C'est indubitablement l'une des constantes les plus inébranlables de la diplomatie marocaine : Nul ne peut imposer ses règles ou son diktat au Royaume souverain. La toute fraiche décision du gouvernement de suspendre les contacts avec l'Union européenne (UE), suite à la gestion on ne peut plus chaotique par Bruxelles du dossier relatif à l'accord agricole, annulé lors d'un procès qui a fait ricaner plus d'un en Europe et ailleurs, est venue rappeler que le Maroc ne peut accepter qu'il soit traité comme un simple élément d'une procédure judiciaire ou faire l'objet d'un jeu de va et vient à travers les couloirs du Berlaymont. Après plusieurs jours de tergiversations, les instances de l'UE ont déposé, vendredi dernier, la demande de pourvoi en appel de la décision annulant l'accord agricole avec le Maroc, soit un jour ouvrable avant le délai légal de cette procédure qui venait à expiration le 22 février. Sur ce point là, le gouvernement marocain reproche aux instances de l'Union de faire le black out total. Opacité, excès de zèle ou manœuvres technocratiques et administratives ont entouré le travail des services compétents de l'UE et un manque de transparence flagrant a été relevé dans l'élaboration du document de l'appel, sachant que le Maroc, bien qu'il ne soit pas partie prenante au procès, est directement concerné par cette affaire qui met en péril la confiance entre les deux partenaires. Depuis le déclenchement de cette affaire à laquelle personne ne s'attendait, le Maroc a exprimé ses inquiétudes quant à la sécurité juridique de ses accords avec l'UE et mis en garde les institutions européennes contre la manipulation, sport favori de l'Algérie et du polisario. Que de navettes diplomatiques, que de communiqués et déclarations d'officiels marocains et d'experts européens et internationaux mettant l'accent sur l'urgence pour l'UE de préserver ses acquis avec son partenaire marocain et de ne pas prêter le flanc aux manœuvres ourdies par les adversaires du Royaume. Pourtant c'est le Maroc que l'Union européenne avait choisi en 2008 comme premier pays auquel elle avait accordé un statut avancé et c'est ce Maroc là, qui fait le gendarme de l'Europe en matière de lutte contre le terrorisme et l'immigration clandestine, qui voit aujourd'hui ses accords voguer à la dérive à cause d'un jugement inique, une compilation de bavures judiciaires, rendu par un tribunal instrumentalisé qui s'était basé sur des arguments inconsistants et des supputations infondées au seul objectif de nuire au Royaume. Le gouvernement a, d'ailleurs, réitéré sa condamnation de ce jugement et dénoncé le caractère dangereusement politique de la décision, ses arguments infondés, sa logique biaisée et ses conclusions contraires au droit international et en porte à faux avec les résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU. Le gouvernement s'est élevé contre 'l'attitude déloyale de l'Union européenne qui fait peu de cas du respect nécessaire entre partenaires'', alors qu'elle avait promis au Maroc une gestion transparente et des efforts intenses pour régler ce dossier. A Bruxelles les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour l'eurodéputé Gilles Pargneaux, président du groupe d'amitié Maroc-UE au parlement européen, 'la réaction du Maroc est tout à fait légitime et il est en droit de réclamer un minimum de transparence dans la gestion de ses relations avec l'UE''. Réagissant à la décision du gouvernement de suspendre ses contacts avec l'Union européenne à l'exception des échanges au sujet du recours relatif à l'accord agricole, M. Pargneaux a invité les instances européennes à travailler dans la transparence avec les autorités marocaines. Le député européen a appelé à la reprise du dialogue entre les deux parties, car 'l'Union européenne a besoin du Maroc, notamment dans la lutte contre le terrorisme, l'immigration et la sécurité''. 'Cette coopération s'étend également au domaine énergétique. Le Maroc abrite en novembre prochain la COP 22 et nous avons besoin de développer le partenariat avec le Royaume devenu un leader mondial dans ce domaine'', a souligné M. Pargneaux. 'L'Union européenne ne saurait sacrifier ses relations de longue date avec le Maroc pour des raisons de technocratie administrative'', a-t-il relevé. L'Europe devra donc faire le choix entre la nécessité de prendre en compte dûment les intérêts du Maroc ou se laisser conduire sur des pistes qui lui sont préjudiciables en mettant en péril ses alliances stratégiques, dans une conjoncture marquée notamment par de graves enjeux sécuritaires et de profondes incertitudes sur la survie même de l'espace communautaire.