L'attentat contre un bus de la sécurité présidentielle en plein cœur de Tunis a été perpétré à l'aide de 10 kilos d'explosifs, placés dans un sac à dos ou sur une ceinture, a annoncé mercredi le ministère de l'Intérieur. «L'attentat terroriste a été commis en utilisant un sac à dos ou une ceinture contenant dix kilos d'explosifs», a indiqué le ministère dans un communiqué, sans dire explicitement si l'attaque de mardi, qui a fait 13 morts, avait été le fait d'un kamikaze. «Les premières analyses effectuées par la direction de la police scientifique et technique ont permis d'identifier les victimes appartenant à la sécurité présidentielle en se basant sur leurs empreintes. Le treizième corps est soupçonné d'être celui du terroriste qui a provoqué l'explosion», a précisé le ministère. «Il n'a pas été possible d'identifier le treizième corps par ses empreintes car il n'avait pas de doigts. Une identification par analyse ADN est en cours», a-t-il poursuivi. L'attentat s'est produit mardi en fin d'après-midi à proximité de l'avenue Mohamed-V, l'une des principales artères de la capitale. Alors que les circonstances de l'opération n'ont pas été encore élucidées par les enquêteurs, les réactions des acteurs politiques et associatifs n'ont pas tardé pour appeler à l'union sacrée face à un acte accablant, au vu du contexte sécuritaire et économique ardu que traverse le pays depuis les attaques meurtrières du musée Bardo à Tunis, le 18 mars, et de Sousse, le 26 juin. Dans cet élan patriotique, le parti au pouvoir, Nidaa Tounès, a apporté un soutien indéfectible aux mesures annoncées par le président Béji Caid Essebsi avec l'instauration de l'état d'urgence et le couvre-feu dans le Grand Tunis. Nidaa Tounès, qui a rangé de côté ses divisions internes, invite l'ensemble des formations politiques et la société civile «à s'unifier sous la bannière du drapeau national et face à un ennemi commun à l'affût». Son principal allié au gouvernement, le mouvement Ennahda, estime que «l'unité nationale et la solidarité restent l'arme des Tunisiens dans la guerre ouverte contre le terrorisme» qui «n'a pas d'avenir et qui finira par être vaincu». «Les terroristes ne parlent pas au nom de l'islam, leurs crimes n'affecteront pas le moral du peuple, ses services de sécurité et son armée», souligne le mouvement islamiste. De par «son devoir national, sa responsabilité historique et en respect au sang versé des martyrs», la puissante centrale syndicale, l'Union générale tunisienne du travail, a annoncé le report des grèves dans le secteur privé et des rassemblements prévus, ce mercredi, dans le Grand Tunis. Les observateurs ont été unanimes à relever que l'attentat de mardi s'inscrit dans une trajectoire progressive d'agressions et d'attaques, la dernière en date étant la décapitation d'un jeune berger dans le centre du pays. En septembre dernier, les autorités tunisiennes ont eu possession de renseignements sur d'éventuels attentats à la voiture piégée dans la capitale et de l'imminence d'actes terroristes pouvant cibler des édifices névralgiques et des personnalités politiques. Il y a trois jours, l'ancien président Moncef Marzouki a été officiellement informé d'un projet de son assassinat. Les analyses évoquent aussi la coïncidence de cet attentat avec les exploits réalisés par les services de sécurité dans la traque et la guerre préventive contre les cellules dormantes, avec le démantèlement de groupuscules extrêmement dangereux et l'avortement de plans criminels d'envergure. Si ce n'est la vigilance des services de sécurité, la ville de Sousse allait être une fois, en ce mois de novembre, le théâtre d'une nouvelle opération spectaculaire contre des établissements touristiques et des postes de police. La vague terroriste constitue un défi majeur à la transition démocratique fragile en cours dans le pays, sur fond de tiraillements au sein de la coalition gouvernementale, particulièrement le parti majoritaire, Nidaa Tounès, menacé d'implosion qui ne manquera pas d'accentuer la confusion générale. De ce fait, les observateurs et les acteurs politiques ne cachent pas leur inquiétude des effets négatifs de cet attentat, à un moment où la Tunisie connaît une conjoncture économique compliquée à cause de la récession résultant du recul des investissements et de la hausse des dépenses, de la baisse de la productivité et de la saignée des recettes touristiques. Ce n'est pas par hasard que le tourisme constitue une cible privilégiée des opérations terroristes. Car il représente officiellement 10 pc du PIB, quelque 20 pc selon des professionnels, comblait le déficit budgétaire à hauteur de 57 pc et, surtout, assurait un gagne-pain pour 2 millions de familles tunisiennes, directement ou indirectement. Le président Béji Caïd Essebsi a rétabli dans la foulée l'état d'urgence dans tout le pays et instauré un couvre-feu nocturne dans le Grand Tunis. Cinq mois après le carnage de la ville côtière de Sousse, le cœur de la capitale Tunis a, donc, été frappé par un attentat contre un bus de la garde présidentielle, dans le droit fil de la guerre continue des autorités contre le terrorisme, qui met, à chaque fois, à l'épreuve l'unité nationale et l'attachement des Tunisiens au choix démocratique.