Les deux mémorandums élaborés récemment par le CNDH (Conseil national des droits de l'homme), relatifs aux rassemblements publics et à la liberté associative s'inscrivent dans la contribution de cette institution au débat public relatif aux libertés publique visant à renforcer le processus de mise en oeuvre de la Constitution. Celle-ci estime qu'un tel processus constitue une « opportunité historique pour bâtir, sur une base concertée, les principes fondamentaux des libertés publiques » Le CNDH note qu'en dépit de son dynamisme et de l'esprit civique dont témoignent ses adhérents, la société civile marocaine est confrontée à des obstacles et difficultés d'ordre juridique et administratif et en termes de ressources humaines et financières comme vient de le rappeler l'enquête nationale auprès des institutions sans but lucratif (ISBL) menée par le Haut-commissariat au plan (HCP) et publiée en décembre 2011. En dépit des avancées légales et réglementaires, le tissu associatif marocain est toujours confronté à des difficultés juridiques et à des pratiques administratives qui peuvent souvent générer des abus de pouvoir. En effet, s'il est possible de qualifier le cadre juridique régissant les associations comme étant globalement libéral (hormis la « parenthèse autoritaire » consacrée par les amendements du 10 avril 1973), il n'en demeure pas moins que ce cadre répond de moins en moins aux défis juridiques qu'affrontent aujourd'hui les associations, aux mutations du mouvement associatif, au rôle qui lui est dévolu par la Constitution et aux besoins et aspirations de la société. Le CNDH rappelle, à cet égard, des problématiques comme la lourdeur de la procédure de déclaration des sections des associations nationales, les pratiques administratives faisant obstacle au processus de constitution de certaines associations et l'insécurité juridique résultant de ces pratiques. A titre d'exemple, l'enquête réalisée par la Commission régionale des droits de l'Homme (CRDH) de Beni-Mellal-Khouribga sur les conditions d'application de la loi réglementant le droit d'association a montré la persistance de pratiques administratives non conformes aux dispositions législatives et réglementaires régissant le droit d'association, comme la non délivrance des récépissés provisoires. Le CNDH souligne, également, les limites du régime juridique des associations étrangères, notamment en ce qui concerne le délai à partir duquel les associations étrangères peuvent exercer les opérations autorisées par l'article 6 du Dahir réglementant le droit d'association : ce délai est de trois mois pour les associations étrangères (art. 25), alors qu'il est de 60 jours pour les associations nationales. Une autre limite du statut des associations étrangères réside dans l'introduction d'un élément juridique qui relève de la logique d'autorisation dans le cadre de la constitution des unions et des fédérations d'associations étrangères, à savoir l'autorisation par décret prévue à l'article 26 du Dahir réglementant le droit d'association. La diversité des statuts juridiques des fondations constitue une des caractéristiques fondamentales du système juridique national. Ainsi, des fondations sont instituées par Dahir sur la base de l'article 19 de la Constitution de 1996, d'autres sont créées par la loi, certaines sont créées dans le cadre du Dahir N°1-58-376 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d'association, et quelques unes sont régies à la fois par le Dahir de 1958 réglementant le droit d'association et la loi N° 18-97 relative au microcrédit. S'il est possible de justifier cette multiplicité par d'une part, le respect nécessaire des compétences des pouvoirs constitués et d'autre part, par le droit des associations de choisir leur dénomination, il n'en demeure pas moins que notre système juridique ne prévoit pas un cadre global et unifié du régime des fondations. La diversité des cadres juridiques n'est d'ailleurs pas propre aux seules fondations. Recommandations concernant le cadre juridique des associations Le CNDH estime que l'objectif central de la réforme du cadre juridique régissant les associations devrait être le renforcement des garanties de la liberté d'association et de l'indépendance du tissu associatif, afin de permettre à la société civile de jouer son rôle désormais consacré constitutionnellement. La réalisation des objectifs de valeur constitutionnelle passe, de l'avis du Conseil, essentiellement par le renforcement du tissu associatif national et par la codification de la jurisprudence, notamment celle des tribunaux administratifs, en matière de liberté associative. Le Conseil considère à cet égard que toute réforme du cadre juridique et règlementaire régissant les associations doit apporter des solutions juridiques et institutionnelles à une série de problématiques fondamentales afin de retrouver pleinement la logique libérale et déclarative du cadre juridique régissant les associations. Ainsi, le CNDH recommande au législateur de procéder à la révision du Dahir n°1-58-376 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) réglementant le droit d'association dans le sens libéral de 1958 en : - Remplaçant les peines privatives de liberté, prévues par le Dahir réglementant le droit d'association par des amendes; - Accordant aux enfants âgés de 15 à 18 ans le droit de constituer leurs propres associations en vue de garantir l'effectivité du droit des enfants à la participation ; Alignant le statut juridique des associations étrangères sur celui des associations nationales dans une perspective d'égalité de droits, conformément à la Constitution et à la nouvelle politique migratoire du Royaume ; - Prévoyant, dans l'article 5 du Dahir, la possibilité de déposer par voie électronique la déclaration de constitution des associations ou de renouvellement de leurs organes dirigeants, dans le cadre de la dématérialisation des procédures relatives aux actes de la vie associative ; - Exonérant les déclarations de constitution des associations et de renouvellement de leurs organes dirigeants des frais du timbre de dimension prévu à l'article 5 du Dahir. Le CNDH recommande en outre : - D'adopter un statut légal particulier pour les fondations, clarifiant leurs spécificités, les modalités d'obtention de ce statut, leur financement et leur administration ; - De mettre en place un cadre juridique statutaire de l'action associative bénévole et volontaire. Ce cadre peut préciser notamment les droits et les obligations des bénévoles et des volontaires, les modalités d'évolution de cette catégorie de travailleurs associatifs au sein des associations, la contribution de l'Etat à la couverture des risques encourus par les bénévoles ainsi que les modalités de remboursement des frais engagés par eux dans le cadre de leurs activités ; D'amender l'article 7 du Code de procédure pénale afin de permettre à toutes les associations légalement constituées, et pas seulement celles ayant le statut de l'utilité publique, de se constituer, dans la limite de leur objet statutaire, en tant que partie civile dans toute action civile en réparation du dommage directement causé par un crime, un délit ou une contravention ; - D'amender l'article 4 du Dahir N° 1-02-212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (tel que modifié et complété) afin d'élargir le droit de saisine de la HACA à toutes les associations légalement constituées, leur permettant ainsi de lui adresser des plaintes relatives à des violations, par les organes de communication audiovisuelle, des lois ou règlements applicables au secteur de la communication audiovisuelle. Sous réserve du renforcement des ressources financières mises à leur disposition et de révision de la fiscalité associative et des facilités douanières des associations, la reconnaissance de la qualité d'association d'utilité publique, qui ne subsiste pratiquement qu'en France, pourrait être définitivement abandonnée. A titre transitoire, le Conseil recommande que les critères d'accès des associations au statut d'utilité publique soient mieux clarifiés. Dans ce sens, deux points d'entrée ont été identifiés au niveau du décret N°2 -04-969. Il s'agit d'une part de préciser la portée de la notion de « poursuite d'un but d'intérêt général » prévue dans l'article 1er et d'autre part, d'encadrer le pouvoir d'appréciation confié aux représentants de l'exécutif, prévu dans l'article 6, en instaurant des critères explicites sur lesquels la dite appréciation peut être fondée.