Le dirigeant chrétien Samir Geagea a créé lundi la surprise en annonçant qu'il soutenait son ennemi juré comme candidat à la présidence de la République au Liban, une décision qui pourrait faciliter le règlement de la crise autour de ce poste vacant depuis 18 mois. Samir Geagea, dont le parti des Forces Libanaises (FL) appartient à un bloc politique soutenu par l'Occident et l'Arabie saoudite, a annoncé dans une volte-face qu'il soutenait son rival historique Michel Aoun, dont la formation est alliée au Hezbollah. M. Geagea est très hostile au régime syrien de Bachar al-Assad alors que le Hezbollah combat en Syrie voisine aux côtés des forces de M. Assad. "Après une longue réflexion, de longues discussions et délibérations du comité exécutif, les Forces libanaises annoncent leur soutien à la candidature du général Michel Aoun à la présidence", a annoncé M. Geagea lors d'une conférence commune avec son ex-rival. Il a annoncé que cette décision avait été prise avec "l'espoir de parvenir à une situation plus stable" dans le pays, en référence à la vacance de la magistrature suprême qui revient depuis la création du Liban à un chrétien maronite. Le général Aoun a remercié son adversaire. "C'est une journée historique. Nous devons tourner la page du passé afin de construire le futur, sans toutefois l'oublier pour ne pas le répéter", a-t-il dit. "J'espère que les élections vont se tenir. J'espère qu'il y aura pour une fois l'unanimité pour protéger les composantes de ce pays", a ajouté M. Aoun, 82 ans. Ce soutien est une grande surprise alors que les deux hommes se sont livrés une farouche bataille en 1989, divisant profondément la communauté chrétienne, en pleine tutelle syrienne du pays. Alors hostile au président Hafez al-Assad, père de l'actuel président, le général Aoun est chassé du pays en 1991. Il n'y reviendra qu'en mai 2005 et se rapprochera un an plus tard du Hezbollah puis adoptera une position très favorable au clan Assad. MM. Aoun et Geagea s'étaient retrouvés en compétition pour le poste de chef de l'Etat après la fin du mandat du président Michel Sleimane en mars 2014. Ce revirement change la donne. L'ex-Premier ministre Saad Hariri, qui dirige la coalition dite du 14 mars dont fait partie M. Geagea, avait appuyé le troisième dirigeant chrétien, Sleimane Frangié pour le poste de président, et se voit ainsi désavoué. Dans les rangs de la coalition adverse dite "du 8 mars", cela risque de créer des remous chez les proches de Sleimane Frangié et des réticences au sein du Hezbollah. Il n'est donc pas sûr que Michel Aoun obtiendrait la majorité absolue au Parlement pour se faire élire. Le Parlement compte 128 députés, pour moitié musulmans et pour moitié chrétiens.