Le Prix Grand Atlas dans sa 22ème édition a été décerné, jeudi soir à Rabat, aux écrivains Fatma Aït Mous, Driss Ksikes et Asma Lamrabet, parmi les auteurs de 12 essais interrogeant la réalité marocaine sur tout le spectre de l'introspection sociétale. La politologue Fatma Aït Mous et le journaliste Driss Ksikes ont remporté le Grand Prix, dans la catégorie «Essai», pour leur livre «Le métier d'intellectuel», qui regroupe des entretiens avec quinze penseurs marocains et permet de s'interroger sur la place des intellectuels dans une société en mouvement et de comprendre les relations entre démarche scientifique et engagement citoyen, entre recherche et mutations sociales. Le médecin biologiste Asma Lamrabet a été primée, quant à elle, dans la catégorie «Traduction» pour son ouvrage «Femmes et hommes dans le Coran», traduit vers l'arabe par Bouchra Laghzali. L'auteur essaie dans ce livre de redonner aux femmes leur place dans l'Islam. Le Prix spécial du jury a été remis à l'ouvrage collectif «Ce qui nous somme», qui a été écrit au lendemain des attentats de Charlie Hebdo. Par la diversité de ses auteurs et de leurs positions, ce collectif donne une image juste de la société marocaine et d'un pays qui est fermement opposé à l'extrémisme, au fanatisme et qui s'insurge contre les amalgames entre islam et violence. Afin d'associer la jeunesse aux grands débats d'aujourd'hui, les étudiants du Royaume ont également décerné le Prix Grand Atlas Etudiants, aux ouvrages «Le métier d'intellectuel» et «Les Berbères» de Gabriel Camps. Lors de cette cérémonie, qui a été ponctuée par une minute de silence à la mémoire des victimes des attentats de Paris, d'Egypte et de Beyrouth, le sociologue, philosophe et théoricien de la complexité, Edgar Morin a prononcé «un éloge de la liberté», en hommage aux victimes des attentats qui ont endeuillé la France et suscité au Maroc d'innombrables messages de sympathie. Dans son discours, M. Morin a évoqué la «diversité culturelle» qui a nombre d'avantages mais qui nécessite, toutefois, la «liberté». Qui dit liberté, selon le philosophe, dit «tolérance», laquelle ne doit pas être conçue, a-t-il expliqué, comme une position de supériorité que l'on exerce avec dédain, mais une conviction et un état d'esprit au service de la diversité culturelle, en consacrant le «respect de la minorité». Il a aussi souligné que «le danger ne peut pas être éliminé seulement par des actions répressives», mais en «imposant la paix», appelant le Maroc et le peuple marocain à intervenir dans ce cycle de la lutte contre l'extrémisme. L'ambassadeur de France à Rabat, Jean-François Girault, a indiqué que «cette soirée a une signification particulière compte tenu des circonstances que traverse la France, qui est atteinte aujourd'hui par une effroyable barbarie», ajoutant que «ce prix symbolise la résistance face à ceux qui voudraient nous interdire de réfléchir, d'écrire, de penser dans la diversité et dans le pluralisme, de la liberté et de la tolérance». «Le Maroc a toujours été aux côtés de la France dans l'adversité», a-t-il affirmé, relevant qu'entre les deux pays, «il n y a pas de notion d'étranger. Nous sommes réunis par l'histoire, par la langue française qui est l'un des socles de notre amitié». Le jury de la 22è édition du Prix Grand Atlas 2015, présidé par Edgar Morin, était composé d'intellectuels marocains, à savoir la libraire Souad Douiri Balafrej, le sociologue Mohamed Sghir Janjar, l'historien Mohamed Kenbib, la journaliste Maria Moukrim, le politologue Mohamed Tozy et la sociologue Sophie Bava. Créé par l'ambassade de France au Maroc pour valoriser l'édition marocaine, le Prix Grand Atlas, qui s'inscrit dans le cadre de la saison culturelle France-Maroc 2015 de l'Institut français au Maroc, est organisé en partenariat avec la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc (BNRM), lieu par excellence de culture, d'échanges intellectuels, de transmission des savoirs.