. La loi renforce également le contrôle du pouvoir législatif sur les finances publiques par le contrôle du budget et l'évaluation des politiques publiques. Elle complète les efforts visant l'amélioration de la gouvernance des EEP.
L'objectif d'un déficit budgétaire de 4.3 % du PIB fin 2015 devrait être atteint et les autorités ont annoncé, en juin 2015, un déficit de 3.5 % du PIB pour 2016. Cette performance s'inscrit après une réduction continue du déficit, celui-ci passant de 7.3 % du PIB en 2012 à 5.5 % en 2013 et à 4.9 % (6.8 %, 5.1 % et 4.6 %, respectivement, avec le nouveau PIB de base 2007) en 2014. Cette trajectoire respecte les engagements pris par le Maroc dans le cadre de la deuxième ligne de précaution et de liquidité du Fonds monétaire international (FMI) de 2014 et est conforme avec l'objectif d'un déficit de 3 % à l'horizon 2017.
Cependant, la contraction du déficit budgétaire en 2015 résulte à la fois de la réduction des dépenses globales et de la baisse des recettes ordinaires. La suppression progressive des subventions aux hydrocarbures (hors gaz butane) amorcée en septembre 2013 s'est poursuivie avec l'arrêt le 1er janvier 2015 de la subvention au gasoil, dernière subvention en vigueur sur les produits pétroliers liquides. De fait, en glissement annuel en octobre 2015, le budget alloué aux subventions a baissé de 57.2 % pour s'établir à 1.1 milliard EUR. En 2016, de nouvelles subventions (dont peut-être celle du sucre) devraient être éliminées selon les annonces du gouvernement en août 2015. Cette politique s'est accompagnée de la mise en oeuvre et l'extension de mesures de soutien aux plus démunis et au développement du capital humain marocain, telles que le programme Tayssir (allocations en faveur de la scolarisation) ou le régime d'assistance médicale (RAMED). Les recettes ordinaires ont, quant à elles, reculé de 1.8 % en glissement annuel fin 2015.
Les recettes fiscales ont néanmoins progressé de 4.0 %, suite notamment à l'amélioration des recettes de l'impôt sur le revenu (8.4 %), de la TVA intérieure (9.3 %) et des droits d'enregistrement et de timbre (7 %) contrebalancées par une baisse de l'impôt sur les sociétés (-0.4 %). La réforme fiscale lancée en 2014 devrait être poursuivie en 2016 afin d'élargir l'assiette fiscale. La dynamique des recettes a été bonne ces dernières années avec un accroissement de 3.2 % en 2014 soit un taux de réalisation de 101.7 %.


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